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« C’est quoi ce pays d’assistés ? De feignasses ? » Sur le plateau des Grandes Gueules, l’avocate parisienne Sarah Saldmann s’emporte: « Le Smic, c’est déjà pas mal. » D’où l’invitation du député François Ruffin : « Je vous demande d’essayer de vivre, madame Saldmann, pendant trois mois, avec 1 300 €. – Admettons, mais une semaine, ça sera déjà pas mal. » Alors : peut-on réinsérer les riches ?
Une comédie documentaire, avec des rires et des larmes, qui met à l’honneur ceux qui tiennent le pays debout.
2024
Gilles PERRET et François RUFFIN
Gilles PERRET et François RUFFIN
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1h24 – Couleur – Dolby Digital 5.1
6 Novembre 2024
C’est votre troisième film ensemble, après J’VEUX DU SOLEIL sur les Gilets jaunes et DEBOUT LES FEMMES… Comment est né celui-là ? Tout commence par la rencontre avec Sarah Saldmann (avocate et chroniqueuse) sur le plateau des Grandes Gueules, c’est ça ?
François : Disons qu’on cherchait. Je voulais faire un film. J’en avais besoin, pour respirer, hors de la politique, loin de ce foutoir. On cherchait, depuis des mois, mais ça ne venait pas.
Gilles : On avait l’idée, en gros, d’un road-movie, Notre France, sur celles et ceux qui tiennent le pays debout, les soignants et les enseignants, les caristes et les aides à domicile, qu’on suivrait au boulot, racontant leur fierté, leurs difficultés. Mais ça restait encore très flou.
François : Surtout, ça manquait d’un récit et d’un peu de folie : franchement, Ruffin et Perret qui font un documentaire sur les ouvriers, les ouvrières, c’est tellement attendu ! « Fins de carrière », « bas salaires », « emplois précaires »… Avant d’entrer dans la salle, le spectateur a l’impression d’avoir déjà vu le film !
Gilles : Et on se heurtait aussi à un obstacle : filmer le travail, c’est compliqué, c’est presque interdit. Les entreprises sont fermées aux micros, aux caméras. Aujourd’hui, c’est plus facile et moins tabou, de montrer de la pornographie François : Alors, quand je tombe face à Sarah Saldmann, une avocate parisienne, ultra-libérale, zéro pitié pour les gens, je me dis : y a un truc ! Ça se passe dans les Grandes Gueules, sur RMC…
François : Oui, je lui décris la vie d’une pompiste, Cindy, qui a « Total » inscrit sur sa veste, « Total » sur le drapeau devant la station, « Total » partout, sauf sur son bulletin de paie, parce qu’elle est embauchée par un franchisé : 1 300 € par mois, sans prime ni rien. Et elle galère avec ça, elle jongle avec un autre boulot, enchaîne avec un CDD pendant l’été… Saldmann me lance : « Elle ne va pas se plaindre ! 1 300 €, c’est déjà pas mal ! » Je lui réplique : « Eh bien, allez vivre juste trois mois avec le Smic, vous loger, vous chauffer, vous nourrir… – Ah non, une semaine ça sera déjà pas mal ! » Et je la prends au mot…
Elle a été d’accord immédiatement à la sortie du plateau ?
François : Non, elle s’est ravisée, elle se méfiait. Et puis, je lui ai présenté les avantages : ça la sortirait de son personnage de snob. Mais elle n’a pas été la plus difficile à convaincre…
Ah bon ? C’était qui ?
Gilles : Moi ! Franchement, faire un film sur cette bourgeoise, méprisante, arrogante, qui achète un collier Lagerfeld à son chien, qui traite les Français de « feignasses », de « bons à rien », ça me paraissait au-dessus de mes forces. Et je n’étais pas le seul : Clothilde, notre productrice des 400 clous, renâclait aussi. Mais François s’est montré persuasif…
François : J’y croyais. Pour moi, c’était le déclic qui nous manquait. Il ne s’agissait pas du tout d’un film sur elle, mais elle allait servir de prétexte pour rencontrer nos vrais héros, nos héroïnes : Amine, le livreur de colis, Louisa, auxiliaire de vie, Ked, à la découpe de poissons Elie, agriculteur dans le Morvan… Ça mettrait du mordant : évidemment, entre Sarah la riche et eux, ça produirait un décalage, de l’humour.
Gilles : Et je dois avouer que très vite, ce dispositif a fonctionné ! Une chose, notamment, m’a plu : le film donnait un droit de réponse aux gens. Elle insultait les employés à la télé, sur les retraites, sur les arrêts-maladie, « tire au flanc », et ils lui répondaient, en vrai, sur le terrain. On a tous rêvé de ça, je crois : de prendre les ministres, les éditorialistes, et de les envoyer en stage dans un Ehpad ou dans une déchetterie… « Alors, t’es d’accord pour l’augmenter, le Smic maintenant ? Et quarante années de cotisation, ça te suffit ? Tu crois que tes genoux vont tenir ? »
François : Ou comme un carnaval : le monde qui se renverse, le temps d’un film.
Au-delà de la drôlerie de certaines situations, parfois, le courant passe, on a l’impression d’assister à de véritables rencontres, avec des débordements d’émotion. On garde plein de visages en mémoire. Comme si, à travers ces portraits, un portrait de la France se dessinait.
François : Oui, c’est notre France en entier ! Des quartiers et des clochers ! On la rassemble, et les gens s’aiment !
