Considérez-vous que votre film appartienne au cinéma ethnographique ?
Non. Je ne me suis pas intéressée à la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour des raisons ethnographiques. Je m’attache à l’influence que nous avons sur ce monde-là, à cette colonisation qui perdure. Je montre que nous n’avons jamais cessé de détruire ce monde, de l’exploiter, de poser un regard biaisé dessus, d’aller le prendre en photo.
A l’inverse d’un film ethnographique, je ne voulais pas que la voix off surplombe l’ensemble et vienne nous dire qu’on est à tel endroit, dans telle région. Il s’agissait plus d’affirmer ma place d’étrangère qui vient à leur rencontre. La voix off était là pour amener plus d’émotion dans le film, afin de parler des Papous de manière intime.
Quelle est la genèse du film ?
Quand j’étais petite, je rêvais d’aller vivre dans la jungle avec des tribus que j’avais complètement fantasmées. J’avais envie de cerner quelque chose de notre humanité, en allant me frotter à une altérité lointaine. Plus tard, j’ai suivi des études de journalisme. J’ai fait mes premiers pas au Dauphiné Libéré et dans ce cadre, j’ai assisté à la conférence d’un photographe qui avait organisé une exploration inversée avec deux chefs de tribus papous. Tout à coup, je me suis retrouvée à côté de mon rêve d’enfant. J’avais en face de moi des vrais chefs avec un charisme, une gestuelle et une langue particulières. L’un d’entre eux s’est assis à côté de moi et n’a pas voulu me quitter de la soirée. Suite à cette rencontre, j’ai demandé conseil au photographe car je ne connaissais rien de ce pays. Grâce à une bourse de voyage Défis Jeunes, je me suis rendue sur place une première fois, munie de mon appareil photo. Je croyais pouvoir comprendre et aimer instantanément ce pays mais en fait, l’expérience a été très difficile. J’ai réalisé la violence et la complexité du lieu. Même si j’avais d’autres velléités, je n’allais rien apprendre en y allant en touriste et sans comprendre la langue.
Comment avez-vous trouvé votre sujet ?
Je suis revenue plusieurs fois en Papouasie, en qualité de documentariste radio pour France Culture et France Inter. Je me suis d’abord intéressée à une petite ville minière perdue dans la jungle, à l’Ouest de la Papouasie- Nouvelle-Guinée. J’ai rencontré là-bas une jeune femme qui portait sur moi un regard à la fois d’admiration et de rancoeur, ce qui m’a énormément touchée. Elle disait qu’elle voulait être comme nous les Blancs, riches, raffinés et vecteurs de progrès. Cette dépréciation d’eux-mêmes m’a marquée et ce regard d’envie sur nous me paraissait complètement absurde et anormal. C’est à ce moment-là, en 2010, que j’ai entendu parler du projet d’ExxonMobil. Ils avaient décidé d’exploiter le gaz naturel dans les Highlands. On m’avait dit que la compagnie allait arroser la région de millions. Je me suis demandé quels effets tant d’argent auraient dans une société tribale n’ayant pas du tout le même fonctionnement que nous. Pour faire un film, je devais d’abord bien cerner le sujet. J’ai donc écrit au préalable un article pour le Monde diplomatique et réalisé un autre documentaire radio. Finalement l’argent n’est jamais arrivé dans la région et c’est devenu un film sur l’attente et les promesses non tenues.
Comment avez-vous rencontré vos personnages ?
