ORIGINE DU PROJET
En 2006, lors d’une installation vidéo à Budapest, Magic & Loss, l’artiste suédoise Johanna Billing présentait une vidéo de 15 minutes montée en boucle montrant un groupe de jeunes à Amsterdam qui entrent dans un appartement et font leurs cartons. Ils ne se disent pas un mot, et on ne sait pas à qui appartient l’appartement ni ce qu’ils ont à faire là. Il n’y avait aucun cadre narratif pour cette activité, et pourtant l’atmosphère était très forte. Je me suis dit que ce serait intéressant de faire un film comme ça. Un film narratif, mais pas trop, dont l’essence serait le fait de déménager et d’emballer ses affaires. À la différence de mon précédent film, ANNA, UN JOUR, qui se déroulait sur une journée entière, KLÁRA DÉMÉNAGE se passe seulement sur quelques heures, et la perspective n’est pas celle de la femme au centre des événements. C’est une perspective externe, celle d’une observatrice. Klára et Áron divorcent, mais nous voyons leur séparation du point de vue de l’amie, Ági, qui vient aider
NARRATION
Il y avait plusieurs enjeux à surmonter. Tout d’abord, la répétitivité, comment construire un film sur une structure répétitive sans que cela devienne ennuyeux. Aussi notre personnage principal est une observatrice, dont la position est extérieure aux événements principaux. La question était de savoir dans quelle mesure elle devait être ellemême un personnage. Ne suffit-il pas qu’elle reste simplement un œil, un regard, tout au long du film ? Pour la fin, nous avons filmé la scène lors d’une véritable manifestation. Je souhaitais que la fin soit compliquée tout en restant subtile. Mais nous n’avons pas pu toute la tourner dans la manifestation, et si cela avait été le cas, le film aurait été différent.
INSPIRATIONS
Ce film parle d’une situation où quelque chose d’important est décidé, mais cette situation est remplie de contingences effrayantes. Et chacun dit ce qu’il pense, alors qu’il leur semble impossible de comprendre pourquoi deux personnes se séparent, alors qu’elles s’aiment malgré tout. Sans un point de vue clair, je ne peux pas commencer à raconter une série d’événements, dire que ceci ou cela s’est produit. Je peux seulement dire que les choses semblent ainsi, du point de vue d’un personnage. Les choses sont comme ça, parce qu’elles arrivent à ce moment-là. Et ce que le personnage voit fait écho à la situation de sa propre vie.
CIRCONSTANCES FORTUITES
Ce n’est peut-être pas sans lien avec le thème du film, mais lors du tournage, j’ai vraiment pu constater à quel point les circonstances fortuites jouent un rôle fondamental dans une scène. Des petites choses auxquelles je n’avais pas pensé auparavant, que je n’avais même pas perçues, auxquelles je n’avais pas attaché la moindre importance, déterminent soudain ce qui se passe vraiment dans une situation. Par exemple, selon où quelqu’un s’arrête dans l’escalier, la signification peut être clairement différente. Si c’est en haut, ça peut donner une indication sur un personnage, mais quelques marches plus bas, l’information donnée sera peutêtre tout autre. Un tel degré d’influence des soidisant «circonstances» sur une situation est parfois impressionnant.