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ANNA

Fiction / France, Italie

Anna, trentenaire solitaire, élève ses chèvres dans une partie sauvage et préservée de la Sardaigne. Mais son exploitation est menacée le jour où un vaste projet de complexe touristique commence à s’installer sur ses terres. Malgré la pression du reste du village, très favorable à ce développement économique, Anna va se battre pour sauver tout ce qui lui reste.

Année

2024

RÉALISATION

Marco AMENTA

SCENARIO

Anna MITTONE, Niccolo STAZZI, Marco AMENTA, Tania PEDRONI

AVEC

Rose ASTE, Daniele MONACHELLA, Marco ZUCCA

FICHE TECHNIQUE

1h58 - Couleur - Dolby Digital 5.1

DATE DE SORTIE

5 MARS 2025

HORAIRES DU 12 AU 18 MARS 2025

TOUS LES JOURS (sauf VEN. 14): 17h50

MER. 12 • DIM. 16 : 13h55

JEU. 13 • SAM. 15 • MAR. 18 : 14h05

VEN. 14 : 13h50, 20h00

DIM. 16 : 21h50

LUN. 17 : 12h00

CINÉ-DÉBAT | VENDREDI 14 MARS À 20H

Vendredi 14 mars à 20h00
Échange avec Rose Aste, actrice principale du film

BIOGRAPHIE DU RÉALISATEUR

Marco Amenta est né en 1970 à Palerme, en Sicile. Après des études à l’Université Paris 8, il devient photo-reporter et couvre notamment la guerre de Bosnie pour Libération, L’Express, Paris Match ou VSD. Il passe ensuite à la réalisation de films documentaires engagés sur la mafia. Il réalise sa première fiction en 2007 avec La Sicilienne. Le film met en scène une jeune adolescente de 17 ans, Rita, qui tente de briser le silence sur le meurtre de son père tué par la mafia. Marco reçoit alors des menaces et doit faire face à plusieurs procès d’intimidation. Son travail obstiné sur l’omerta liée à la mafia connaît une reconnaissance locale, la ville de Palerme lui décerne «  la Médaille de la valeur Civile  » mais également internationale et il reçoit de nombreux prix à travers le monde. Il continue à réaliser des documentaires jusqu’en 2020. En 2023, Marco tourne son troisième long-métrage de fiction Anna, qui raconte le combat d’une agricultrice pour sauver ses terres, menacées par la construction d’un complexe hôtelier.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

« Anna » s’inspire d’un fait divers. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’en faire un film ? 

 

«  Anna  » se trame en réalité à partir de deux histoires. D’une part, celle d’un vieux fermier sarde qui a traîné en justice un groupe immobilier qui tentait de voler ses terres. Et d’autre part, il y a quelques années, pour un documentaire j’avais rencontré Roberta, une éleveuse de chèvres au nord de Rome. Elle luttait dans d’énormes difficultés économiques, dans un environnement très machiste. Roberta avait du mal à s’en sortir, mais elle se battait, et j’avais trouvé son approche de la terre et des animaux très différente de celle des hommes paysans, presque maternelle. Anna s’inspire beaucoup de Roberta. Par exemple, quand elle est en train de tout perdre, elle refuse de conduire les chèvres à l’abattoir, ce que n’importe quel autre fermier ferait. 

 

Vous dites «  une approche maternelle  » au sens d’anticapitaliste ? 

 

Oui, son rapport à la nature n’est pas utilitariste. Il est respectueux de la terre et des animaux. C’est un rapport viscéral, qui va parfois jusqu’au transfert psychologique. Ainsi, quand elle est attaquée, quand sa terre est violée, elle ressent l’agression jusque dans son corps. Anna a subi des violences dans le passé, et à l’époque elle n’a pas pu les dénoncer, alors elle a pris la fuite. Mais cette deuxième agression ne se passe pas de la même façon, cette fois, elle fait front. Et elle dit « non ».

 

Anna incarne aussi une culture paysanne ancestrale, où un olivier, un simple arbre, peut s’inscrire dans une histoire familiale au même titre qu’un être humain. Je pense à ce plan sur les chevreaux qui viennent de naître. On sent son regard, presque animiste, sur les animaux. 

 

Absolument. Elle n’a pas pu sauver son enfant, mais elle sauvera les chevreaux et elle sauvera les arbres coûte que coûte. C’est ce que j’entends par «  rapport maternel ». 

 

Anna a subi un traumatisme auquel renvoie la mise en scène. Au début du film, son corps est presque systématiquement morcelé. 

 

Anna est revenue sur ses terres comme un animal blessé. C’est le portrait d’une femme qui se réapproprie son corps en luttant pour garder sa terre. La bataille juridique qu’elle mène n’est pas une bataille idéologique à la Greta Thunberg, mais une lutte presque viscérale, de l’ordre de la réparation. Anna n’est pas une intellectuelle. Le film retrace avant tout un parcours personnel, très intime, même s’il s’inscrit aussi dans des valeurs que nous percevons comme écologiques. 

 

Quel est votre rapport à cette culture paysanne ? 

 

À Palerme, après une projection, quelqu’un de ma famille m’a rappelé des choses que j’avais presque oubliées. Enfant, je passais l’été à la campagne, dans un petit village de Sicile, chez mon grand-père. Donc j’ai dû développer un rapport à la terre et aux animaux dont il doit rester des traces… Mais plus consciemment, Rose et moi nous sommes longuement préparés au tournage. Pendant deux mois, nous avons vécu dans cette ferme. Nous allions nourrir les chèvres chaque matin à six heures, afin qu’elles s’habituent à nous. Avec le chef opérateur Giovanni Lorusso, nous avons aussi eu un long travail préparatoire, notamment sur le cadrage. Mais quand on vient comme moi du documentaire, les choix instinctifs prennent parfois le dessus et bouleversent tous les plans. 