Je suis retournée en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour faire des repérages. J’étais seule et à pied. Les Papous m’ont appelée « la femme blanche qui marche » parce qu’ils étaient habitués à voir des Blancs se déplaçant en convois. Jamais ils n’avaient vu une petite jeune débarquer à pied avec un appareil photo et qui s’intéressait à leur histoire. Je dormais dans le chantier de l’usine en construction avec les membres d’un clan, rencontrés lors de mes voyages précédents. Le voyage a été très difficile car je n’avais ni histoire, ni personnages. Les Highlands de Papouasie-Nouvelle-Guinée sont quand même l’un des derniers endroits au monde à avoir été explorés par les Occidentaux. Tous les jours des dizaines d’hommes venaient me voir pour me faire part de leurs doléances. On sentait un énorme besoin de raconter ce qui leur arrivait, de dire à quel point on les avait trahis. La firme s’était implantée mais l’argent n’était pas tombé et l’environnement était bouleversé. Quelques semaines se sont écoulées jusqu’à ce que Chef Homaï vienne me voir. Il m’a proposé de venir dormir dans sa propriété familiale, où vivait sa soeur Janet. Ils ont plusieurs maisons dans la propriété. Là, j’ai rencontré une famille assez divisée. Je n’ai rencontré Tony qu’à la fin car il était en voyage avant. Chaque membre de la famille avait un rapport différent à la modernité et à la présence d’ExxonMobil. Peu à peu, des personnalités se sont révélées et je me suis attachée à elles.
Comment vous-êtes intéressée à Tony dont le fantôme plane sur tout le film ?
Je n’avais toujours pas d’histoire, jusqu’à ce que je commence à m’intéresser à Tony, ce fils dont on parlait beaucoup mais qui n’était pas là. C’était le chef en affaires de la tribu qui venait faire le lien entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Autrement dit, le monde des puissants et leur monde à eux. Il voulait apporter la modernité aux siens. Je sentais qu’il y avait à son égard un mélange de fascination, d’admiration et de rivalité, notamment de la part d’Homaï. Je me suis d’abord intéressée à cet aspect.
Tony était donc quelqu’un au départ dont vous entendiez parler mais qui n’était pas là. Dans le film, le spectateur entretient ce même rapport à une figure à la fois présente et absente…
Cette présence-absence est exactement ce que j’ai vécu. Tony était comme une présence fantomatique qui flottait au-dessus de nous mais n’était pas là. Après mes repérages en solo, je suis retournée sur place un an ou deux ans après avec une équipe. Puis il y a eu un second tournage cinq ans plus tard. Mais dans l’intervalle, Tony était mort. Il m’a été très difficile de réinventer cette histoire après sa disparition. Je me suis rendue compte que sa trajectoire est symptomatique de ce qui arrive aux chefs instruits. Ils quittent le village et passent beaucoup de temps à la capitale qui les corrompt. Tony était le médiateur entre sa tribu et le monde occidental. Son combat était extrêmement déchirant parce que son clan évolue dans un système de répartition horizontale et dans le temps présent. A l’inverse, notre redistribution est très verticale. On investit, on épargne, on pense à soi, on est dans un rapport très individualiste à l’argent, là où eux redistribuent les richesses au groupe. Investir et être un homme d’affaires veut dire changer complètement de système et trahir les siens. Tony était tiraillé, ce qui est le sort de beaucoup de chefs en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Tony était aussi le dernier médiateur entre son peuple et ExxonMobil. Tout dialogue semble impossible avec cette firme…
Ce dialogue impossible est ce qui est ressorti de cette histoire. J’ai essayé de montrer comment Homaï tente de reprendre le flambeau après son frère, sans toutefois posséder le langage et les codes. Il n’a pas le même niveau d’études, ne parle pas anglais ou très peu. On leur demande tout à coup d’écrire des lettres, alors qu’ils ont une culture orale. Les tribus sont enfermées à l’extérieur de leurs terres avec des grilles qui ont été érigées autour du site. Les Blancs ne s’adressent à eux que depuis leurs tribunes, séparées par des barbelés. Quant aux employés d’ExxonMobil, ils ne se déplacent qu’en convois avec des vitres grillagées. Il fallait donc recréer le lien avec ces personnes, autrement qu’en les photographiant et en allant chercher les images qu’on veut voir d’elles.
Avez-vous essayé de rencontrer ExxonMobil ou avez-vous préféré privilégier le point de vue des autochtones ?
J’avais fait une interview avec une porte-parole d’ExxonMobil pour l’un de mes documentaires radio et c’était vraiment la langue de bois. Elle ignorait tout de cet endroit, de la région et des gens qui y habitent. Mais pour ce film, j’avais envie de partir du point de vue des locaux et de me mettre dans leur position. Ils n’ont pas accès à ExxonMobil ou par le biais de porte paroles, juchés sur les tribunes. Je ne suis pas rentrée dans le site, tout simplement parce que les locaux n’y rentrent pas. Je voulais faire ressentir cette frustration.
