Comment vous est venue l’idée de départ pour « Les Mutants de l’espace » ?
Je lisais un magazine et je suis tombé sur une photo de Laika, le chien cosmonaute russe. Je me suis mis à penser que la pauvre bête était toujours là-haut, en orbite autour de la terre, probablement folle à lier et qu’il y avait certainement d’autres animaux de laboratoire, souris, singes, chats, aussi abandonnés dans l’espace. Que se passerait-il si ils se rassemblaient et engendraient une armée de mutants ?
Parlez-nous de votre goût pour les parties du corps telles que le nez, les doigts, les yeux….
Au cours de ma carrière de dessinateur et de caricaturiste, je me suis concentré sur le corps humain, et à travers un certain surréalisme j’ai toujours tenté de donner une image exagérée des parties du corps humain. Le public a toujours trouvé cela plus intéressant ainsi.
Ce film parait plus achevé que les précédents. Comment percevez-vous l’évolution de votre style, et comment nourrissez-vous votre imagination ?
Je pense qu’avec « Les Mutants de l’espace », j’ai atteint un style personnel d’animation qui est nouveau, qui reflète parfaitement mon imagination, et qui est assez facile à créer. Mon imagination se nourrit principalement de ma vie de tous les jours. C’est une des raisons pour lesquelles je vis à New-York. Tout y est si extrême et intense, c’est comme être sous l’emprise d’une drogue.
Même les dessins sont différents. Vous utilisez le pastel pour les fonds. Comment avez-vous conçu le style et l’atmosphère pour Les Mutants de l’espace ?
J’ai décidé il y a quelques années d’abandonner le dessin au crayon de couleur (sauf pour les publicités) parce que cela demandait trop de travail et ne pouvait refléter complètement ce que
j’avais en tête. Avec « L’Impitoyable lune de miel ! », j’ai utilisé des photos noir et blanc de jouets miniatures que j’ai peintes à l’huile, et aussi utilisé des collages photos. Le résultat était plus ou moins satisfaisant, mais avec « Les Mutants de l’espace » cette technique a atteint sa maturité. En a découlé un air de réalité, et en même temps un coté abstrait et fantastique, comme une peinture de Monet.
Que pouvez-vous nous dire sur la technique de dessin et d’animation pour Les Mutants de l’espace ?
La technique de dessin est traditionnelle, je fais mes dessins à la table lumineuse puis le linetest (procédé qui consiste à filmer les dessins non encore coloriés pour vérifier l’animation). L’étape suivante est l’ombrage des dessins au crayon puis le rajout des détails et des textures. Ensuite, au dos, je note pour les coloristes les endroits où les ombres peintes doivent aller. Puis les dessins sont photocopiés sur des cellulos puis ces cellulos sont peints sur l’envers.
Dans vos deux longs métrages vous paraissez obsédé par l’idée de complot du gouvernement américain contre les êtres humains.
Après dix ans de caricature politique, j’aime tourner en dérision le gouvernement et les institutions.
Vous sentez-vous comme un défenseur des « Droits de l’Homme », puisque vous avez refusé de combattre au Vietnam?
C’est étrange qu’enfant, j’ai toujours aimé dessiner des scènes de bataille, des avions, des tanks… Quoiqu’il en soit, quand j’ai été incorporable, et que j’ai réalisé la tragédie qui avait lieu au Vietnam, j’ai refusé de combattre. En fait, j’ai rejoint la Garde Nationale pour éviter l’incorporation et durant les exercices de tir, j’ai refusé de tirer. Le sergent était très en colère, il a fait venir le lieutenant qui s’est mis à hurler sur moi, puis le capitaine et enfin le major. Ils m’ont menacé de Cour Martiale mais je n’ai pas bougé. Puis ils se sont rendu compte que ce serait trop de paperasses et de mauvaise publicité et ils m’ont chargé du département artistique: je faisais des affiches du type « Comment nettoyer votre arme » ou « Comment creuser des tranchées ».
Vous venez de terminer un court-métrage, « Eat », qui se passe dans un restaurant français à New-York.
« Eat » est une série de gags sur la nourriture que je voulais mettre dans « Les Mutants de l’espace », mais je n’ai pas pu les y inclure. Il y a si longtemps que je n’ai pas été nominé aux Oscars, et j’ai pensé que ce serait un joli film, sophistiqué et sensible pour l’Académie. Puis en le dessinant, je me suis mis à mettre des gags osés et grossiers. Il ne gagnera donc jamais d’Oscar, mais il est plus proche de mon sens de l’humour comme ça.
Voulez-vous parler de quoi que ce soit d’autre à propos de « Les Mutants de l’espace », votre travail, votre vie, vos projets ?
Les gens pensent toujours que je suis quelqu’un de scandaleux, de choquant, quand en réalité je suis quelqu’un de bien élevé, doux et timide. En fait, vous le croirez ou non, mais je travaille sur un programme de Noël pour enfant pour le « Cartoon Network ». Imaginez Bill Plympton faisant un dessin animé pour enfants…