Documentaire / France

PAR LA FENÊTRE OU PAR LA PORTE

Septembre 2004, l’État privatise son fleuron historique France Télécom. Le cours de l’action devient primordial et le nouveau Pdg Didier Lombard décide de pousser 22 000 agent·es au départ « volontaire » : ce sera le plan NExT, le management piloté par les chiffres.

Le 30 septembre 2022 se clôt en appel « l’Affaire des suicides de France Télécom- Orange », la première condamnation pénale de dirigeants du CAC 40 pour harcèlement moral institutionnel.

Derrière ce coup de tonnerre juridique, ce film retrace l’histoire d’un long combat syndical, inventif et ouvert sur la société, raconté par celles et ceux qui ont mené la lutte.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2023

Jean-Pierre BLOC

1h30 – Couleur – Dolby Digital 5.1

8 novembre 2023

NOTE DU RÉALISATEUR

Raconter l’histoire du procès de France Télécom/Orange, c’est faire le récit d’un combat homérique. Le terme peut sonner outrancier et galvaudé, il s’est pourtant imposé au fur et à mesure de ma plongée dans les méandres de cette affaire : des dizaines d’années de luttes exténuantes, plus d’une centaine de milliers de personnes impliquées dans tous les départements, toutes les villes de France, des mobilisations massives dont les troupes se délitent au fil du temps, des dirigeants au profil de despotes, multipliant chausses-trappes et dissimulations, et pour couronner le tout, un procès que les médias unanimes qualifient de « hors norme ».

Une autre chose m’a frappé : les films sur les luttes sociales sont nombreux mais il est rare, voire exceptionnel qu’ils se concluent par une victoire. Celle-là a certes un goût amer, mais  c’est une victoire tout de même. Elle ouvre une profonde brèche dans un pouvoir inexpugnable, ce fameux lien de subordination qui est aujourd’hui encore la marque du salariat.

Si l’affaire France Télécom a déjà fait l’objet de plusieurs documentaires, elle n’a jamais été abordée du point de vue de celles et ceux, syndicalistes et salarié·es, qui ont lutté avec acharnement contre la logique glaciale du management par les chiffres. Pour elles et eux, ce film prolonge le procès, il offre une prime à la combativité, questionne leurs difficultés et leurs désarrois, les désunions et les alliances improbables, et veut transmettre une mémoire.

Elles et ils m’ont confié la tâche de traduire en images et en sons cette histoire, leur histoire.

PAR LA FENÊTRE OU PAR LA PORTE ?

« Par la fenêtre ou par la porte », c’est l’affaire France Télécom-Orange, racontée pour la première fois par celles et ceux, syndicalistes, salarié·es, agents du service public, qui ont lutté sans relâche pour la dignité au travail dans cette entreprise.

Le film retrace des décennies de combat, d’abord contre une privatisation rampante, puis contre des dirigeants dont l’unique boussole était le cours de l’action, n’hésitant pas à pousser dehors en un temps record 22 000 personnes « par la fenêtre ou par la porte » selon les mots de Didier Lombard, l’ancien président. Un personnel en état de choc, de nombreux suicides, deux procès, avec à la clé des peines de prison pour les dirigeants, du jamais vu pour une entreprise du CAC 40. Et la consécration d’une nouvelle arme de droit, primordiale pour les syndicalistes : le harcèlement moral institutionnel, qui ouvre une brèche importante dans un pouvoir de direction jusqu’alors inexpugnable.

À travers de nombreux témoignages, le film retrace les difficultés du syndicalisme face à l’individualisation du travail, à la tragédie des suicides, mais aussi son inventivité pour faire de son combat une question d’intérêt général et l’ouvrir à toutes les composantes de la société.

En résonance avec le débat qui s’impose depuis la puissante mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites, il questionne le travail lui-même – son sens, son utilité sociale, les conditions dans lesquelles il s’exerce.

Ce film renouvelle l’image de l’univers syndical et contribuera – c’est le souhait de ses auteurs et autrices – à le rapprocher des citoyen·nes.

