Documentaire / France

DE L'EAU JAILLIT LE FEU

Dans le marais Poitevin, des milliers de personnes sont aujourd’hui engagées dans une lutte contre un projet de méga-bassines.

Comment ce territoire à l’image si tranquille est-il devenu l’épicentre d’une véritable guerre de l’eau ?

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2023

Fabien MAZZOCCO

1h16 – Couleur – Dolby Digital 5.1

31 Mai 2023

NOTE D'INTENTION DU RÉALISATEUR

« De l’eau jaillit le feu » nous parle de la lutte contre les méga-bassines. Il suit la résistance de citoyens et citoyennes qui s’opposent depuis des années, voire des décennies, aux décideurs et aux groupes de pression qui n’ont comme seule proposition aux défis climatiques que la perpétuation de la politique du pire. À travers leur mobilisation, ce sont certaines des questions les plus cruciales de notre époque qui se dessinent. Alors que s’accélère la crise climatique, comment mieux protéger nos territoires et notamment les ressources en eau, bien commun précieux et liant social par excellence? Comment penser une agriculture durable et au service du plus grand nombre? Par qui les décisions qui influencent humains et non-humains pour des siècles doivent-elles être prises ? Et au bénéfice de qui ? Autant de questions soulevées par ce film…

 

Mais ce documentaire est d’abord un film sur le marais lui-même, sur celles et ceux qui l’habitent et en sont les gardien.ne.s. Il montre en quoi ce lieu a constitué le terreau fertile pour qu’émerge une lutte comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Le marais Poitevin, deuxième plus grande zone humide de France, est une terre vivante, dynamique, peuplée d’humains et non-humains qui interagissent au gré des fluctuations du territoire.

 

Le film cherche donc à documenter des situations précises dans le marais à travers le regard et la sensibilité des personnages filmés. Ici Bernard désabusé dans son ruisseau asséché, là Julien enchanté de naviguer sur la crue, l’essence même du marais; là encore Thony qui compte les centimètres d’eau restants dans le fossé dans lequel ses vaches viennent s’abreuver.

 

Si la mobilisation contre les bassines agglomère aujourd’hui un grand nombre de sensibilités différentes, elle naît de liens sensibles au marais avec son lot d’émerveillement et de désillusion. C’est à travers l’accumulation de ces petites colères, de ces désenchantements, mais aussi de ce sentiment d’impuissance que se renforce le mouvement de résistance.

 

En 2008, je coréalisais le film « Pour quelques grains d’or… » qui posait le problème de la politique agricole du « tout maïs » en Poitou-Charentes. Les premières bassines « expérimentales » sortaient de terre. Le principe était séduisant : créer d’immenses réserves d’eau en pompant l’hiver dans les nappes phréatiques afin de réduire les prélèvements l’été. Quelques voix s’élevaient déjà pour dénoncer ce miroir aux alouettes. Mais trop peu pour être entendues. 15 ans plus tard, une quarantaine de bassines sont en place autour du marais poitevin mais les rivières sont toujours autant asséchées, la qualité de l’eau est exécrable et les haies continuent de disparaître. Depuis l’annonce de ce nouveau projet de bassines en 2017, la contestation est vive et ne cesse de s’amplifier. Aujourd’hui, cette lutte atteint une intensité inimaginable, dépassant même les frontières nationales. Lors du dernier rassemblement à Sainte-Soline, 25000 manifestants sont venus jusqu’aux grilles du chantier de bassine dans une confrontation violente avec les forces de l’ordre.

 

« De l’eau jaillit le feu » propose un contre-discours à celui des dominants et des porteurs de projets qui divisent le mouvement d’opposition aux bassines en deux clans, des manifestants et manifestantes de bonne figure d’un côté, tolérés car inoffensifs, et d’autres qui seraient d’ultra violents radicaux, cagoulés, black block, écoterroristes et autres trouvailles sémantiques… Le film montre plutôt comment, devant l’acharnement des décideurs et face à l’urgence de notre époque, de nombreux militant.e.s acceptent aujourd’hui des formes d’action qu’iels n’auraient pas envisagées hier.

 

Ce film est une tentative de donner la parole aux militants et aux militantes, ainsi qu’aux libellules, aux grenouilles, aux nénuphars et aux potamots, à tous ces habitants du marais trop souvent ignorés.

AUTOUR DE LA QUESTION DE L'EAU

Entretien avec Christian Amblard – Directeur de Recherche Honoraire au CNRS – Docteur d’État en hydrobiologie

 

En quoi le cycle de l’eau a-t-il été modifié ces dernières décennies ?

 

Depuis quelques décennies le changement climatique agit sur le grand cycle de l’eau en l’accélérant et en renforçant le processus d’évapotranspiration en lien avec l’augmentation des températures.

Sous nos latitudes, le changement climatique modifie également le régime des précipitations avec des périodes estivales de sécheresse plus intenses et plus fréquentes et des précipitations plus importantes, et potentiellement violentes, aux autres saisons.