Le film s’ouvre sur un show touristique et la scène distille un vrai malaise. Que dit-elle de votre position de filmeuse ?
Je voulais montrer l’incongruité de ce show touristique qui est pourtant d’une grande banalité. Je tenais beaucoup à ce que l’on soit d’abord dans la peau d’un touriste. On commence par un beau plan de danse tribale qui exalte la beauté de ces groupes. Je voulais qu’on les filme dans leur dignité, démarche valable pour l’ensemble du film. Mais tout à coup, on change de point de vue et on se rend compte que nous ne sommes pas dans un sanctuaire avec les survivants d’un paradis perdu, mais sur un terrain vague clôturé avec des gens qui tiennent des pancartes. Dessus, les noms et les numéros de leurs groupes. J’avais envie de faire ressentir l’invasion par les Occidentaux. Cette scène raconte la Papouasie et sans elle, le film aurait été beaucoup moins politique, je pense. On vient capturer leur image mais on détourne le regard sur ce qui se passe réellement à côté.
La caméra se retourne et montre un touriste en train de filmer lui aussi et là, nous prenons conscience de l’indécence du show…
Et de l’étrangeté de notre présence ! C’est nous qui sommes étrangers, pas eux. Je ne souhaitais pas porter de jugement sur les personnes présentes. Nous avons veillé à ne pas faire une scène trop cruelle ou moqueuse à l’égard des touristes. J’ai donc pris soin de sélectionner au montage les personnes les plus lucides et les plus sympathiques.
Il y a cet enfant qui scrute la caméra et son regard nous transperce. Pourquoi vous-êtes vous concentrée sur lui ?
On passe dans son point de vue. Il regarde le monde autour de lui. Il y a tellement de choses qui passent dans son regard : une espèce de lassitude, de dignité, d’incompréhension, de tristesse aussi. On voit les jambes des membres de son groupe et celles des touristes : ces gens sont rassemblés mais n’ont rien à faire ensemble. Il faut savoir que le Goroka show est une invention coloniale. Elle visait à unifier le territoire, en orchestrant la rencontre de tribus qui ne se connaissaient pas ou qui se faisaient la guerre. Je trouve intéressant qu’une invention coloniale se soit transformée en attraction touristique.
L’enfant est-il l’emblème d’un monde qui s’effondre et qui ne laisse aux générations futures aucun espoir ?
La caméra qui tourne autour de lui signifie en effet la perte de repères. Il est face à nous et nous interroge. Le chef opérateur a été capable de saisir ce moment de grâce. Le film devait nous impliquer et nous questionner jusqu’au bout puisque cette scène d’ouverture fait écho à la fin du film.
En quoi le début et la fin de votre film se répondent-ils ?
Le film s’achève sur ce personnage magnifique qu’est Day et qui oscille entre le fou et le visionnaire. Il a un regard sur son monde très lucide et très politique. A la fin, je lui ai demandé de porter sa coiffe et on assiste à un autre moment de grâce. Il s’est mis à parler aux oiseaux. On ne sait pas s’il se moque de nous ou s’il est vraiment capable de les comprendre : «Laissez nous libres, on veut danser, laissez nous danser ». Il reprend cette image de bon sauvage, connecté à la nature qu’on associe aux Papous et fait passer un message incroyablement juste et politique. Cette scène est une réponse plus positive à l’enfant qui nous dit que son monde est perdu.
Il y a dans cette scène d’ouverture une manière particulière de vous approcher des personnages qu’on va retrouver tout au long du film. Comment avez-vous atteint cette proximité ?
