Fiction / Espagne, France

EN BONNE COMPAGNIE

Pays basque, été 1977. Bea a 16 ans et rejoint le mouvement féministe qui traverse le pays. Tandis qu’elle s’engage dans la lutte pour le droit à l’avortement, elle rencontre Miren, une jeune femme de bonne famille, qui fera de cet été une étape décisive de sa vie.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2023

Sílvia MUNT

Jorge Gil MUNARRIZ, Sílvia MUNT

Alícia FALCÓ,  Elena TARRATS,  Itziar Ituño ITUÑO,  Ainhoa SANTAMARÍA

1h35 – Couleur – 1.66 – Dolby Digital 5.1

18 octobre 2023

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Comment vous est venue l’idée de réaliser En bonne compagnie ? Vous êtes-vous inspirée de votre propre jeunesse ?

 

Ce projet vient de mon compagnon. Il est Basque et il connaissait les femmes qui, en 1977 avec un groupe de féministes, ont été jusqu’à Biarritz pour avorter. Ensemble, ils avaient déjà fait un court métrage où ces femmes se rappelaient du danger et de la peur de ce voyage… On a alors commencé ensemble à écrire un film qui raconterait cette histoire. Lui, au Pays Basque, et moi, à Barcelone. Comme par télépathie. Et on a accouché de ce scénario. Mais il y a aussi beaucoup de mon histoire dans le film – j’avais 17 ans en 1977 – et surtout dans Béa, la protagoniste. J’ai voulu construire le récit d’une adolescente coincée dans une époque où tout était exploité : les libertés syndicales, sociales et sexuelles… J’avais besoin de reconstruire comment était cette époque. C’est mon petit hommage à toutes les femmes de cette génération : pouvoir partager ce qui s’était passé, ce qu’on ne sait pas et les sortir du silence.

 

En quoi l’année 1977 est-elle particulièrement symbolique pour ce récit ?

 

Quand Franco meurt en 1975, l’Espagne renaît. C’est en 1976 et en 1977 que les Espagnols sortent dans les rues et que les mentalités changent. Tout cela s’est passé très rapidement et on avait l’intuition qu’on devait prendre la liberté. On ne savait pas exactement ce que c’était, mais on savait qu’on devait la saisir. On a alors commencé à prendre la pilule, à casser les frontières de la sexualité, et à travailler… J’ai toujours en mémoire un moment unique où tout était possible. Et évidemment c’était « sex, drugs & rock’n’roll » ! Même si beaucoup de mes amis ont pris d’énormes risques à ce moment-là, on avait conscience de vivre sans peur. Et je crois qu’aujourd’hui, nous sommes dans un moment où l’on met tellement de peur et de pression sur la jeunesse, que c’est important de leur redonner la force et le courage de chercher la liberté.

 

Votre film fait-il écho aux mouvements féministes actuels ?

 

À l’époque, le mouvement féministe était invisible. Les femmes hurlaient, criaient, mais personne – ni la gauche, ni la droite – ne voulait les voir ou les entendre. Nous étions effacées. Ce qui est rassurant dans le mouvement féministe actuel, c’est qu’il est une réalité. Les femmes ont cassé le plafond de verre et c’est irréversible. Il n’empêche que pour moi, il y a toujours la peur des mouvements de droite, ceux qui n’aiment pas que le pouvoir soit bousculé. Donc il faut faire attention. Je dis toujours : si tu es une bonne personne, tu dois être féministe ! Ce n’est pas une question d’être une femme ou un homme, mais simplement d’équilibre, de normalité de l’être humain. Tu peux tout choisir dans cette vie, mais tu dois pouvoir avoir le choix ! En ce moment, on est plus ensemble que jamais. Les femmes sont d’un grand soutien entre elles, et c’est très fort.

 

Pourquoi avoir choisi de ne pas montrer des scènes d’avortements ?