 

Entre autres, vous faites peu de champs contrechamps. 

 

Oui, la mise en scène épouse souvent le regard d’Anna, le rythme de son corps, de sa respiration, de son angoisse. Les mouvements de caméra sont nerveux, instables, à son image. J’ai voulu une photo brute, non édulcorée, âpre comme la terre de Sardaigne, et comme la personnalité d’Anna. Je crois que rien n’est lisse dans le film. En ce qui concerne les chèvres, ce sont des animaux particulièrement indociles ! La mise en scène a dû s’adapter à elles, avec une démarche presque néoréaliste. L’aspect documentaire du film provient aussi de notre longue immersion. 

 

Comment avez-vous rencontré Rose Aste ? 

 

Je cherchais une actrice qui parle le dialecte sarde. Le casting a été très long. J’avais rencontré des actrices intéressantes, mais Rose incarne toutes les facettes d’Anna, son côté paysan, rugueux, brut, mais aussi une forme de douceur et de sensualité. Elle n’obéit pas aux stéréotypes de la paysanne. Au casting, je commence toujours par les scènes les plus compliquées. Et j’ai vu qu’elle pouvait parfaitement incarner le personnage. Nous avons fait beaucoup de répétitions pour conserver sa spontanéité, et que la caméra soit au service de son jeu d’actrice. Nous avons eu la chance de disposer de beaucoup de temps de préparation. La ferme était notre studio ! [rires] Giovanni, Rose, les chèvres et moi avons créé cette complicité, et au moment du tournage, nous étions déjà chez nous !

 

C’est un vrai défi de filmer un personnage si fermé… 

 

Le défi était aussi de ne pas la figer dans un statut de victime. La scène de sexe qui ouvre le film est là pour casser ce stéréotype, et le public sarde y a été sensible. Anna a subi la violence, mais c’est une femme puissante, qui peut avoir des aventures sexuelles, se déchaîner dans une boîte de nuit, etc. Ces contradictions font partie de la vie et particulièrement de la sienne. 

 

Comment est né le personnage de l’avocat Caredda, joué par Marco Zucca ? 

 

La plupart des acteurs du film viennent du théâtre. Ce sont des acteurs sardes, qui parlent le dialecte, ce qui était indispensable. Marco avait déjà joué dans un film, et pour moi il incarne une forme de masculinité différente, a contrario de celle de l’homme alpha, qui met en avant la force, la violence, l’arrogance, etc. Cet homme-là est différent de tous les hommes qui entourent Anna et qu’elle a rencontré jusque-là et c’est ce qui va la faire vaciller. 

 

«  Anna  » est un film de peu de dialogues. Dès les premières séquences, vous travaillez le genre du survival, ce sentiment de menace sourde, dès l’incursion nocturne du sanglier. 

 

C’est vrai et pourtant nous avons beaucoup travaillé sur le son ! Il y a très peu de musique, à part celle, diégétique, de la discothèque. J’espère que l’environnement sonore contribue à plonger le spectateur dans le monde d’Anna  : d’abord, le silence réparateur, puis l’invasion de ces monstres mécaniques qui détruisent son équilibre. 

 

Peut-on parler de l’autre personnage essentiel du film, la Sardaigne ? 

 

Les Sardes ont un orgueil, un sens de l’honneur encore très fort. L’histoire dont s’inspire le film se passe en Sardaigne, et je ne sais pas si elle aurait pu avoir lieu ailleurs. C’est un littoral encore très sauvage. Les côtes ont été protégées comme nulle part ailleurs en Italie, ni même en Europe. 

 

Le premier signal de l’invasion est cette statue immense de la Vierge qui passe en hélicoptère sur la ferme d’Anna, comme un ange fellinien… 

 

Ah la Vierge ! C’est l’hypocrisie récurrente de beaucoup de criminels qui se donnent une façade religieuse, comme les mafieux siciliens qui se disent catholiques et pratiquants. 

 

On ne sait pas exactement à quelle époque se déroule le film, mais est-ce important ? 

 

Malheureusement c’est intemporel, des promoteurs immobiliers continuent à opérer illégalement. L’histoire dont je m’inspire s’est déroulée exactement comme dans le film, avec la complicité de l’administration et du gouvernement. La menace n’est pas finie, des groupes hôteliers tenteront encore de bétoniser la côte et des habitants devront encore se battre… mais jusqu’à quand ?

CE QU'EN DIT LA PRESSE

LA TRIBUNE DU DIMANCHE

Le cinéaste parvient avec habileté à faire aimer ce caractère rugueux, jamais aimable ou presque, et c’est la plus grande réussite de ce film porté par Rose Aste

 

LIBÉRATION

Marco Amenta, après la lutte contre Cosa Nostra en Sicile (la Sicilienne, 2009), choisit le rivage de Sardaigne comme paysage d’un nouveau combat contre une mafia apparentée, l’immobilière. Il signe un western méditerranéen et féminin, au beau personnage de pasionaria […].

 

TÉLÉRAMA

Un film fort, porté par une actrice impressionnante.

 

FRANCEINFO CULTURE

Dans ce film à tiroirs, le cinéaste italien venu du documentaire Marco Amenta filme Anna, interprétée par la comédienne Rose Aste, au plus près du corps. L’actrice est sur tous les plans, bouleversante d’authenticité.

 

LES FICHES DU CINÉMA

Portrait de femme puissant mais parfois simpliste, le film est aussi la découverte d’un territoire à l’identité forte.