Fiction / Japon

VERS L'AUTRE RIVE

Au cœur du Japon, Yusuke convie sa compagne Mizuki à un périple à travers les villages et les rizières. A la rencontre de ceux qu’il a croisés sur sa route depuis ces trois dernières années, depuis ce moment où il s’est noyé en mer, depuis ce jour où il est mort. Pourquoi être revenu ?

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2015

Kiyoshi KUROSAWA

Kiyoshi KUROSAWA, Takashi UJITA

Eri FUKATSU, Tadanobu ASANO, Masao KOMATSU, Yu AOI, Akira EMOTO

2h07 – Couleur – Dolby Digital 5.1

10 Août 2022

NOTE PRODUCTION

Le projet de Kiyoshi Kurosawa, Vers l’autre rive, a profondément retenu mon attention. J’ai été ému par cet homme qui revient à la vie terrestre pour entamer avec sa femme un parcours qui le conduira vers un départ définitif. Je vois dans ce temps de voyage comme une vie en temps réduit.

 

D’abord peuplé de revenants qui attendent leur heure, Vers l’autre rive glisse doucement dans un suspense intérieur, qui s’accorde parfaitement à la mise en scène de Kiyoshi Kurosawa. Comme Shokuzai brassait les genres, du drame social au film fantastique, Vers l’autre rive entame le chemin inverse et part d’un thème fantastique pour atteindre l’essence même des relations humaines.

 

Kiyoshi Kurosawa arrive à l’âge de la maturité et entame depuis quelques années une réflexion différente sur les rapports humains. Il a été emballé par Kishibe no tabi, le roman de Kazumi Yumoto, avec qui il s’est entretenu tout au long de l’écriture pour être au plus près d’une intrigue qui lui tenait fortement à coeur.

 

Pétri d’éléments puisés dans la spiritualité japonaise, ce film offre aux esprits occidentaux une possibilité de penser autrement la mort, tout comme la vie.

 

Masa SAWADA

NOTE D'INTENTION DU RÉALISATEUR

Selon ma perception, le mélodrame présente une histoire d’amour proche de la tragédie qui montre un homme et une femme traverser des difficultés par le prisme de l’amour. En ce sens, Vers l’autre rive peut donc être rattaché à ce genre que j’aime beaucoup, même si sa définition reste ambiguë. Sans doute que je ne connais pas grande chose en amour pur. Ce qui explique que, dans ce film, il soit plutôt traduit en termes de confiance. Le couple tente d’être uni par une confiance absolue. Ce qui compte, c’est qu’ils sont destinés à ne jamais se séparer, même s’il y a des doutes. Au Japon, on peut très difficilement aborder dans le cinéma des thèmes qui soulèvent des questions de société. Par contre, le thème de la crise du couple passe plus facilement. Je pense qu’on peut passer par des petits problèmes entre les hommes et les femmes pour révéler les contours de la société actuelle.

 

En Japonais, il existe un verbe qui désigne le fait d’accompagner une personne mourante, autrement dit de veiller sur elle jusqu’à son trépas : mitoru. Reste à savoir s’il est possible de traduire avec subtilité toutes les nuances de ce mot dans une langue étrangère… Rares sont ceux qui ont vécu l’expérience de rester au chevet d’une personne sur le point de partir, de prendre délicatement sa main et de partager une émotion en ne quittant pas son visage des yeux. Par chance, je n’y ai moi-même encore jamais été confronté, mais aux dires de ceux qui l’ont été, ces quelques jours, ces quelques heures de face-à-face sont un moment de partage précieux et véritablement sacré. À l’intérieur de ce moment, le passé qu’ont partagé les deux personnes, le passé de chacun qui jusque-là demeurait inconnu de l’autre, mais aussi le futur que les deux personnes seront un jour amenées à expérimenter, tous ces instants sont évoqués, évalués et compris. Dans la réalité, ce dialogue émotionnel extrêmement intime a lieu au chevet d’un lit. Mais dans le monde de la fiction, pourquoi ne pas étirer au maximum le temps et l’espace nécessaires à ce processus et le narrer sous la forme d’un «voyage» ? C’est sur ce postulat osé que l’oeuvre littéraire originale, Kishibe no tabi, a été construite. Au regard de mon expérience acquise en tant que réalisateur, le sujet qui m’attire le plus à l’heure actuelle, c’est l’adaptation au cinéma d’une vision comme celle-ci.

 

Depuis longtemps, j’ai l’idée que le corps et l’esprit existent à des niveaux différents. Ainsi, il m’a toujours semblé hâtif de penser que la mort emportait l’un et l’autre simultanément. Pour autant, lorsqu’il s’agissait de traiter des morts au niveau fictionnel, mon inspiration se limitait à une trame telle que : « Ils deviennent des fantômes et s’évertuent à mener une vengeance obstinée. » Comme vous le savez, cette figure du fantôme est un classique, qui existe depuis longtemps dans les kaidan (films d’épouvante) japonais aussi bien que chez Shakespeare. Dans Vers l’autre rive, un tout nouveau type de mort fait son apparition. Mieux, la figure décrite ici est fondamentalement différente des fantômes habituels. Emporté par une mort provisoire (une mort phy¬sique), Yusuke reste en ce monde trois ans de plus afin de se préparer doucement à son véritable départ (la disparition de son esprit). Que cet homme continue impassiblement de posséder un corps n’est que tout naturel. Pour commencer, le corps est un système mouvant qui n’a rien à voir avec une matière comme la roche. Des expériences ont prouvé que la matière qui constitue le corps, à commencer par le cerveau, est intégralement renouvelée au bout d’un an. Partant de ce constat, penser que le corps serait le socle de l’esprit est insensé. Or bien que je ne comprenne pas cet effet miraculeux selon lequel l’esprit se tient au-dessus d’un système en perpétuel renouvellement, je peux néanmoins affirmer qu’il n’appartient pas au champ de la matière. Ainsi, même si le corps initial a déjà disparu, il est tout à fait plausible d’imaginer qu’il puisse à nouveau prendre forme. De même, il n’y a rien d’étonnant à imaginer que l’esprit vagabond de Yusuke se pose à nouveau au-dessus. D’ailleurs, il mange, dort et sa barbe pousse.