Il faut noter par ailleurs que le cycle de l’eau est également modifié par l’aménagement du territoire et par les pratiques agricoles intensives actuelles. D’une part, les travaux de goudronnage et de bitumage limitent l’infiltration de l’eau et favorisent son ruissellement. D’autre part, les travaux connexes des remembrements ont conduit à la disparition des zones humides et des haies. Or, ces structures paysagères facilitaient l’infiltration de l’eau dans les sols et limitaient son évapotranspiration. Par ailleurs, les sols tassés par le passage d’engins agricoles de plus en plus lourds augmentent le ruissellement de l’eau qui alors est rapidement évacuée vers les cours d’eau et donc sans utilité pour les terres agricoles.

 

Quelle est la conséquence de ces transformations sur la qualité et la quantité d’eau douce ?

 

La quantité totale d’eau sous ses trois phases, gazeuse, liquide, solide est constante depuis plusieurs milliards d’années et ne varie pas avec le changement climatique. Cependant, avec la hausse des températures la phase gazeuse augmente relativement à la phase liquide. Par ailleurs avec la fonte des glaces, la phase solide diminue au profit de la phase liquide.

Avec l’intensification du ruissellement et les périodes de sécheresse accentuées, la pollution des eaux, notamment par les intrants chimiques de l’agriculture intensive (pesticides et engrais minéraux), est aggravée.

D’ailleurs, un rapport de 2022 des ARS affirme que 20% de la population française a consommé, en 2021, une eau non conforme aux normes de qualité, en raison d’une concentration trop élevée en pesticides.

 

Est-ce que les bassines sont selon vous une solution pour compenser ces problèmes d’eau, notamment en considérant le dérèglement climatique ?

 

Il faut retenir le plus possible l’eau sur nos territoires, pas en créant des barrages ou des « bassines », mais en favorisant son infiltration dans les sols et en limitant au maximum son ruissellement et son évaporation. C’est la seule gestion responsable des ressources en eau, au bénéfice des agriculteurs et des autres utilisateurs.

Alors que les réserves souterraines ne sont pas sujettes à l’évaporation, les retenues d’eau superficielles subissent une très forte évaporation en période de fortes chaleurs et conduisent ainsi à une perte importante de la ressource en eau. Des études récentes (Friedrich 2018, Habets et Molénat 2018) montrent que les pertes par évaporation sur les lacs de l’ouest américain peuvent aller de 20 à 60 % des flux entrants, ce qui constitue des pertes considérables. C’est donc une hérésie totale de faire passer en surface les ressources en eau sous-terraines, qui assurent une humidification généralisée des sols très efficace, pour en perdre une part très importante par évaporation !

De plus, c’est une destruction qualitative de la ressource en eau parce qu’en exposant l’eau au rayonnement solaire, on augmente sa température et on favorise le développement de micro organismes en très grande quantité. C’est le processus d’eutrophisation des eaux qui est donc renforcé alors que c’est déjà une destruction majeure pour beaucoup de milieux aquatiques en France.

De plus, parmi ces micro-organismes, il y a souvent des cyanobactéries dont certaines espèces émettent des toxines qui empoisonnent l’eau et la rendent inutilisable pour tous les usages, dont l’abreuvement du bétail. Depuis des années, les exemples de plans d’eau contaminés par des cyanobactéries et qui sont interdits à la baignade et à tout autre usage se multiplient.

Enfin, c’est seulement 6 % de la surface agricole utile qui est équipée pour pouvoir irriguer leurs terres, c’est donc une petite minorité d’agriculteurs qui est concernée.

 

Quels seraient les solutions autres que ce type de projet pour une meilleure qualité de la ressource et un meilleur partage ?

 

Il faut retenir le plus possible l’eau sur nos territoires, pas en créant des barrages ou des « bassines », mais en favorisant son infiltration dans les sols et en limitant au maximum son ruissellement et son évaporation. C’est la seule gestion responsable des ressources en eau, au bénéfice des agriculteurs et des autres utilisateurs.

 

Par ailleurs, il faut réaliser le plus rapidement possible une transition de l’agriculture actuelle vers l’agro-écologie et l’agroforesterie qui conduisent à des productions de qualité qui respectent l’environnement et la santé humaine.

Il faut notamment replanter des arbres et des haies pour créer du bocage, qui est la meilleure structure paysagère pour permettre à l’eau de s’infiltrer dans le sol.

Pour permettre cette transition agricole, il est nécessaire de réorienter les subventions de la PAC (Politique Agricole Commune) vers des productions qui respectent la qualité de l’environnement et la santé humaine.

 

Est-ce qu’il existe une hiérarchie légale des différents usages de l’eau ?

 

Il existe la loi sur l’eau de 2006 qui établit que l’eau est un bien commun de la nation.

La liste de priorités pour l’utilisation de l’eau est établie de façon suivante:

  1. L’eau destinée à la santé et à la sécurité publique
  2. L’adduction d’eau potable
  3. L’alimentation des écosystèmes naturels
  4. Les activités économiques dont l’industrie et l’agriculture.

