Documentaire / France

MA MONDIALISATION

Fonds de pension, délocalisation, mondialisation font désormais partie de notre langage quotidien, mais demeurent des notions abstraites, souvent angoissantes. A travers le regard plutôt « atypique » d’un chef d’entreprise de la vallée de la mécanique de précision en
Haute-Savoie, le film raconte cette phase récente du capitalisme dominé par des mécanismes financiers « globaux » et implacables.
Victimes de leur succès, toutes les plus grosses entreprises de la vallée ont déjà été rachetées par des sociétés financières dont l’unique souci est la rentabilité maximale dans des temps records. Une illustration parfois drôle, et le plus souvent cruelle, du choc des cultures entre l’industrie et l’univers de la finance.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2006

Gilles PERRET

1h26 – Couleur – Dolby Digital 5.1

25 Mai 2022

NOTES DE PRODUCTION

Nuages sur la vallée

Dans la vallée de l’Arve, 12 000 salariés travaillent encore dans 500 entreprises de décolletage pour fournir en pièces de mécanique de précision les géants de l’automobile, de l’aérospatiale ou du secteur médical. Mais pour combien de temps encore ?
Pérennité de l’entreprise et préservation de l’emploi ne font pas partie des préoccupations d’actionnaires anonymes et lointains… C’est le choc et l’inquiétude pour les salariés.
Tout aussi inquiétante est la pression que font peser les constructeurs automobiles sur les entreprises de décolletage pour qu’elles délocalisent l’essentiel de leur activité à l’étranger – en Chine et dans les pays de l’Est, par exemple. Abdiquer signifie supprimer des centaines d’emplois, leur résister entraîne l’arrêt des commandes et le dépôt de bilan.
Confrontés à ces multiples menaces, incapables d’y faire face, nombre d’entrepreneurs de l’Arve finissent par se demander s’ils n’ont pas été dépassés par un modèle économique qu’ils auraient trop longtemps cautionné.

 

Un patron

Personnage central de « Ma Mondialisation », Yves Bontaz emploie un millier de personnes, dont 700 à l’étranger et 300 en Haute- Savoie. Âgé d’une soixantaine d’années, il incarne «le patron» au sens noble du terme, qui a bâti seul son entreprise. Ses valeurs sont celles du travail, de la famille et des amis.
Au fil des visites sur les trois sites de production de l’entreprise, en France, en République Tchèque et en Chine, il évoque pêle-mêle ses débuts, les difficultés actuelles, ses priorités économiques et humaines, l’avenir.
Jovial, Yves Bontaz semble sincèrement soucieux de maintenir le site français en activité et d’y garantir l’emploi. Son parcours illustre, dans ses mécanismes et ses contradictions, quarante années de capitalisme florissant jusqu’aux dernières orientations de libéralisation financière et de délocalisation. Autant est-il un «bon» patron sur le site français, à «tu et à toi» avec certains de ses ouvriers, maîtrisant le produit et l’outil de production, autant il est étranger aux réalités sociales et humaines des pays vers lesquels il délocalise. Il ignore même jusqu’au tarif horaire de rémunération de ses employés chinois.
Le choix de délocaliser lui aya nt été imposé par ses clients, constructeurs automobiles, il est passé du rôle d’acteur à celui de figurant dans un processus qu’il ne maîtrise plus.

 

Désarroi

Pour étayer son propos, Gilles Perret fait intervenir des analystes économiques, des ouvriers, des syndicalistes locaux, et d’autres dirigeants de la vallée de l’ Arve, d o nt les entreprises ont été rachetées par des fonds de pension.
Suite à plusieurs plans sociaux dans ces entreprises à capitaux financiers, la vallée du décolletage, est, pour la première fois de son histoire, le théâtre d’une manifestation ouvrière. Dans une région peu habituée aux revendications sociales, la scène semble incongrue.
Le film montre que les fonds de pension, dont les actionnaires sont aussi insouciants qu’invisibles, constituent une réelle menace pour la viabilité des entreprises industrielles, en ceci qu’ils puisent dans les profits réalisés, non pas pour réinvestir dans l’outil de production, mais bien pour rembourser les investisseurs de leur emprunt.
Le désarroi est partout. Chez les ouvriers bien sûr, qui, d’un jour à l’autre, basculent dans une situation d’extrême précarité, mais aussi chez les patrons traditionnels qui sont soudain privés de leur outil de pouvoir : l’entreprise. Dans cette affaire, tous sont perdants.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

« MA MONDIALISATION permet-il de comprendre comment un chef d’entreprise peut être obligé de délocaliser ? »