 

L’autre protagoniste de l’histoire est Mizuki qui se blottit contre ce défunt provisoire qui vient à elle, puis voyage avec lui et accomplit doucement la tâche d’accompagnement. Emmenée par Yusuke, elle fait de nombreuses rencontres, en particulier des personnes en transit comme lui. Au cours du voyage, Mizuki apprend « qu’on ne peut pas revenir en arrière », mais elle se raccroche au faible espoir qu’en ne cessant de prolonger ce voyage, le provisoire restera provisoire, et que leur quotidien ensemble se poursuivra comme avant. Mais est-ce réellement possible ? Quoi qu’il en soit, les trois ans d’absence de Yusuke seront progressivement comblés, et Mizuki goûtera à une plénitude jusque-là jamais ressentie. Leur passé commun, leur passé manquant et leur avenir commun seront évoqués, évalués et compris. Il me semble qu’à ce jour aucun film n’a encore jamais dépeint le fait d’être accompagné vers la mort de façon aussi vivante qu’à travers l’histoire d’amour de ce couple.

 

Kiyoshi KUROSAWA

LISTE ARTISTIQUE ET TECHNIQUE

Liste artistique

Mizuki : Eri Fukatsu
Yusuke : Tadanobu Asano
Mr Shimakage : Masao Komatsu
Tomoko : Yu Aoi
Mr Hoshitani : Akira Emoto

 

Liste technique

Production Japon : Amuse, Wowow, Showgate, Pony Canyon, Hakuhodo, Office Shirous
Production France : Comme des Cinemas
Scénario : Takashi Ujita et Kiyoshi Kurosawa,
D’après l’oeuvre Kishibe No Tabi de Kazumi Yumoto
Réalisé : par Kiyoshi Kurosawa
Image : Akiko Ashizawa
Lumière : Hidenori Nagata, Hiroshi Iimura
Son : Showa Matsumoto
Décors : Norifumi Ataka
Montage : Tsuyoshi Imai
Costumes : Kumiko Ogawa
Musique : Yoshihide Otomo, Naoko Eto
Avec la participation du CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE
Distribution France VERSION ORIGINALE / CONDOR

CE QU'EN DIT LA PRESSE

CAHIERS DU CINÉMA

Devant des scènes aussi stupéfiantes, il apparaît combien Kurosawa, toujours à la recherche de nouvelles voies, forge un art solitaire, à la fois poétique et théorique.

 

CRITIKAT.COM

« Vers l’autre rive » est un récit initiatique saisissant dans sa bouleversante étendue le mystère de la mort cohabitant avec la vie, et réciproquement le mystère même de celle-ci. Kurosawa livre un film cosmique où s’exprime un rapport au monde entier, autant abstrait que sensible.

 

L’EXPRESS

Ce mélo poétique évolue sur un fil ténu entre réalisme et surnaturel, avec cet art de faire surgir l’extraordinaire sans écraser l’ordinaire par une mise en scène subtile (…) Et l’infinie douceur de ce film hante longtemps après son ultime image.

 

LE MONDE

Figure de l’épouvante japonaise, Kyoshi Kurosawa livre un film magnifique sur l’idéalité du couple.

 

LE PARISIEN

Faire simple sur un sujet improbable, envelopper son propos de délicatesse, poser avec douceur la question du destin entre ces deux parenthèses qu’est l’existence : Kurosawa parvient à tout cela.

 

LIBÉRATION

Kiyoshi Kurosawa imagine un mélo sans excès et néanmoins déchirant dont le pouvoir de désordre et d’apaisement s’enracine dans la fiction du retour de celui qui ne peut pas, ne doit pas revenir.

 

TÉLÉRAMA

La logique des rêves est superbement restituée par cette alternance de moments suaves et de brusques accès de noirceur. (…) Si le film brille dans la zone frontalière entre la réalité et l’inconscient, il impressionne aussi par l’entre-deux qu’il suggère entre la vie et la mort.

 

CULTUROPOING.COM

Kiyoshi Kurosawa nous revient avec un très beau film, poétique et intimiste, qui renoue avec les meilleurs épisodes de « Shokuzai » et son chef-d’œuvre de 2008, « Tokyo Sonata ». Vivement conseillé.

 

LES INROCKUPTIBLES

Sous le regard de Kurosawa, les âmes bougent, changent de forme, mais personne, et surtout pas le metteur en scène, une voix-off ou un personnage ne vient nous expliquer, un sanglot dans la voix, ce qu’il y a à comprendre.

 

POSITIF

De l’ouverture à l’épilogue, il s’avère parfaitement prévisible dans le fond et la forme. Cependant, ce roulis de paquebot lui confère aussi un charme particulier. Les personnages prennent le temps d’exister et les sentiments de s’épanouir. (…) Goûter, toucher, voir, entendre le présent, toute la beauté d’ici-bas. Le cinéma sert aussi à ça.

 

PREMIÈRE

A mi-parcours, Kurosawa rebat les cartes, redoutant l’effet catalogue de son récit et linéarité du road-movie. La route devient alors sinueuse, l’émotion s’infiltre jusque dans les intrigues parallèles et le cinéaste japonais ménage des pauses à teneur métaphysique.