Fiction / Portugal

UN AUTOMNE À GREAT YARMOUTH

Octobre 2019, en Grande-Bretagne, trois mois avant le Brexit. Tânia organise le travail, transport et logement des travailleurs immigrés portugais de l’usine de volailles de Great Yarmouth, dans le Norfolk. Flottant dans un monde où les bâtiments sont délabrés et les conditions de travail des ouvriers à l’abattoir particulièrement dures, Tânia apprend l’anglais en rêvant d’ouvrir un jour un hôtel pour y accueillir les touristes du troisième âge.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2022

Marco MARTINS

Ricardo ADOLFO, Marco MARTINS

Beatriz BATARDA, Nuno LOPES, Kris HITCHEN, Romeu RONA

1h53 – Couleur – 2.39 – Dolby Digital 5.1

6 Septembre 2023

NOTE D'INTENTION

Great Yarmouth, ou «Le plus bel endroit de l’univers», comme l’écrit Charles Dickens en 1849, lorsqu’il y amène l’un des ouvriers les plus appréciés de l’Angleterre victorienne, David Copperfield, sans imaginer que 160 ans plus tard, l’industrie alimentaire et l’attrait malsain des Occidentaux pour la viande transformée donneraient du travail en abondance aux migrants portugais et donneraient naissance à l’histoire de Tânia – un héros ouvrier d’un genre très différent.

 

Sans attirer l’attention du grand public, la migration des Portugais vers cette ancienne station balnéaire de la classe ouvrière anglaise a commencé vers 2009. Ils sont venus travailler dans les grandes usines agroalimentaires qui s’étaient installées dans cette zone de l’Angleterre, traditionnellement touchée par le chômage. Aujourd’hui, on estime à plus de dix mille le nombre de Portugais qui y vivent. Leur présence a considérablement changé la physionomie de la région.

 

Suite à mon travail avec des communautés marginalisées, au théâtre et au cinéma, je me suis rendue pour la première fois à Great Yarmouth en 2017 (à l’invitation de l’Arts Council et de l’association Sea Change) dans le but de concevoir une pièce avec la communauté de migrants portugais et les habitants de Yarmouth. Lors de ce premier séjour, j’ai passé beaucoup de temps dans les cafés portugais de la ville et mené plus de deux cents entretiens qui allaient devenir l’origine d’une pièce de théâtre.

 

Cinq ans plus tard, c’est cette recherche qui a conduit à la réalisation de ce film centré sur la grande vague de migration vers cette ville du Norfolk au cours de la dernière décennie. L’histoire forme un diptyque avec « Saint-Georges », en ce sens qu’elle est le produit de mes recherches personnelles sur les politiques néolibérales et les résultats des grands changements socio-économiques qui ont eu lieu dans l’économie postindustrielle de l’Ouest.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

« Un automne à Great Yarmouth » était à l’origine une pièce de théâtre, pourquoi l’avoir adaptée à l’écran ?

 

Le film est davantage la continuation des recherches que j’avais faites pour ma pièce, que son adaptation. La première fois que je me suis rendu à Great Yarmouth, c’était 2016, après la fin du tournage de Saint-Georges. J’ai découvert une ville qui autrefois avait été une station balnéaire pour la classe moyenne anglaise, et qui aujourd’hui est devenue une ville fantôme où vit une grande communauté de migrants portugais. J’ai commencé à les rencontrer. Tous travaillaient dans les usines périphériques de la ville et vivaient dans les hôtels du bord de mer. Plus j’écoutais leurs témoignages, plus je commençais à avoir des images mentales qui apparaissaient. J’ai compris que Great Yarmouth incarnait pour moi le paradoxe de notre société et de nos conditions de vie.

 

Votre film dépeint une triste et violente réalité, celle de l’exploitation des migrants portugais dans le Norfolk. D’où vient votre appétence pour les thèmes politiques et sociaux ?

 

Les thèmes sociaux et politiques sont de plus en plus présents dans mon travail. J’ai été particulièrement marqué par la crise de 2009-2014, qui a été un événement capital pour les gens de ma génération. Le développement des politiques néo-libérales, l’impact que cela a eu sur nos vies, nos institutions, notre démocratie… C’est quelque chose qui se reflète dans mon travail. Ces thèmes se sont imposés à moi tout d’abord au théâtre où je mets souvent en scène le quotidien de travailleurs incarnés par des acteurs non professionnels.

 

L’exploitation et la misère humaine sont des thématiques centrales de votre oeuvre. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

 

Après la crise de 2009, on est entré dans un nouveau monde : celui de l’austérité. On a alors injustement mis la faute sur les plus pauvres et la classe ouvrière. En réalité, c’était l’inverse. Ce système a normalisé une forme d’exploitation des travailleurs, tout en niant les lois humaines et sociales. Dans le cas de Great Yarmouth, ces migrants portugais n’ont aucun droit. S’ils sont malades ou blessés (ce qui arrive très souvent), ils ne sont pas couverts ni aidés ; ils sont au plus bas de l’échelle sociale. C’est cette déshumanisation qui m’intéressait. Je voulais que cette misère soit davantage visible et mise en avant, tout en donnant une voix à ces travailleurs.

