Documentaire / France

DERNIERS JOURS D'UN MÉDECIN DE CAMPAGNE

Patrick Laine, 68 ans, exerce la médecine depuis 35 ans à Saulnot, petite commune de Haute-Saône. Passionné par son travail mais usé, il sait qu’il va devoir s’arrêter. Mais aucun successeur ne s’est présenté pour prendre le relais. Ses derniers mois d’exercice sont de plus en plus difficiles car s’approche ce qu’il a toujours voulu éviter : laisser ses patients sans médecin et sans soutien.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2020

Olivier DUCRAY

1h23 – Couleur – Dolby Digital 5.1

26 Octobre 2022

NOTE DU RÉALISATEUR

Parmi les problématiques qui me touchent et que je traite toujours d’une manière ou d’une autre, il y a l’isolement, la solitude et l’exclusion sous toutes ses formes. Sur la forme, je suis toujours soucieux de me positionner comme un observateur, discret et de laisser la parole aux images et aux protagonistes. Le film a pour vocation de nourrir le débat mais pas de le faire lui-même. A l’inverse du documentaire d’investigation, je me passe donc de voix off et d’analyses d’experts. Cela peut paraître un peu niais de l’avouer, mais j’aime les gens, vraiment. Ces situations particulières que j’ai filmées, au plus près des patients en demande de soins, sont représentatives, hélas, de nombreuses autres situations identiques et croissantes aux quatre coins de l’hexagone. Les montrer au plus grand nombre, et notamment aux décideurs, est la modeste pierre que je souhaite apporter au débat public». »

 

Olivier Ducray

UN MÉDECIN IRREMPLAÇABLE

Une très belle réalisation, au plus près du sujet : le Dr Laine, médecin hyper engagé dans son exercice quotidien : un portrait d’une rare densité Regarder la réalité droit dans les yeux, c’est tout le talent d’Olivier Ducray, une fois encore mis en lumière dans ce documentaire «Derniers jours d’un médecin de campagne». En s’attaquant de façon naturaliste à des sujets de société, il dresse le portrait de personnes extra-ordinaires qui les portent. Le Dr Laine, tout comme l’infirmière Laine-Maréchal – on soulignera la concordance des patronymes… – sont des soignants représentatifs d’une ancienne génération. Ils sont tant attachés à leur patientèle, qu’ils en sont interdépendants. Passionnés, investis, sur tous les fronts, sans doute irremplaçables en l’état ou bien par au moins deux personnes pour parvenir à honorer l’ensemble de leurs missions ! Olivier Ducray le souligne : « Le Dr Laine est passionné par son métier, mais usé. Il sait bien qu’il va devoir s’arrêter, prendre sa retraite et penser enfin à lui et à ses proches. Pourtant, il ne peut se résoudre à laisser ses patients sans solution, surtout les plus fragiles et dépendants, ceux pour lesquels sa disponibilité et se visites sont essentielles ». Sans successeur, c’est le désert médical assuré qui va s’installer avec pour conséquences immédiates : le maintien à domicile des personnes les plus vulnérables mis à mal, la fermeture du cabinet paramédical « car sans prescriptions médicales, plus d’activité », souligne l’une des infirmières libérales qui travaille de longue date avec le Dr Laine.

 

