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D'ABDUL À LEILA

Documentaire / Allemagne, Belgique

Après une amnésie causée par un accident, Leila, jeune artiste française d’origine irakienne, reconstruit son histoire en se rapprochant de sa famille et en plongeant dans ses racines. Elle apprend l’arabe, interprète les poèmes de son père irakien exilé, s’immerge dans l’histoire de la guerre du golfe en Irak. L’odyssée d’une femme qui chante son histoire pour se réinventer, habitée par un irrépressible désir de vivre.

Année

2024

RÉALISATION

Leila ALBAYATY

SCENARIO

Leila ALBAYATY, Zoé NUTCHEY, David DEBOUDT

AVEC

Leila ALBAYATY, Abdul AL BAYATY, Simone AL BAYATY, Dalia NAOUS

FICHE TECHNIQUE

1h32 - Couleur - Dolby Digital 5.1

DATE DE SORTIE

11 JUIN 2025

AVANT-PREMIÈRE | LUNDI 9 JUIN À 20H15

Avant-première suivie d’un débat en présence de Leila Albayaty, réalisatrice du film et du journaliste Tewfik Hakem.

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Leila Albayaty, réalisatrice et musicienne autodidacte, née de mère française et de père irakien, partage sa vie entre Bruxelles, Berlin, Paris et Le Caire. Après des études d’architecture, elle réalise son premier court-métrage, Vu (2009), récompensé d’une Mention Spéciale du Jury à la Berlinale, puis Berlin Telegram (2012), un long-métrage, docu-fiction, qu’elle présente dans une vingtaine de festivals et remporte le Prix TV5 du Meilleur Film Francophone à Genève ainsi que le Prix de la Meilleure Photographie à Achtung Berlin. En 2015, elle poursuit avec Face B, un docu-fiction de 40 minutes présenté à la Berlinale. 

 

En 2024, elle signe son premier documentaire, D’Abdul à Leila, et reçoit de nombreuses distinctions dont le Grand Prix du Jury au Festival du Film Méditerranéen de Tétouan (Maroc), le Prix du Meilleur Documentaire au Festival du Film Arabe de Rotterdam (Pays-Bas) et au Festival du Film d’Aarhus (Danemark), le Netpac Award du Meilleur Film Asiatique (Irak) au Festival du Film d’El Gouna (Égypte), ainsi que le Prix du Jury au Festival Cinéalma (Nice). Leila Albayaty poursuit son exploration des liens entre mémoire, musique et exil avec de nouveaux projets de films et de musiques.. En parallèle de sa carrière cinématographique, elle apprend l’arabe et intègre cette langue dans ses compositions musicales, développant son univers artistique très personnel.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Quelles sont les raisons qui t’ont poussée à réaliser ce documentaire si émouvant ? 

 

J’ai grandi avec l’idée que l’Irak était le pays où nous retournerions vivre un jour avec ma famille. Mon père nous parlait de sa jeunesse, de ses aventures, de son amour pour sa famille, de ses souvenirs du cinéma de Bagdad où il allait avec ses amis, et de tout ce qui le liait à son pays. Puis la guerre est arrivée, la maison était devenue l’exutoire de tout ce qui se passait en Irak, c’était très lourd car je voulais vivre comme les autres adolescents et cela générait beaucoup de conflits entre nous. En grandissant en France, j’étais constamment décalée : entendre parler des guerres successives en Irak à la maison, des ravages de l’embargo américain, des milliers de morts et millions de déplacés, des enfants touchés… tout cela faisait partie de mon quotidien. L’Irak était devenu un pays de larmes et de conflits et il était impossible d’y revenir. Mais j’ai décidé d’y aller car je voulais comprendre d’où je venais. A mon retour, j’ai été victime d’un accident à Bordeaux qui m’a fait perdre une partie de ma mémoire, je n’arrivais plus à me souvenir de mes amis, tout semblait effacé… Je me suis éloignée de ma famille et j’ai quitté la France. J’ai décidé de me reconstruire à travers la musique et le cinéma en m’éloignant de mon histoire. Des années plus tard, mon père m’a appelée pour m’annoncer qu’il avait écrit des textes en arabe pour mes chansons. J’ai ressenti l’urgence de me rapprocher de lui et cela a été le point de départ de ce film. 

 

Comment as-tu trouvé l’équilibre dans la place donnée à tes parents dans le film ?