Pensez-vous avoir réalisé un feel-good movie ?
Gilles : Je crois surtout que François et moi, on aime les gens. C’est un parti pris : on choisit de les aimer, de les faire briller, de chercher de la beauté en eux. Notre caméra filme à hauteur d’hommes, et de femmes bien sûr, très proches d’eux, on les touche presque, pour qu’ils nous touchent, et souvent les spectateurs sont touchés à leur tour. C’est aussi pour cette raison qu’on filme juste à deux, c’est très léger, enfin à trois, là, avec Sarah…
Au fur et à mesure du film, on l’oublie presque…
François : Oui, c’était le but, qu’on finisse par ne plus la voir. On savait que la force des rencontres et des témoignages l’effacerait naturellement pour laisser la place aux gens, nos vrais héros.
Mais est-ce que ces expériences l’ont changée ?
François : Sur le travail, oui, très vite, une journée à la poissonnerie, et c’était fini : elle devenait favorable à la retraite à cinquante ans ! Mais elle a trouvé un subterfuge : « Vous, les salariés, maintenant j’ai compris, je vous respecte, mais il y a les assistés… » Donc, il a fallu déminer ça.
Et vous y êtes arrivés ?
Gilles : (rires) Elle revient quand même très vite, et avec un grand soulagement, dans son monde !
François : Oui, pourtant, ça répondait à un de mes fantasmes : réinsérer les riches. Déjà, dans MERCI PATRON !, j’espérais réinsérer Bernard Arnault, qu’il aille manger une merguez avec les Klur à la friterie “Chez Jojo“. Là, Sarah le fait, elle traverse une barrière, elle entre dans une France populaire, et on voit qu’elle en éprouve une joie…
Et pourtant, vous allez vous fâcher définitivement ?
Gilles : Au début du tournage, Sarah Saldmann est sur RMC, et c’est la libérale contre les prolos, une affaire de classe. Mais durant l’année, elle passe chroniqueuse sur C-News, chez Bolloré, et elle bascule sur une position très droitière, contre les quartiers, les immigrés, etc. On a quitté une « gentille » Sarah à la fin du tournage, on allume la télé, et on retrouve Crella !
François : Il y a aussi la déchirure du 7 octobre et le massacre à Gaza. Pour moi, une vie vaut une vie, les larmes d’une mère israélienne valent les larmes d’une mère palestinienne. Mais elle n’a pas un mot de compassion, juste un mot, pour les enfants qui se font tuer à Gaza. Elle soutient sans réserve la guerre menée par Tsahal. Or, nous faisons, avec elle, un film humaniste. On ne peut pas être humaniste ici et ne pas l’être là-bas.
Gilles : Mais le sujet, ce n’est pas Sarah. Le sujet, c’est les gens. C’est pour eux qu’on a fait ce film.
François : Comme le chante Stromae, notre film est là pour « célébrer ceux qui ne célèbrent pas. Pour une fois, j’aimerais lever mon verre à ceux qui n’en ont pas… À ceux qui n’en ont pas. »
Gilles Perret
Gilles Perret est né en juin 1968 en Haute-Savoie où il vit toujours. Fils d’ouvrier, il a fait des études d’ingénieur. Il a travaillé dans les usines de la vallée de l’Arve en Haute-Savoie en début de carrière avant de se tourner un peu par hasard, puis par conviction, vers l’audiovisuel et le cinéma. Réalisateur de nombreux films documentaires, la plupart à caractère social et humaniste, il met en avant les gens de peu. L’Histoire sociale est au cœur d’une partie de son œuvre avec des films qui génèrent encore et toujours de nombreux débats en salles.
François Ruffin
François Ruffin, député-reporter de la Somme, réalisateur césarisé de MERCI PATRON ! Il a co-réalisé avec Gilles Perret les documentaires J’VEUX DU SOLEIL et DEBOUT LES FEMMES !
CULTUROPOING.COM
Comme toujours dans les films de Ruffin et Perret, […] il se dégage de ces portraits d’anonymes, une tendresse sincère et un refus de tout misérabilisme.
L’HUMANITÉ
Un road movie documentaire drôle et attachant.
LE JOURNAL DU DIMANCHE
Ruffin et Gilles Perret ont l’intelligence de ne pas se complaire dans ce vis ma vie de travailleur aux fins de mois difficiles : les vraies stars de leur film militant, comme le souligne la scène finale, sont ces héros ordinaires auxquels ils donnent la parole et une visibilité.
LE PARISIEN
Mais ce n’est pas sur Sarah Saldmann que le député veut braquer son projecteur. Alors après ce « Rendez-vous en terre inconnue » souvent drôle et éclairant, il achève son film avec ses vrais héros dans une séquence très émouvante sur fond de tapis rouge, coupes de champagne et les paroles de Stromae : « Et si on célébrait ceux qui ne célèbrent pas ».
LES FICHES DU CINÉMA
Derrière un tourisme social malicieux se cache un respectueux portrait de la France invisible.
OUEST FRANCE
Un road-movie social à la fois drôle et poignant.
TÉLÉRAMA
Un documentaire bricolé mais salutaire.
BANDE À PART
La présence brute de ces femmes et de ces hommes, la force de leurs témoignages suffiraient à faire pleurer une pierre et donner envie de renverser l’ordre établi.
CRITIKAT.COM
Plus malin qu’il n’y paraît, Au boulot ! accueille dans son dernier tiers un revirement salutaire.