Comment expliquer la relation entre les deux frères ?
La relation entre les deux frères est d’abord une question d’amour fraternel et de complicité. Mahmoud est quelqu’un d’éveillé et conscient des enjeux sociétaux. Il sait bien que son frère Koukou dérange par son originalité, le problème se trouve dans les mentalités archaïques de la société représentées par le comité des « sages » du village. Celui-ci n’est pas seulement solidaire avec Koukou mais avec toutes les femmes et marginaux du village.
Les femmes assument une grande part du combat pour la vie mais semblent exclues de la démocratie villageoise. Est-ce un choix délibéré du réalisateur de montrer ce déséquilibre ?
Dans les villages et les foyers, la femme est reléguée au second plan. Dans certains cas, elle est complètement exclue. Ce n’est pas seulement dans nos villages mais dans toutes les sociétés conservatrices. La femme chargée d’amas de bois et le mari qui, lui, est libre, c’est l’image de ma mère et de mon père qui m’a choqué pendant mon enfance. Cela m’a révolté, ce qui est encore le cas aujourd’hui.
Quelques plans de paysage sont d’une grande beauté. Pourquoi une telle importance aux paysages ?
Les paysages sont fortement présents car il m’ est difficile de dissocier ce décor de tous ces humains qui composent cet univers qui est le mien. Si ces paysages sont beaux, c’est une réalité que je ne peux pas cacher.
Le départ des frères est-il le signe d’un échec ou d’une volonté de reconstruire ailleurs ?
Je ne vois pas la fuite de Mahmoud avec Koukou comme un échec mais plutôt une solution. Koukou est menacé en permanence et il doit y avoir une issue à ce danger. La vision philosophique et poétique de Mahmoud, lui semble déjà comme une victoire.
Peut-on dire que votre film interroge les traditions berbères au XXIème siècle ?
Ce n’est pas une interrogation mais une réalité que nous ne pouvons occulter longtemps. Cette culture millénaire est restée trop longtemps opprimée, méprisée, réprimée et ce depuis des siècles mais continue d’exister. Je ne peux m’exprimer que par ma langue maternelle.