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JONE SOMETIMES

Fiction / Espagne

Bilbao, août. Jone, 20 ans, vit son premier amour alors que la maladie de Parkinson de son père s’aggrave, deux événements qui coïncident en pleine Semana Grande. Ces expériences marquent un été décisif, au cours duquel Jone prend conscience de son passage de l’adolescence à l’âge adulte.

Année

2025

RÉALISATION

Sara FANTOVA

SCENARIO

Núria DUNJÓ LÓPEZ, Nuria MARTÍN ESTEBAN, Sara FANTOVA BARRENA

AVEC

Olaia AGUAYO, Josean BENGOETXEA, Ainhoa ARTETXE

FICHE TECHNIQUE

1h30 - Couleur - Dolby Digital 5.1

DATE DE SORTIE

17 DÉCEMBRE 2025

ENTRETIEN AVEC SARA FANTOVA POUR LA PREMIÈRE FRANÇAISE

Réalisé par Eduardo Carretié, réalisateur, membre de l’équipe de programmation

 

Peux-tu me parler un peu de toi ?

 

Je suis née et j’ai vécu à Bilbao jusqu’à ce que je parte étudier le cinéma à Barcelone. J’y ai donc fait mes études de cinéma, puis je suis retournée à Bilbao pour y réaliser mon film, car je voulais raconter mon propre contexte, mon quartier.

 

Comment t’est venue l’idée de ce film ? 

 

Nuria Martín, Nuria Dunjo et moi — les trois scénaristes — avons commencé à réfléchir à un film dans le cadre d’un programme qui s’appelle Ópera Prima, proposé par notre école de cinéma, l’ESCAC, à Barcelone. Pendant les vacances de Noël, mon père m’a donné une idée : il m’a laissé lire ses journaux intimes de jeunesse.

 

J’ai commencé à les lire et je les ai envoyés à Nuria par WhatsApp. En découvrant ce que mon père écrivait quand il était jeune, une sorte de pont s’est créé, un lien qui nous a aidées à comprendre la relation entre les personnages que nous commencions à écrire : Jone et son père.

 

Ces journaux ont été conservés ?

 

Oui, ils apparaissent dans le film. Ils forment une sorte de couche supplémentaire qui nous permet de comprendre le passé de cette famille. Et puis, j’avais aussi très envie de filmer les fêtes de Bilbao. C’était un autre désir. Ces deux envies réunies ont commencé à former le projet du film.

 

Qu’est-ce que tu voulais raconter avec ce film ?

 

Avec Jone Sometimes, on voulait parler de la peur de perdre ces figures de référence qui ont toujours été là, comme nos parents. Et de comment, une fois adulte, on commence à ne plus les voir comme des êtres indestructibles. Tout cela se confronte au désir de vivre, de tomber amoureux. On voulait parler de cette angoisse de devenir adulte et du moment où nos parents cessent d’être nos piliers.

 

Comment as-tu pensé le personnage de Jone et comment as-tu rencontré Olaia ?

 

Je pense que cela s’est fait de manière très organique et intuitive entre Nuria, Nuria et moi, les trois autrices du film. Il y a beaucoup de nous en elle, mais ce n’est qu’une fois que nous avons rencontré Olaia que tout s’est complété. Elle a apporté énormément de choses. L’idée de la faire transiter dans la ville était une manière d’évoquer la transition entre le monde de la maison et celui de la rue.

 

Toutes les scènes à Bilbao entre les amis sont très réalistes, on a l’impression qu’il n’y a pas de caméra. Comment vous avez travaillé cet aspect là?

 

Bien qu’un scénario ait été écrit dès le départ, avec une intention narrative très claire, il m’a semblé essentiel de ne pas imposer aux actrices — qui, pour la plupart, n’avaient jamais joué auparavant. Nous avons donc inversé le processus traditionnel de répétition.