 

En quoi « Un Automne à Great Yarmouth » forme un diptyque avec ‘Saint-Georges’ ?

 

Saint-Georges parlait d’un homme qui perdait son emploi et rejoignait une société de recouvrement. Malgré tout, il continuait de croire au système et à ses valeurs, notamment la famille. En me rendant à Great Yarmouth, l’association s’est faite automatiquement. J’ai vu ces communautés de migrants portugais et j’ai pensé que les travailleurs de ces usines de dinde étaient les mêmes travailleurs sans emploi de Saint-Georges. La grande différence réside dans le personnage principal : Tânia ne croit plus au système, et elle devient ainsi une contradiction d’elle-même.

 

Après « Alice » (2005), vous réunissez de nouveau Beatriz Batarda et Nuno Lopes. Comment avez-vous dirigé les deux acteurs dans ces nouveaux rôles ?

 

Depuis mon premier film, nous nous comprenons et parlons le même langage artistique. Ils sont devenus des proches. Le personnage de Tânia a été écrit pour Beatriz. Je n’avais alors encore jamais écrit un personnage principal féminin, et quand j’ai entendu parler de cette « mère des Portugais », j’ai tout de suite pensé à elle. J’ai préparé les acteurs en les faisant venir à Great Yarmouth à trois reprises avant le tournage. Au fil de ces expériences et de leur présence dans la ville, le scénario évoluait.

À PROPOS DU RÉALISATEUR

Diplômé de l’école de théâtre et de cinéma de Lisbonne, de la Tisch School of Arts et de la HFF Munich – University of Film and Television, Marco Martins a commencé sa carrière en tant qu’assistant réalisateur de Wim Wenders, Pedro Costa, Manoel de Oliveira et Bertrand Tavernier.

 

Son premier long-métrage, « Alice », a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs et a remporté le prix Regards Jeunes à Cannes en 2005. Son troisième long métrage « Saint George » (São Jorge) a été présenté en avant-première à la Mostra de Venise 2016, où Nuno Lopes a remporté le Lion d’or du meilleur acteur pour sa performance dans le film (Prix Horizons). En 2022, son dernier film, « Un Automne à Great Yarmouth », est projeté en avant-première mondiale au Festival International du Film de San Sebastián.

CE QU'EN DIT LA PRESSE

L’OBS

Dans la lignée de Ken Loach, une plongée impitoyable dans les bas-fonds du capitalisme : seuls les oiseaux s’en sortent parfois. Les hommes, non.

 

LES FICHES DU CINÉMA

« Un automne… » s’attaque avec brio au système économique britannique pré-Brexit. En mettant en lumière les derniers de cordées du libéralisme, M. Martins voisine avec le cinéma de K. Loach – tout aussi politique, mais dans une veine moins réaliste.

 

LE JOURNAL DU DIMANCHE

Le réalisateur ne ménage pas le spectateur, signant un film d’une grande noirceur porté par une mise en scène soignée et des acteurs convaincants.

 

PREMIÈRE

Film social documenté avec soin qui vous serre le cœur, le loachien « Un automne à Great Yarmouth » propose surtout un point de vue original sur son sujet.

 

TÉLÉRAMA

Beatriz Batarda, l’actrice principale, impressionne en exploiteuse zélée et finalement brisée. Rien que pour elle, le film mérite d’être salué.

LISTE ARTISTIQUE ET TECHNIQUE

Liste artistique

 

Beatriz Batarda : Tânia
Nuno Lopes : Carlos
Kris Hitchen : Richard
Romeu Rona : Raúl
Rita Cabaço : Sandra
Hugo Bentes : Cardoso

 

Liste technique

 

Réalisation : Marco Martins
Scénario : Ricardo Adolfo, Marco Martins
Image : João Ribeiro, AIP
Décors : Wayne dos Santos
Costumes : Isabel Carmona
Maquillage et coiffure : Maria Almeida Nani
Son : Miguel Martins, Rafael Cardoso
Montage : Karen Harley, Mariana Gaivão, Marco Martins
Musique : Jim Williams
Production : Filipa Reis, Kamilla Kristiane Hodøl
Coproduction :François D’Artemare, Yohann Cornu
Production executive : Emilie Joffroy, Ian Hutchinson, Saskia Thomas

HORAIRES DU 20 AU 26 SEPTEMBRE

Mercredi, Vendredi, Lundi : 14h30
Jeudi, Samedi, Mardi : 16h05
Jeudi, Dimanche, Mardi : 21h55
Dimanche : 14h15

HORAIRES DU 27 SEPTEMBRE AU 3 OCTOBRE

Mercredi, Dimanche : 20h10
Jeudi : 18h00
Lundi : 15h55