J’ai mangé et vécu avec eux. Ils ont été très touchés aussi par le fait que je parlais leur langue. On leur a renvoyé une image d’eux-mêmes tellement dépréciée ! J’ai passé énormément d’heures à les écouter. Je leur avais dit que je reviendrais avec une équipe et ils ont été sensibles au fait que je tienne ma promesse. Je les filme au plus près pour abolir la distance entre nous. Ils sont tellement loin de nous et nous sommes tellement loin d’eux dans notre manière de penser ! Ce qui n’a pas empêché la tendresse, bien au contraire.
Apprendre le Pidgin était-il nécessaire pour établir ce lien avec vos personnages ?
C’est une langue véhiculaire que tout le monde parle dans le pays. Il faut savoir qu’en Papouasie-Nouvelle- Guinée, on parle 800 langues différentes. Les Hulis, habitants des Highlands, ont un beau dialecte très complexe – le huli -, impossible à apprendre car il n’y a pas de dictionnaire. Parfois, nous avons filmé des moments sans comprendre complètement de quoi parlaient les protagonistes. J’ai appris le Pidgin au cours de mes différents voyages car j’ai toujours vécu chez l’habitant. J’ai ainsi pu communiquer facilement, ce qui fait que l’on ressent cette proximité avec les personnages. J’écoutais beaucoup mais j’ai assez peu parlé de moi. Je devais trouver la bonne place pour ne pas voler leur intimité, tout en révélant des choses assez personnelles les concernant.
Vous donnez la parole aux femmes dans une société très patriarcale. Etait-ce votre objectif de faire entendre leurs voix ?
C’est en effet une société très patriarcale et les femmes ont pour habitude de se mettre derrière les hommes. Elles ont des personnalités très fortes mais cela ne se voit pas de prime abord. Je suis très fière de la scène où elles dessinent le site de l’usine. Cinq ans plus tôt, un homme avait croqué le lieu de manière un peu technique. Elles ont construit, à partir du dessin, une histoire avec un humour, une dérision, une ironie qui font tout le sel de la scène. Quand on s’approche plus près d’elles, on découvre une sororité et une grande complicité entre elles. La dernière fois que je les ai vues, elles disaient en avoir marre des hommes. Elles préféraient rester entre elles. Dans le film, on voit qu’elles travaillent la terre, s’occupent des enfants, les nourrissent et pendant ce temps-là, les hommes parlent. Les femmes sont dans le concret et dans le labeur. On est dans un des pays où il y a le plus de violences domestiques à l’égard des femmes. A cela s’ajoutent l’alcoolisme et les problèmes de marijuana. Mais je ne voulais pas en faire des sujets. Ces difficultés transparaissent au détour des scènes.
Le titre de votre film évoque un paradis perdu mais en lieu et place, on découvre un enfer avec cette flamme qui brûle dans le ciel en permanence. Était-ce le sens de ces plans répétés sur ce feu inextinguible ?
J’avais l’impression que cette torchère, qui brûle dans le ciel, était un oeil qui les regardait. Cette flamme, corrélée à la prophétie, les ramène sans arrêt à leur culpabilité. J’ai choisi en plus de garder des paysages aux ciels chargés, avec ces brumes qui donnent ce côté fantomatique au paysage. Ces ciels lourds et assez dramatiques donnent une sensation de menace pesante. Les paysages sont liés à la douleur de ce peuple.
Votre film est hanté par le surnaturel. On pense à la scène où le personnage parle de la prophétie qui semble s’accomplir. Il y a aussi le prédicateur qui interpelle les foules et parle de leur anéantissement.
Il n’y avait que Day pour raconter cette prophétie. Un de leurs ancêtres avait prédit les événements qui se sont réalisés et ils sont tous persuadés qu’ils ont commis une faute. Quand Day en parle, il se met dans la peau de l’ancêtre et parle à la première personne du singulier. Il vit la prophétie.
Le lieu est chargé de cette superstition, de ces croyances en train de disparaître mais dont il reste les peurs et la culpabilité. C’est un peuple qui se sent très coupable. Le prêcheur mais aussi les politiciens passent leur temps à leur asséner que c’est de leur faute. Il y a la prophétie d’un côté qui dit : « Vous avez vendu le feu et vous n’auriez jamais dû » et de l’autre, les politiciens qui affirment que le progrès n’arrive pas parce qu’ils l’empêchent. J’ai voulu montrer cette entreprise de dévalorisation et de culpabilisation. On enlève à ce peuple ses croyances, son langage, sa confiance en lui, son identité et c’est un drame terrible.