 

Le travail a commencé par des sessions d’improvisation, qui ne correspondaient pas aux scènes du film, mais qui avaient pour but de créer une dynamique de groupe et une aisance devant la caméra. Progressivement, ces improvisations se sont rapprochées de l’univers du film, jusqu’à intégrer des scènes susceptibles de faire partie du scénario. Sans jamais leur remettre le script en main, nous avons travaillé le contenu de manière subtile, orale, fluide. Le scénario s’est ainsi incarné peu à peu, presque inconsciemment, sans pression ni mécanisme de mémorisation rigide. Cette approche a permis de préserver un jeu naturel et une vraie spontanéité. Un autre élément fondamental de cette authenticité tient au choix d’une équipe de tournage volontairement réduite — seulement douze personnes.

 

Cette légèreté logistique facilitait les déplacements, rendait les tournages discrets, et permettait aux actrices d’évoluer en toute confiance, sans se sentir observées ni intimidées.

 

Comment avez-vous organisé la temporalité du tournage ? Était-il en temps réel ? Et comment avez-vous fabriqué le film ?

 

Le film a été structuré en deux blocs de tournage bien distincts. Le premier était entièrement consacré aux scènes festives : les célébrations populaires, les moments entre amies et la relation entre Jone et Olga. Le second bloc, séparé dans le temps et dans l’énergie, se concentrait sur un univers plus intime et introspectif : la maison, la famille et la maladie du père.

 

Pour les séquences festives, nous avons choisi de tourner pendant les véritables fêtes de Bilbao, qui durent dix jours. Chaque jour, nous capturions un fragment de cette effervescence, sans pour autant tourner en continu : le tournage était précisément organisé, souvent concentré sur un moment clé de la journée.

 

Nous avons travaillé en collaboration étroite avec deux collectifs locaux qui participent activement à l’organisation des festivités. Ces partenaires ont été essentiels : tout au long de l’année, nous avons construit avec eux une relation de confiance, afin d’intégrer notre tournage dans l’esprit et le respect de la fête.

 

Malgré une certaine part de chaos inhérente à l’événement, l’expérience fut à la fois joyeuse, vivante et étonnamment fluide.

 

Ce contexte réel nous a offert des décors authentiques et une énergie impossible à recréer artificiellement. Nous avons su capter l’essence de l’instant pour l’intégrer à notre récit, faisant cohabiter la réalité de la rue et la narration du film avec grande justesse. La temporalité du récit respecte cette immersion : l’histoire se déroule sur une dizaine de jours, en écho à la Semana Grande, ce qui ancre la fiction dans une durée crédible, rythmée par les rituels et l’intensité de la vie collective.

Comment est né le titre du film ?

 

Le mot « Batzuetan », signifiant “parfois” en basque, existait déjà avant ce projet. Il devait initialement accompagner un autre film qui n’a jamais vu le jour, mais il est resté comme une idée persistante. Lorsque nous avons commencé à écrire « Jone Sometimes », le titre s’est imposé naturellement. « Sometimes » illustre parfaitement l’état de transition de Jone, notre protagoniste, oscillant entre différents mondes — famille, fêtes, responsabilités, amitiés — sans savoir où elle se situe ni qui elle devient. Ce flottement identitaire, propre à l’âge adulte, est au cœur du film.

 

La mémoire est centrale dans le film, notamment à travers le lien entre Jone et son père. Quelles inspirations ont guidé votre écriture de cette relation ?

 

L’idée de ce film est née de la lecture des journaux de mon père, ce qui m’a permis d’explorer des thèmes profonds tels que le passage du temps et l’inversion des rôles entre parents et enfants. Alors que son père est atteint de Parkinson, Jone découvre des fragments de son passé, tissant un lien fragile mais essentiel entre eux.

 

À travers des temporalités entrelacées, je souhaite illustrer comment une relation peut se reconstruire, nourrie par les silences et les souvenirs. Ce film est une invitation à un voyage émotionnel, une exploration poignante de la mémoire et de l’identité qui, je l’espère, touchera profondément chaque spectateur.

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Née en 1993 à Bilbao, Sara Fantova a étudié à l’ESCAC, où elle a obtenu son diplôme en 2018 avec le court métrage No me despertéis, sélectionné au Festival de Rotterdam. Elle a coécrit et coréalisé La filla d’algú, un long métrage collaboratif encadré par Sergi Pérez, récompensé par le prix Movistar+ au Festival de Málaga. En 2023, elle a coréalisé la série Esto no es Suecia. Jone Sometimes est son premier film, salué à Malaga par une mention spéciale du jury.