AU DÉPART, PAR JEAN-PIERRE BLOC

Au départ, une rencontre. Via un protagoniste de mon film sur les inspecteurs du travail, j’ai fait la connaissance de syndicalistes qui voulaient faire de leur histoire un film documentaire. Raconter leur combat, eux-mêmes, et ne plus être racontés par d’autres. Se donner les moyens de porter un récit collectif vers l’extérieur plutôt que de se tendre un miroir.

La démarche est, de mon point de vue, inédite. Elle ne peut que susciter la curiosité et le désir de celui à qui elle s’adresse. Sans compter un sentiment de responsabilité.

De l’affaire France Télécom, je ne connaissais que ce que chacun sait : des suicides à répétition, un long procès, des condamnations de hauts dirigeants. Au cours des réunions pour définir ce que ce film pourrait être, j’ai réalisé à quel point l’affaire est tentaculaire, et qu’il allait donc falloir faire des choix drastiques tant les pistes sont infinies.

Une d’entre elles était de faire un film compassionnel, du point de vue des victimes. Le respect pour les victimes et leurs proches reste présent dans ce projet, mais n’en constitue pas la trame. Nous parlons d’un combat au long cours.

Les fonctionnaires, dont l’image est ringardisée depuis les années 80, méritent un regard différent, attentif. Ils ont constitué la première cible des assauts de Didier Lombard. C’est parce que leur statut ne lui permettait pas de les licencier qu’il a voulu les pousser dehors « par la fenêtre ou par la porte ». Les années 2000 et 2010 ont constitué le climax de la déconsidération des fonctionnaires, désignés comme improductifs, privilégiés, indifférents au sort des usagers. Aujourd’hui on constate avec effroi la déliquescence des services publics, mais l’image est encore tenace. Ce film cherche à leur restituer la dignité qu’on leur refuse.

Les syndicats ont subi le même sort. Des ronds de cuir, des preneurs d’otages, ne sachant que défiler dans la rue ou bloquer le pays. Le discours dominant a réussi à en dégoûter même les salariés, qui les désertent. Quels que soient leurs défauts, eux aussi méritent un autre regard. Et dans le cas qui nous occupe, ils ont fait preuve non seulement de combativité, mais aussi d’inventivité, d’intelligence collective, d’ouverture vers la société. Ce film cherche à le montrer.

La santé psychique au travail, un sujet pour lequel il est difficile de mobiliser, même au sein des syndicats, mérite elle aussi un regard particulier. Elle n’est pas un problème de l’intime, cantonné à la fragilité supposée des individus, elle est un problème majeur de société. La justice a fini par le comprendre en prononçant un interdit : l’organisation du travail ne doit pas provoquer la mort ni même la souffrance psychologique. On pourrait croire que c’est une évidence, mais il a fallu des années de lutte pour y parvenir. Cette décision n’est que le début d’un processus que ce film cherche à explorer.

AU DÉPART, PAR PATRICK ACKERMANN

C’est l’histoire d’une vie. Je suis entré comme conducteur de travaux à France Télécom en 1987, après de longues années de boulots usés et gâchés par la précarité. France Télécom représentait le Graal d’un véritable avenir.

 

Mais ce sont aussi les années où les dirigeants du monde décident de mettre à mal les acquis ouvriers et les protections sociales. Les services publics sont les proies de ces nouveaux argentiers avides et sans retenue : « There Is No Alternative » chantait l’Angleterre à tue-tête tandis que la France, à droite comme à gauche, creusait une « troisième voie » dans l’ornière des politiques d’austérité.

Mauvaise pioche. Le paradis France Télécom se transforme rapidement, trop rapidement, en une machine à perdre. Le syndicalisme des PTT s’use à résister aux sirènes de la privatisation, et les premières années de France Télécom n’étaient dorées que pour les nouveaux actionnaires.