Les meetings politiques permettent de suivre l’évolution en direct des sentiments de la population qui semble passer de la résistance à la résignation. Souhaitiez-vous précisément montrer cela ?
Oui. En réalité, on voit quatre ou cinq meetings différents dont le premier s’était tenu cinq ans plus tôt. Entre le premier meeting et les suivants, les couleurs qu’arborent les locaux ne sont plus les mêmes. Avant, ils en portaient plus mais peu à peu, les tenues s’occidentalisent. C’est vrai que dans le premier meeting ils étaient révoltés et après, ils sont silencieux.
Les scènes se dédoublent et se répètent, ce qui donne à votre film sa forme minimaliste. Pourquoi teniez-vous à cette structure ?
Je voulais créer un jeu d’échos et j’avais des thématiques en tête comme le sentiment d’invasion, le colonialisme, le dialogue impossible, l’enfermement, le monde d’en haut et le monde d’en bas, les Blancs invisibles. Pendant le tournage, je sentais que les scènes pouvaient se répondre. Par exemple, les grillages des meetings politiques rappellent ceux de l’usine. Les scènes qui se dédoublent donnent au film sa forme circulaire. Dans cette idée de circularité et de répétition, on voit Homaï qui vient devant le site pour donner sa lettre, qui repart et qui revient. Le film a pris la forme d’une invasion qui se répète et d’un peuple désorienté qui tourne en rond.
Avez-vous craint pour votre sécurité, le danger étant palpable dans la scène nocturne où une tribu attend l’ennemi ? Pourquoi avez-vous intégré ce moment ?
Parce qu’il est très difficile de parler de ce lieu sans parler de sa violence. ExxonMobil a une vraie responsabilité par rapport à ces conflits car ils viennent exploiter des ressources naturelles dans des lieux qu’ils savent violents et où ils exacerbent les tensions. Cette violence-là est liée à la perte de repères. Avant, il y avait des règles et les guerres tribales étaient beaucoup plus encadrées. La violence s’arrêtait au premier sang et aux premiers blessés. Depuis, elle a explosé avec maintenant un trafic d’armes à feu. Dans cet endroit, l’état d’alerte est permanent et tout le monde rentre chez soi au coucher du soleil. Même lorsque nous filmions la cérémonie funéraire, on nous demandait d’être vigilants et de vérifier que l’ennemi n’était pas là. Dans ce même endroit, il y a la firme qui dit qu’elle va exploiter ces terres contre beaucoup d’argent et demande qui les possède. ExxonMobil installe la notion de propriété privée dans un lieu où les terres sont exploitées collectivement. Je voulais montrer ce qui se passe quand une tribu s’engouffre brutalement dans un système monétaire et la mondialisation.
Expropriation, démantèlement des tribus, destruction de cultures ancestrales, abus de confiance : la liste est longue des méfaits commis par le groupe ExxonMobil. Votre film a-t-il pour ambition d’interpeller la communauté internationale sur ce scandale ?
Oui, j’ai surtout envie de porter modestement la parole des locaux qui ne peuvent pas s’exprimer. C’est pour cela qu’il y a une telle proximité avec eux et qu’ils nous font confiance. Ils ont désespérément besoin de se faire entendre. J’avais envie que ce film soit politique et engagé et qu’il alerte sur cette situation insupportable et ce déséquilibre. On vient s’approprier un territoire, le quadriller, lui donner un nouveau nom. On a numéroté les terres qui sont devenues des PDL (Petroleum Development License). En plus de défigurer leur environnement, on a défiguré le nom de leurs terres. J’ai l’impression de raconter une histoire banale qui se répète dans d’autres endroits du monde. Or, on n’aborde pas souvent ces récits sous un angle humain mais plutôt environnemental. L’écologie c’est important, mais le coût de notre confort est aussi humain. Ces peuples sont spoliés et exploités pour notre confort.