 

GILLES PERRET : « On pourrait discuter de cette notion d’«obligation», qui est ici très complexe. Mais il est vrai que si ces décolleteurs ne vont pas s’installer en Chine ou au Brésil pour suivre leurs donneurs d’ordres – Renault, Peugeot, et tous les constructeurs auto du monde -, ils passent vraiment pour des «has been» qui n’ont rien compris à la mondialisation et que c’est là-bas que ça se passe… »

 

« Ils sont largués… »

 

« Oui. Et surtout – certains le racontent dans le film – s’ils vont en Chine, c’est pour satisfaire et garder leurs clients, mais là-bas, en fait, ils produisent plus cher! Tant pis, ça fait classe, et c’est à le prix à payer… »

 

« Plusieurs chefs d’entreprise de la vallée de l’Arve participent au film… »

 

« Ce sont précisément ces témoignages qui m’intéressaient, mis en perspective avec les pro pos de syndicalistes et d’ économistes. On a l’habitude d’ entendre syndicalistes et ouvriers s’ ex p rimer sur les inquiétudes nées de la mondialisation, mais jamais les patrons. Je crois que l’originalité du film est de donner à écouter leurs arguments, qu’on les juge recevables ou non. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils ne sont plus très à l’aise dans ce monde-là, qu’ils sont en passe de se faire rattraper par un modèle économique qu’ils ont, pendant de nombreuses années, largement soutenu. »

 

« Vous voulez dire qu’ils se sont un peu fait hara-kiri ? »

 

« En quelque sorte : ils ont soutenu ce libéralisme (on connaît le discours : «trop de charges, etc…»), et aujourd’hui ils en sont victimes, parce qu’à ce jeu ils ont trouvé plus forts qu’eux. Et ils voient les leviers s’éloigner de plus en plus de la vallée, tenus par des gens invisibles, pour la plupart des financiers qui ne connaissent absolument rien à la mécanique ni à l’industrie, et dont la gestion des sociétés est assez dramatique.

 

« Est-ce qu’ils remettent ce parcours en question ? »

« C’est difficile. Ils ont travaillé énormément et n’ont pas eu le temps de l’analyse, du recul. Bien sûr, ils ne vont pas mettre le système en cause – ce ne sont pas des révolutionnaires dans l’âme – , mais ils se rendent bien compte qu’il y a quelque chose qui ne marche plus, qu’ils sont en train de se faire déposséder de leur outil. »

 

D’après un entretien avec Yvon Chaloyard, à l’antenne de Radio Plus, mai 2006.

ÉPILOGUE

Six mois après le tournage, et avant d’avoir vu le film, le groupe Autocam s’est « séparé » du directeur industriel qui témoigne dans le film.

 

En juillet 2006,le groupe Autocam annonçait un nouveau plan social de 140 personnes.

 

Après notre passage, les ouvriers chinois de Bontaz Centre ont vu leur salaire augmenter.

 

Le Maire de Cluses, capitale mondiale du décolletage, a interdit les projections du film dans sa ville.

 

La sortie du film a été un événement dans la vallée. Plus de 3 000 spectateurs se sont précipités dans les salles pour participer aux projections-débats ou simplement pour essayer de comprendre les mécanismes qui sont en oeuvre. Les échanges entre employeurs et salariés ont été riches, vifs et constructifs.

LISTE TECHNIQUE

Image : Olivier PATURET, Gilles PERRET
Son : Didier FREDEVAUX, Loïc FAVEL
Montage : Alain ROBICHE
Produit : par Evelyne JULY, Jean-Michel RODRIGO, Fabrice FERRARI
Une production : MÉCANOS PRODUCTIONS et LA VAKA
Avec la participation du Centre National de la Cinématographie, La Région Rhône-Alpes, et France3 Rhône-Alpes-Auvergne

CE QU'EN DIT LA PRESSE

CAHIERS DU CINÉMA

A Ma mondialisation manque le corps monstrueux et sacrificiel sur lequel le spectateur pourrait soulager son impuissante colère politique.

 

LIBÉRATION

(…) un montage rythmé (…) La force de Ma Mondialisation est de ne jamais être dupe de ce personnage touchant à bien des égards, mais dont les contradictions éclatent à l’écran.

 

PREMIÈRE

La globalisation est ici décortiquée avec clarté.

 

LE MONDE

En dépit d’une réalisation un peu basique, Ma mondialisation est d’une incisive clarté, facilitant la compréhension d’un phénomène social essentiel.