La tragédie est connue. Privatisation, endettement colossal, plans d’austérité, départ de 40 000 fonctionnaires de 1996 à 2006, puis 22 000 départs en 3 ans, de 2006 à 2009. C’est l’ère du Pdg Lombard, ingénieur des Télécoms converti à l’argent facile avec son annonce de départs « Par la fenêtre ou par la porte ».

Les visages sont graves, les collègues se séparent, rares sont ceux qui trouvent les issues, la plupart sont déboussolés, dégoutés, blessés profondément. Le syndicalisme, la solidarité sont mis à rude épreuve par une direction de choc.

Mais nous avons réussi à résister, à reconstruire les conditions d’un sursaut. Il a fallu aussi capter le regard de la société française. Combien de situations dramatiques de familles avons nous communiquées dans la presse locale puis nationale pour que les projecteurs de la presse poussent enfin à une intervention de l’État fin 2009.

C’est à ce moment-là que nous avons décidé de porter cette affaire au pénal car le sang et les larmes avaient coulé. Personne ne pouvait tourner la page des ces années sans exiger une condamnation nette et sans appel d’une direction.

Ce documentaire « Par la fenêtre ou par la porte », c’est à la fois l’histoire de nos luttes syndicales et de nos doutes. C’est aussi l’histoire de nos rencontres avec la sidération d’une société civile qui ne ménagera pas sa solidarité. C’est enfin l’histoire d’une aventure judiciaire qui mènera à une enquête de deux juges d’instruction pendant quatre années et à un procès exemplaire en première instance qui condamnera ces dirigeants du CAC 40 à la prison.

C’est aussi, et c’est sans doute le plus important, un message pour l’avenir. Notre histoire n’est pas une histoire singulière. Elle est aussi l’histoire d’une mutation profonde du monde du travail, des règles de solidarité sociale, des liens entre les générations au moment où la planète semble vaciller.

C’est un message d’espoir.

LISTE TECHNIQUE

Un film réalisé par : Jean-Pierre Bloc
Sur une idée originale de : Patrick Ackermann avec un collectif de syndicalistes de France Télécom-Orange
Entretiens menés par : Isabelle Bourboulon
et coordonnés par : Pascal Vitte
Avec la voix de : Ariane Ascaride
et celles de : Fanny Bloc et Jérémy Petit
Dessins de : Marthe Pequignot
D’après les croquis d’audiences de : Ornella Guidara
Création du titre : Nicolas Le Scanff
Musique : Patrick Ackermann et Les Fatals Picards
Images : Sylvia Aubertin – Ludovic Denizot-Fauconnet – Mohamed Mouaki Benani – Patrice Spadoni et Freddy Bruneel – Jean-Marc Cazenave – Pierre Poilloux
Son : Lucas Goix – Geoffroy Terreau – Ismaël Camara-Silvestre
Enregistrement voix : Maxime Roy
Montage : Jean-Pierre Bloc
Montage son : Béatrice Wick
Mixage : Laurent Dreyer
Étalonnage : Laurent Fénart
Administration de production : Emmanuel Brunner
Documentaliste : Cécile Niderman
Communication Internet et réseaux sociaux : Tristan Cassier
Relation organisations et réseaux : Philippe Hagué
Relations presse : Stanislas Baudry

CE QU'EN DIT LA PRESSE

LES FICHES DU CINÉMA

Loin du tract militant, une étude en profondeur éclairante et édifiante.

 

LE MONDE

Ce film, qui ambitionne de raconter cette histoire, a pour particularité d’avoir été réalisé à l’initiative d’un collectif de syndicalistes de France Télécom. Il s’y agit essentiellement de faire partager, dans un document de forme classique confié à un homme de métier (le réalisateur Jean-Pierre Bloc), une expérience collective, ce en quoi le film remplit d’ailleurs très honnêtement sa mission.

 

PREMIÈRE

Malgré son dispositif conventionnel, le film possède une vision citoyenne, impliquant plusieurs intervenants d’horizons différents (romanciers, sociologues, historiens) pour chroniquer le procès.

HORAIRES DU 6 AU 12 DÉCEMBRE

Jeudi : 18h00
Lundi, Mardi : 15h40