Le Dr Laine ne veut pas, ne peut pas partir sans avoir trouvé de successeur, c’est pour lui une obsession. En désespoir de cause, début 2016, il avait publié une annonce sur le site Le Bon Coin où il proposait «de céder son cabinet médical de 300 mètres carrés, son matériel et sa patientèle sans contrepartie». « Cet homme est d’une sincérité et d’une sensibilité magnifiques », rappelle Olivier Ducray. « J’ai été immédiatement conquis par l’homme autant que par le professionnel. Je l’ai donc suivi pendant onze mois, à intervalles réguliers, pour me placer au plus près de sa réalité, ne rien cacher de ses difficultés, de ses engagements, de ses colères… Prendre sa retraite est son désir le plus sincère, même s’il avoue, paradoxalement, «qu’il n’est pas encore prêt» mais quoi qu’il en soit, faute de remplaçant cela lui est impossible ». La tâche ne lui est pas non plus rendue plus facile par ses patients qui l’adorent, qui disent ne pas pouvoir faire sans lui, lui qui les connaît si bien depuis de si nombreuses années, et qui fait tant pour eux. A l’heure d’aujourd’hui, toujours pas de successeur bien qu’un remplaçant éphémère lui ai donné un peu de répit. « Le Dr Laine vit ce statu quo de plus en plus douloureusement, » poursuit Olivier Ducray. « Sa femme aussi, elle qui l’aide dans les tâches administratives depuis tant d’années et qui aspire à passer plus de temps avec lui. A 69 ans, avec beaucoup de pépins de santé non soignés (et dire qu’il est médecin !) il ne sait toujours pas comment il va pouvoir tenir et combien de temps. Nous nourrissons l’un et l’autre l’espoir que ce film suscite un vrai intérêt chez un jeune médecin ». Derniers jours d’un médecin de campagne» part donc «en campagne» pour sensibiliser concrètement sur la problématique des déserts médicaux !

 

Bernadette Fabregas

QUELQUES NOUVELLES

Cher Olivier,

 

Voici le récapitulatif que tu m’as demandé des « évènements » depuis la projection de ton film le 21 novembre 2018. Le temps a passé bien vite et passe encore plus vite depuis que j’ai pris ma retraite définitive le 31 mars 2021…

J’ai lancé une pétition nationale par laquelle je demandais aux jeunes médecins généralistes d’effectuer leur première année professionnelle en territoires sous-médicalisés. Cette pétition a été commentée par le ministre de la santé de l’époque, Madame Buzyn, qui l’a qualifiée de solution simpliste.

Le 19 avril 2019, j’ai participé à un débat sur un plateau télé parisien « Tous pour la santé » concernant ma pétition avec comme contradicteurs notamment le président du syndicat des jeunes internes en médecine générale qui me disait en « off » que si l’obligation passait, il y aurait en plus des gilets jaunes, des blouses blanches dans la rue…

Je me suis associé en juin 2019 à une infirmière « Asalée » au cabinet, association très fructueuse pour ma patientèle et moi-même.

De mai 2020 à octobre 2021, j’ai été sollicité par France 2 pour les documentaires du 13h15 de Laurent Delahouse.

J’ai adressé un courrier le 22 aout 2020 au Premier ministre, monsieur Jean Castex, qui avait, lors de son discours de politique générale, prononcé 25 fois le mot territoire, ce que j’imaginais être le sésame permettant de faire sauter les verrous. Ma lettre est restée sans réponse.

En novembre 2020, j’ai créé une antenne de l’ACCDM (Association Citoyens Contre les Déserts Médicaux) dans laquelle de nombreux patients et élus locaux sont rentrés.

 

J’ai participé à de très nombreux débats publics, notamment par le biais de l’ACCDM, pour parler des déserts médicaux à Lure et à Vesoul à plusieurs reprises : dernière en date, le 10 juin autour de Xavier Bertrand, ancien ministre de la santé avec des sénateurs et candidats à la députation.

Mes actions ont été l’objet de plusieurs articles dans le Parisien, le Figaro, Ouest- France mais aussi dans des revues médicales, notamment Egora le 25 février 2021.

« Je m’insurge contre la liberté d’installation : le dernier cri d’un généraliste contraint de partir à la retraite sans successeur ». Cet article que j’avais beaucoup apprécié a provoqué un déversement de venin de la part de mes jeunes confrères.

Le 31 octobre 2021, j’ai fermé mon cabinet avec comme surprise d’être invité, en pleine consultation, à sortir pour une urgence : plus de 200 personnes étaient réunies pour m’applaudir et me remercier de les avoir accompagnées pendant près de 40 ans.

