DES IDÉES DE GÉNIE ?

Comment arrive-t-on à suivre le quotidien d’un grand patron ?

Au départ, j’avais la volonté de faire un film sur les techniques de management modernes avec cette question cruciale : Comment, en tant que patron, arrive-t-on à obtenir la motivation de ses employés, leur dévouement total pour l’entreprise, sans passer par des augmentations de salaires. J’avais vécu cela lors d’un job étudiant au sein d’une entreprise de grande distribution. Les salaires étaient très bas, le boulot vraiment physique, mais les mois où le chiffre réalisé était bon, alors il y avait une sortie au karting payée par la boite ou un restaurant. Je trouvais cela vraiment dérisoire, mais cela semblait bien fonctionner puisque mes collègues de l’époque se défonçaient au travail. J’avais tenu trois mois puis démissionné. En voulant creuser cette question, je tombe sur des vidéos de séminaire de motivation organisés par le patron de GIFI qui ont l’air complètement délirants. De fil en aiguille, j’obtiens rendez-vous avec Philippe Ginestet à l’aéroport du Bourget pour prendre place à bord de son avion personnel et filmer un séminaire de motivation qu’il organise à Megève. Et là, je n’en reviens pas de ce que je découvre. Des employés qui chantent une chanson à la gloire de leur patron, une ambiance proche de celle du club Med, et ce personnage étonnant qu’est Philippe Ginestet. Au départ, on ne devait filmer que ce séminaire. Et ce n’est qu’en regardant les rushs que je me suis dis qu’on tenait là un sacré personnage. Je rappelle Philippe Ginestet, je lui laisse un message vocal en lui disant que je souhaite faire un portrait documentaire de lui pour le cinéma. Il me rappelle dans la foulée et me dit : « C’est super votre idée. On fonce ! ». Et c’est ainsi que l’aventure a commencé.

Ce qui étonne, c’est cette liberté dont vous avez semblé bénéficier pendant tout le tournage ?

Le grand patronat français est vraiment réputé pour sa grande discrétion, ce qui explique d’ailleurs qu’aucun documentaire suivant le quotidien d’un grand patron n’existe à ce jour. Là avec Philippe Ginestet, c’était tout l’inverse. Il était ravi que l’on vienne le filmer et n’avait absolument aucun problème à ce qu’on le montre sur son yacht ou dans son jet. En tant qu’autodidacte parti de rien, il assume complètement d’être devenu milliardaire et considère qu’il n’a pas à s’en cacher, bien au contraire. Il estime être un modèle de réussite qui pourrait inspirer les plus jeunes. Mais il faut aussi rappeler le contexte politique du début du tournage. Emmanuel Macron venait d’être élu avec un discours pro-entreprise jamais vu auparavant. Pendant sa campagne, il avait même déclaré qu’il fallait que les jeunes rêvent de devenir milliardaire. Tout ce climat faisait qu’on arrivait au bon moment pour suivre Philippe Ginestet dans son quotidien. Et au final, le tournage qui ne devait durer que 5 jours s’est transformé en une aventure de trois ans !

LES FICHES DU CINÉMA

Ludique et fascinant, le documentaire dépeint un “self-made man” milliardaire au paternalisme assumé et aux méthodes de management redoutables.

L’OBS

Parfois séduit, souvent persifleur, le documentariste fut aux premières loges de cette ascension brusquement interrompue d’un patron aux états d’âme de gauche, mais aux réflexes protectionnistes impitoyables.

LE MONDE

C’est à la fois drôle et féroce.

CAHIERS DU CINÉMA

Plutôt que dans la voix off du cinéaste, utile mais convenue, le film trouve sa ruse suprême dans l’apparent abandon de toute distance.

L’HUMANITÉ

Tout est mis en scène, des soirées au Casino aux karaokés avec ses employés, tout est sous contrôle. Rien n’est le fruit du hasard. Et c’est fascinant. Du haut de son piédestal, Ginestet, tel un grand marionnettiste, manipule son monde… Les conseils de Ginestet semblent inquiets par ce que le film donne à voir. Ils sont payés pour ça.

Samedi, Dimanche : 22h15