Comment vous est venue l’idée d’adapter le roman d’Antonio Orejudo ? Êtes-vous un adepte de ce genre littéraire ?
L’idée de cette adaptation m’est venue à la suite de mon dernier court-métrage « Cólera » en 2013, nous commencions à chercher des projets pour un long-métrage, à partir de scénarios originaux ou d’adaptations de romans. Néanmoins, je ne suis pas scénariste et j’ai toujours besoin d’un support externe, pour ainsi dire. Le livre « De l’avantage de voyager en train », d’Antonio Orejudo m’a été présenté par Leire, la productrice ainsi que ma partenaire dans Señor y Señora. Elle y a vu des éléments de l’histoire qui pouvaient potentiellement servir de matière pour un film, mais cela lui semblait trop compliqué. Je l’ai ensuite lu à mon tour, et j’ai directement accroché à l’histoire. Pour ma part, le film m’est apparu clairement.
En ce qui concerne le genre littéraire, je ne saurais même pas dire à quel genre appartient le roman parce qu’il est, comme le film, une sorte de mélange d’une multitude de genres. Mais en ce qui concerne Antonio Orejudo, je peux dire que c’est mon écrivain espagnol préféré, sans aucun doute.
La complexité de l’intrigue et la structure désordonnée de l’histoire ne vous ont-elles pas fait douter quant à une adaptation cinématographique ? Quel aspect du roman a-t-il été le plus dur à retranscrire à l’image ?
Il est vrai que, dès le départ, ce fut une adaptation complexe. Mais je pense que le défi que représentait cette adaptation a été notre principale motivation.
Selon moi, le plus difficile a été d’établir le ton du film. En effet, le film a été présenté comme une comédie et je pense qu’il s’agit bien d’une comédie, mais pas seulement. La complexité se retrouvait également dans le contenu et dans la façon de jouer avec les différents tons. Passer d’une situation comique à une situation terrifiante par exemple, sans que le terrifiant ne finisse par être comique ou vice versa.
Comment avez-vous imaginé la photographie du film, les décors, les costumes ? Quelles ont été vos inspirations ?
Au vu de l’histoire délirante du roman, il est évident que le film devait être à la hauteur du contenu sur le plan visuel. Nous avons donc travaillé à partir de nombreuses références, très différentes les unes des autres, mais toutes en rapport avec des films expressionnistes. Pour les costumes, par exemple, le travail de Wes Anderson a été une source d’inspiration majeure. « Fight Club » de David Fincher a également été une référence très importante dans la conception du maquillage.
En ce qui concerne le ton, le film aborde des sujets délicats et tabous tels que les maladies mentales. En quoi la comédie vous permet-elle de parler de ces questions-là ?
Je pense que la comédie vous donne l’opportunité de traiter de sujets graves et sérieux tout en vous laissant la liberté de choisir la forme, que ce soit une satire, une critique ou une défiguration de la réalité… La comédie permet d’aller plus loin qu’une représentation réaliste ou dramatique de n’importe quel sujet. En ce qui me concerne, j’ai vu dans ce roman un contenu et un ton qui traitent de la question des maladies mentales d’une manière comique. Nous sommes donc allés de pair avec le roman, en restant très proche du ton employé.
Luis Tosar, Belén Cuesta, Quim Gutiérrez, Pilar Castro… Comment êtes-vous arrivé à réunir un tel casting pour votre premier long-métrage ?
Je pense que c’est la qualité du scénario qui a permis à ces personnes talentueuses de rejoindre le premier projet de quelqu’un. A l’exception de Luis Tosar, qui avait joué dans mon dernier court-métrage, le reste du casting ne me connaissait pas. Par ailleurs, ce n’était pas un scénario facile. Sur le plateau, j’ai dû leur demander les choses les plus extrêmes et ils se sont jetés à l’eau, ce qui est très gratifiant. Ils ont tout rendu très facile pour moi, j’ai donc eu de la chance et je pense que c’est principalement grâce au scénario.
Dans le premier chapitre du film dédié à l’histoire de l’orphelinat au Kosovo, Gilbert Melki campe le rôle d’un chef d’une organisation criminelle. Pourquoi avoir fait le choix d’un acteur français ?
J’étais à la recherche de talents pour le casting français et la proposition de Gilbert Melki s’est présentée. J’étais déjà un grand fan et il m’a donné exactement ce dont j’avais besoin. C’est une personne très imposante physiquement qui peut paraître comme quelqu’un d’amical ou avec qui vous pouvez rire, mais la seconde d’après, il peut vous terroriser. C’est un peu ce dont j’avais besoin pour ce personnage et Gilbert l’a très bien fait, presque naturellement.