 

Je n’ai pu me résoudre à quitter définitivement une certaine catégorie de patientèle, ceux qui étaient isolés, en perte d’autonomie, ou ne disposant pas de moyen de transport. Aussi, ai-je continué à faire des visites à domicile tous les jours 5 jours sur 7 jusqu’au 31 mars 2021.

Nous avons, avec Françoise, décidé, courant février 2021, de léguer notre immeuble à la commune de Saulnot, immeuble représentant le fruit de mon travail de toute une vie, car nous ne pouvions nous résoudre à le vendre. Nous en séparer pour une autre destination que celle d’une maison médicale au bénéfice de nos concitoyens et des communes environnantes était impossible !

Dans le même temps, nous avons créé un collectif de 15 maires pour que chacun des représentants, avec son carnet d’adresses, puisse permettre de multiplier les chances de trouver un ou plusieurs successeurs.

À ce jour, un candidat potentiel de 73 ans, qui s’ennuie à la retraite, serait peut-être intéressé par l’offre plus qu’alléchante (mise à disposition de mon ancien cabinet tout équipé, loyer gratuit pendant un an, possibilité de bénéficier d’un logement T4 gratuit à l’étage). Toutefois, il désirerait qu’une secrétaire soit mise en place par la mairie. Il assurerait une permanence de deux jours par semaine mais ne semble pas être intéressé par les visites à domicile…

Comme tu peux le voir, jeunes ou moins jeunes, tous ont beaucoup d’exigences. Il manque, à Saulnot, la mer et la montagne, mais pas le soleil…

Pour nous deux, la retraite est une renaissance et nous manquons de temps. Nos journées sont denses et nous partageons nos activités entre beaucoup de golf, un peu de vélo électrique, de l’Ulm et un peu de jardinage pour moi.

 

Pas de déplacement prévu cet été. Notre cadre de vie nous suffit largement. Tout va merveilleusement bien ! Voici les news. Nous vous embrassons bien fort avec de douces bises au petit Gustave.

 

Amitiés, Patrick Laine

CE QU'EN DIT LA PRESSE

A travers les intéressantes et préoccupantes réflexions du praticien sur la perte d’attractivité de la médecine générale auprès des jeunes, le documentaire met un nouveau coup de projecteur sur l’inquiétante désertion de son métier (qui est aussi, et surtout, un vecteur de lien social) des zones rurales. Rien de nouveau, mais une nécessaire piqûre de rappel sur cette brûlante problématique sociétale. En point d’orgue, une scène bouleversante au cours de laquelle le docteur Laine rend une dernière visite à l’une de ses patientes de toujours, Suzanne, avant son admission dans un Ehpad.

Télérama

 

Les derniers mois d’exercice de ce praticien profondément humain sont de plus en plus difficiles. Son grand dévouement est représentatif d’une ancienne génération de médecins.

Il est un exemple parmi tant d’autres qui exercent aux quatre coins de l’hexagone, qui sont sur le point de raccrocher et qui ne seront pas remplacés. Ce film retrace les derniers mois de pratique du docteur Patrick Laine.

Ce bout de chemin à ses côtés et aux côtés de ses patients, tétanisés à l’idée de perdre leur médecin, permet d’appréhender la réalité humaine, concrète et dramatique, qui se cache derrière l’expression «déserts médicaux».

En Haute-Saône, on ne compte plus que 97 médecins pour 100 000 habitants et près de 60% d’entre eux ont plus de 55 ans.

France 3

 

Dans un documentaire émouvant et aux airs d’appel à candidature, Patrick Laine raconte son histoire, avec conviction et authenticité. Il dit l’intensité des liens affectifs tissés avec ses patients, la polyvalence nécessaire de son métier, son besoin pressant de se sentir utile. Les problèmes auxquels ce docteur fait face illustrent avec réalisme les grandes difficultés rencontrées par le corps médical aujourd’hui : manque d’attractivité de la médecine généraliste, désertion des campagnes, vieillissement de la population… Un documentaire à voir.

Youna Rivallain – La Vie