 

Je ne crois pas que l’on a besoin de montrer le sang qui coule entre les jambes d’une femme pour comprendre. Je préférais suggérer, passer par le regard d’une jeune fille de 17 ans qui essaie de comprendre ce qui se passe. C’est ça mon film. Ce sont les yeux d’une adolescente qui essaie de comprendre les conversations derrière une porte, les silences d’une mère, les pleurs d’une femme… Souvent, quand on ne voit pas, on imagine le pire. D’une manière générale, j’aime davantage les choses qui sont insinuées que montrées frontalement.

 

En quoi Alícia Falcó vous a-t-elle inspirée pour ce rôle ? Comment s’est passée la collaboration avec elle ?

 

J’ai su qu’Alícia était Bea lors du troisième essai de casting. Il y a eu un moment où elle a juste écouté ce que disait son partenaire et je me suis automatiquement dit que c’était elle. Elle a quelque chose des grandes actrices : une figure magique qui captive tout de suite la caméra, énormément de force et de tendresse. Tout le film repose ses épaules et elle a fait une performance magistrale. Bea est dans tous les plans, elle est comme mon alter ego. Même si Alícia est d’une autre génération, elle recevait absolument tout ce que je lui disais avec beaucoup d’intelligence.

 

« En bonne compagnie », c’est aussi la révélation de l’amour de Bea pour une autre femme.

 

Pour Bea, c’est un peu la découverte de tout : de l’amour, de la sexualité, de la cause féministe et de sa mère… Le tout lors d’un été. Dans nos vies, ça arrive qu’un été soit spécial et qu’il bouleverse nos vies. C’est parfois un moment où l’on vit des expériences qui nous rendent plus mature et qui marquent le passage à l’âge adulte. Et Bea trouve, là où elle ne l’aurait jamais pensé, son désir et son amour. On tombe souvent amoureux de la personne finalement la moins proche de nous, celle avec laquelle on n’imagine rien du tout. La relation amoureuse avec Miren n’est pas forcément équilibrée, ni réciproque d’ailleurs. De plus, à l’époque, lorsqu’une femme tombait amoureuse d’une autre femme, elle ne savait pas comment réagir face à ce sentiment. Elle ne pouvait pas le dire, ni à son père, ni à sa mère, ni à ses ami·e·s.

LES 11 DE BASAURI

Dans « En bonne compagnie », Silvia Munt met en lumière l’action essentielle d’un groupe de femmes basé à Basauri, ville proche de Bilbao, qui, de 1976 à 1985, aidèrent plus d’un millier de femmes à avorter en sécurité et dans la dignité. Le scénario sort de l’ombre une histoire passée inaperçue en dehors du Pays basque : « Le procès contre les 11 de Basauri ». En 1976, un an après la mort de Franco, 11 femmes basques de la classe ouvrière furent emprisonnées, accusées de pratiquer des avortements clandestins et jugées au cours d’un procès interminable (il a duré jusqu’en 1982). Leur combat précurseur participa à la dépénalisation de l’avortement adoptée en Espagne le 5 juillet 1985, soit 10 ans après la promulgation de la loi Veil en France…

LE DROIT À L'AVORTEMENT EN ESPAGNE ET EN FRANCE

En Espagne comme en France, le droit à l’avortement a fait l’objet de luttes et de mouvements sociaux majeurs. Si les deux pays partagent des similitudes dans leurs histoires respectives, leur chemin vers la reconnaissance du droit à l’IVG comporte des étapes distinctes.

 

Jusqu’en 1985, il n’existait pas de loi relative à l’avortement en Espagne et sa pratique constituait un délit (de 1976 à 1985, le procès des “onze femmes de Bilbao”, accusées d’avoir pratiqué des avortements, est considéré comme le précurseur et le moteur de la première loi démocratique sur l’avortement). Cette même année, la “Ley Orgánica 9/1985” dépénalise l’avortement pour les femmes dont le pronostic vital est engagé, pour celles ayant été violées et en cas de malformation du foetus. Néanmoins, celle-ci introduit une condamnation de six mois à un an de prison pour celles qui avortaient en dehors de ces trois situations. Ce n’est qu’en 2010 que la loi sur l’avortement évolue. Le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero adopte la “Ley Orgánica 2/2010 de salud sexual y reproductiva y de la interrupción voluntaria del embarazo” qui autorise l’avortement libre dans les 14 premières semaines, dans les 22 semaines en cas de « risque grave pour la vie ou la santé de la femme enceinte » ou de «risque d’anomalies graves chez le foetus » ; et à tout moment en cas « d’anomalies fœtales incompatibles avec la vie (…) ou lorsqu’une maladie extrêmement grave et incurable est détectée chez le foetus ».