 

Christian Amblard

 

Christian Amblard est Directeur de Recherche Honoraire au CNRS dans le domaine de l’Hydrobiologie et Docteur d’Etat ès Sciences Naturelles. Il participe en outre à de nombreux conseils scientifiques de réserves naturelles et de parcs régionaux. D’origine rurale et paysanne, il cherche toujours à concilier l’impératif social et l’impératif écologique dans ses activités et dans ses engagements.

PARTENAIRES

ATTAC

 

Fondée en 1998, Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) est une association qui milite pour la justice fiscale, sociale et écologique, et conteste le pouvoir pris par la finance sur les peuples et la nature.

 

COORDINATION EAU Île-de-France

 

Créée en 2008, l’association Coordination EAU Ile-de-France réunit citoyens, associations et collectivités autour de l’eau en Île-de-France et sur tout le territoire français, dans toutes ses dimensions : sociale, environnementale, économique, juridique, sanitaire, culturelle…

 

Son rôle est de sensibiliser les usagers-citoyens, de les informer, de leur donner des outils pour intervenir et faire entendre leur voix dans les débats, pour peser sur les décisions qui concernent l’avenir de ce bien vital et de coordonner leurs actions.

 

MOUVEMENT NATIONAL DE LUTTE POUR L’ENVIRONNEMENT

 

Le Mouvement National de Lutte pour l’Environnement association de loi 1901, a été créé au début des années 1980 par la volonté d’élus, de syndicalistes et de scientifiques souhaitant l’existence, au niveau national, d’une association défendant l’environnement sans l’opposer au progrès technique et surtout humain.

 

RÉSEAU ÉDUCATION POPULAIRE

 

Le Réseau éducation populaire met à la disposition des organisateurs d’événements qui les sollicitent, partout en France, des animatrices et des animateurs qui interviennent sur un large éventail de thèmes.

 

Ceux-ci sont ou ont été cadres dans l’économie sociale, consultants, travailleurs précaires, enseignants, ingénieurs, professionnels du spectacle. Ils sont militants associatifs, syndicaux ou politiques réunis par leur expérience d’une éducation populaire renouvelée.

 

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME

 

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) est une association indépendante, engagée pour la défense des droits et libertés. Elle agit contre les injustices, le racisme, le sexisme, l’antisémitisme et les discriminations et défend la liberté d’expression,

le droit de manifester ou encore de vivre dans un environnement sain et durable. Elle décline ses actions partout en France par le biais de ses sections locales et grâce à ses membres pour interpeller les pouvoirs publics et les institutions internationales, observer les pratiques policières, assurer des permanences d’accès au droit ou encore intervenir en milieu scolaire.

 

FONDATION DANIELLE MITTERRAND

 

Créée en 1986 par Danielle Mitterrand, la Fondation Danielle Mitterrand œuvre à la construction d’alternatives démocratiques, solidaires et écologiques face à un modèle prédateur qui détruit la planète et inquiète les droits humains. Elle prône une métamorphose radicale, indispensable au maintien du vivant. Agitatrice d’idées, la Fondation favorise la co-construction d’utopies, pensées et pratiques pour démontrer par l’exemple qu’un autre monde est possible et désirable. Pour ce faire, elle documente et soutient des alternatives systémiques et favorise la mise en place d’actions et d’expérimentations radicales, en France et dans le monde à travers, entre autres, la mise en lumière des « utopies en résistance».

 

CINÉMAS INDÉPENDANTS DE NOUVELLE-AQUITAINE

 

Née de la fusion des 3 associations régionales de cinémas d’Art et Essai et de proximité des territoires de Nouvelle- Aquitaine, CINA s’est donnée pour mission la défense du cinéma Art et Essai dans sa diversité et l’accompagnement des professionnels de l’exploitation. En 2023, elle regroupe 151 adhérents, soit plus de 75% des cinémas art et essai de la Région, qui sont autant de services culturels de proximité, garants d’un accès facilité à la culture pour tous les publics, au plus proche des territoires.

 

CINÉ-PASSION 17

 

L’association Ciné-Passion 17 réunit actuellement 12 salles de cinéma indépendantes de Charente-Maritime. Elle a pour but de promouvoir un cinéma de qualité dans les salles situées en milieu rural ou semi-rural du département notamment par le biais d’événements.

CE QU'EN DIT LA PRESSE

À VENIR

L'ÉQUIPE DU FILM

Avec : Julien Le Guet, Nicolas Cotrel & Jean-François Qété, Bernard Preuss, Patrick Picaud, Jean-Jacques Guillet, Thony Martins & Amandine Pacault
Auteur-réalisateur : Fabien Mazzocco
Image : Fabien Mazocco, Hugo & Nathan Braconnier
Images additionnelles : Marie Agier & Corentin Le Bart
Musique originale : Benoît Demarle
Montage : Fabien Mazzocco
Conseil artistique au montage : Julia Pinget
Etalonnage : Jocelyn Harpet
Mixage : Laurent Baraton
Affiche : Pierre Rouault
Coproduction : Mona Lisa Productions & Mauvaises Graines
Distribution : VraiVrai Films

HORAIRES DU 7 AU 13 JUIN

Mercredi, Vendredi, Dimanche, Mardi : 16h50
Jeudi, Samedi, Lundi : 13h30