Sur le tournage, Tony Leung ne cesse de demander à Wong Kar Wai si Chow est bien le même personnage que celui de In the mood for love, et dans ce cas comment expliquer son brutal changement de conduite: d’amoureux chaste, le voilà transformé en Don Juan des salles de banquets hongkongaises… le cinéaste répond évasivement, disant sans doute que c’est lui mais pas tout à fait lui, une autre version plausible de M. Chow. Finalement, il accorde au comédien un indice assez cryptique, en tout cas ne répondant pas clairement à la question : s’il le souhaite, Tony Leung peut se laissait pousser une fine moustache, laquelle ferait de lui un irrésistible playboy, un peu fat mais si séduisant. Cela donne au moins les indications d’un changement. Et Wong Kar Wai lui jette dans les bras les plus belles actrices du cinéma de Hong Kong, peut-être la dernière cinématographie au monde où star-system et ultra glamour marchent main dans la main.Voici Gong Li en mystérieuse femme fatale, exacte homonyme du personnage interprété par Maggie Cheung dans In the mood for love.
C’est une joueuse de haut vol, qui offre à M. Chow un curieux marché lui permettant de quitter Singapour pour Hong Kong, alors qu’il est complètement ruiné. On notera que le personnage de Gong Li évoque le souvenir d’un amour disparu, qui pourrait bien être le personnage de Leslie Cheung dans Nos Années sauvages – une pièce de plus dans le puzzle… Voici Faye Wong, concentré de mignonnerie en flle du patron de l’Oriental Hôtel, amoureuse d’un Japonais dont elle essaye d’apprendre la langue ; et avec elle, M. Chow entame une relation platonique, comprenant une fois de plus la rédaction à quatre mains d’abracadabrants romans d’aventures, et cet amour-là est peut-être le plus touchant du film.
Voici Zhang Ziyi, d’une beauté époustouflante, en courtisane du Hong Kong des années 60, prostituée au grand cœur, et les scènes d’amour que lui réserve le cinéaste sont impressionnantes. Voici Carina Lau, brève occupante de la chambre 2046, jouxtant celle du héros. Un carrousel de séduction. Voici Maggie Cheung qui, dit-on, tourna beaucoup, et poireauta encore plus pour quasiment disparaître au montage.
Chaque actrice à ses qualités, explique Wong Kar wai. La force de Faye Wang est son langage corporel, qui est très riche. Vous pouvez lui donner l’action la plus simple pour exprimer ce qu›elle ressent, ce qui est bien mieux que vingt lignes de dialogue. C’est en bougeant qu’elle le fait le mieux. C’est pourquoi, lorsque je la présente dans le flm, la première scène commence par ses pieds. Lorsqu’elle porte des chaussures, non seulement vous ressentez la beauté des pieds, mais les chaussures deviennent vivantes à l’écran. Zhang Ziyi n’avait que vingt ans au début du tournage, c’est une comédienne très dynamique et très sensible. En fait, le rôle dans 2046 est extrêmement difficile pour elle parce qu’elle ne sait rien des danseuses de salon de Hong Kong à cette époque, alors j’ai dû lui donner des références.
J’ai dû lui montrer certains des films de la Shaw Brothers réalisés sur ces femmes, au moins pour lui donner une idée de leur comportement. Et j’ai demandé à William Chang, mon directeur artistique, de lui donner tous les costumes pour qu’elle puisse s’habiller et répéter toute seule, parce que ces costumes restreignent le corps et qu’il faut se comporter d’une certaine manière. » Ajoutons que dans sa version internationale, on suppose que ce n’est pas le cas à Hong Kong, chaque star parle dans sa langue, le mandarin répondant au cantonais, etc.