En France, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, l’avortement constituait aux yeux de la loi un « crime d’État » et était puni par la peine de mort. Au début des années 1960, les premières cliniques françaises de planning familial s’ouvrent clandestinement pour y accueillir des femmes souhaitant se faire avorter. En 1967, la “loi Neuwirth” est adoptée, légalisant la pilule contraceptive et autorisant la contraception. Néanmoins, les avortements clandestins se poursuivent et provoquent la mort de plus de 250 femmes chaque année. Quelques années plus tard, en 1971, se tient la Marche internationale des femmes, à l’initiative du Mouvement de libération des femmes (MLF) : plus de 40 000 femmes manifestent à Paris pour le droit à l’avortement. Au même moment, « le manifeste des 343 » est publié dans le magazine le Nouvel Observateur. Signée par 343 personnalités qui reconnaissent avoir déjà avorté, cette pétition vise à dénoncer la pénalisation de l’avortement et à interpeller le gouvernement. Le 1er janvier 1975, au terme d’un long combat mené par la ministre de la santé de l’époque Simone Veil, la “loi Veil” est approuvée par le parlement. Elle décriminalise l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). La loi définit le délai légal pour avorter comme étant de 12 semaines de grossesse.

À PROPOS DE LA RÉALISATRICE

Sílvia Munt est une actrice, scénariste et réalisatrice espagnole. Elle a débuté sa carrière comme comédienne, en jouant dans plus d’une cinquantaine de films. Elle a obtenu le Goya de la meilleure actrice pour « Alas de Mariposas » en 1991.

 

Elle se consacre ensuite à la réalisation de films de fiction, de documentaires et met en scène des pièces de théâtre. Elle remporte un second Goya, en tant que réalisatrice, pour « Lalia » en 1999, son premier court métrage documentaire, également lauréat du prix UNICEF.

 

« En bonne compagnie » est son premier long métrage de fiction.

LISTE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE

Alícia Falcó : Bea
Elena Tarrats : Miren
Itziar Ituño : Feli
Ainhoa Santamaría : Belén
María Cerezuela : Toto
Nagore Cenizo : Asun
Iván Massagué : Rafa
Heren de Lucas : Maite
Sara Barroeta : Pili
Nerea Elizalde : Begoña

 

Réalisation : Sílvia Munt
Scénario : Jorge Gil Munarriz, Sílvia Munt
Image : Gorka Gómez Andreu
Décors : Llorenç Miquel
Costumes : Saioa Lara
Maquillage : Ainhoa Eskisabel
Coiffure : Itziar Arrieta
Son : Andrea Sáenz Pereiro, Fabiola Ordoyo
Montage : Bernat Aragonés
Musique : Paula Olaz
Production exécutive : Mónica Lozano, Alba Bosch Duran
Production déléguée : Ander Barinaga-Rementeria
Production : Ander Sagardoy, Antonio Chavarrías, Xabier Berzosa, Fernando Larrondo, Mónica Lozano, Birgit Kemner, Philippe Gompel, Jokin Etxeberria

CE QU'EN DIT LA PRESSE

LES FICHES DU CINÉMA

Sílvia Munt réalise une histoire aussi personnelle qu’universelle, suintant la rage d’une génération de femmes qui s’émancipe à la force du poignet.

 

L’OBS

Le film est juste, émouvant, nécessaire, il a une énergie étonnante.

 

TÉLÉRAMA

Bea (Alícia Falcó), charismatique jeune femme brune aux cheveux courts, rencontre Miren, bourgeoise solitaire chez qui sa mère est employée de maison, et va bouleverser sa vie. À travers leur combat, on assiste à la fois à une galvanisante lutte politique et à l’émancipation d’une héroïne.

HORAIRES DU 22 AU 28 NOVEMBRE

Vendredi, Mardi : 22h15