 

Au départ, ma mère ne souhaitait pas être filmée. Par contre, mon père était passionné à l’idée de parler de ses poèmes, de sa culture, de son passé et de montrer son jardin où il avait planté un palmier comme à Bagdad. Au fur et à mesure, les conflits renaissaient, et je comprenais qu’il fallait que je puise dans leur histoire et leurs contradictions. Au fil du tournage, ils ont fini par s’impliquer mutuellement en proposant eux-mêmes des sujets qui leur semblaient essentiels à aborder. Avec ce qui se passait dans le monde arabe et en France, ils ressentaient le besoin de porter un message de paix, de montrer comment deux cultures peuvent s’enrichir mutuellement. Nos échanges dépassaient notre intimité pour toucher à quelque chose de plus universel. 

 

Le chant écrit par ton père, Ana Hura, Ana Thowra, Ana Jamra (Je suis libre, je suis une révolution, je suis une flamme), portait-il une intention manifeste ? 

 

Mon père les a écrites en imaginant une femme arabe maîtresse de son destin, brisant les chaînes des traditions et des oppressions. Il passait un message de liberté, de démocratie, de justice et d’exil à travers ces chansons. L’une des phrases, Albi mir Tarek, min ben As Habel («Mon cœur te choisit parmi des amis»), résonne comme un message d’émancipation pour la femme arabe. Il y avait dans ses mots un souffle de révolte, un appel à la liberté dans le monde arabe. En voulant chanter ses textes, j’ai réalisé que leur prononciation n’était pas évidente. Cela m’a poussée à apprendre l’alphabet arabe, à lire, à écrire, à m’imprégner de la langue à travers la musique. Peu à peu, les mélodies m’ont habitée, et j’ai commencé à écrire mes propres chansons. Cet apprentissage a tout changé. Mon père m’a accompagnée dans ce processus, et à Berlin, des réfugiés m’ont aussi aidée. C’était une reconnexion profonde avec une culture qui était en moi sans que je puisse pleinement l’exprimer auparavant. Cette immersion m’a tellement marquée que j’ai décidé d’écrire la voix off du film en m’inspirant de la musique arabe, que j’étais en train d’apprendre. 

 

Le titre suggère un mouvement de ton père vers toi, mais est-ce aussi un mouvement de toi envers lui ? 

 

C’est un film de réconciliation, mais ce chemin n’a pas été linéaire. La relation avec mon père a toujours été complexe, pleine d’amour et de conflits. Il m’avait transmis son histoire, mais surtout son traumatisme : la guerre, l’exil, la perte. J’ai longtemps tenté de m’éloigner de tout ça, de ne pas porter ce fardeau. Mais en vérité, j’étais prise dans un exil intérieur qui m’éloignait de lui, de ma mère, de la France… L’histoire de mon père est aussi celle d’un pays, l’Irak, ravagé par des décennies de conflits, d’ingérences et de violences. Un pays dont on parle souvent à travers des chiffres, des guerres et des destructions, mais rarement à travers les voix de ceux qui l’ont vécu, de ceux qui l’ont perdu. En découvrant ses textes révolutionnaires en arabe, quelque chose a changé. Je me suis mise à vouloir les chanter, et cela a ouvert un dialogue entre nous. Un homme de 80 ans, qui avait fui les persécutions, m’écrivait ces paroles d’émancipation, de lutte, de liberté. C’était à l’opposé des clichés sur les hommes arabes et leur rapport aux femmes. L’écouter parler, le confronter, lui montrer que je pouvais raconter son histoire mais aussi la mienne, c’était une manière de m’approprier ce passé et de lui donner une autre voix. Mon père, à travers ses paroles, m’a offert une manière de m’exprimer que je n’aurais jamais imaginée. Ce film m’a permis de renouer avec lui, avec mes origines, avec une mémoire que j’avais longtemps tenue à distance. En chantant ses mots, je me les suis appropriés. Ils n’étaient plus seulement les siens, mais aussi les miens. Et peut-être que, pour la première fois, nous nous sommes vraiment compris. Aujourd’hui, mon père est très fier de ce film. Il m’a confié que c’était le plus beau cadeau qu’on lui ait fait. 

 

Dans ce film, tu dis : “J’ai toujours préféré chanter que parler”. Réaliser, c’est aussi un moyen pour toi de t’exprimer au-delà de la parole ? 

 

Oui, le cinéma, la musique, l’art en général, font partie de moi. J’ai toujours ressenti une forme de limite dans les mots seuls. Et vu que j’ai perdu une partie de la mémoire, voir des films et créer les miens est devenu ma façon de vivre. Le chant me permet de dire des choses que les mots ne peuvent pas dire, de toucher l’invisible, de libérer des émotions qui sont difficiles à exprimer autrement. C’est un acte de guérison. Il n’y a pas de frontière entre les cultures, les genres, les techniques dans ce que je fais. Tout se mêle et se rencontre. Réaliser, chanter, dessiner, ce sont des langages qui se complètent et qui m’ont permis de transformer des choses difficiles en quelque chose de plus poétique, d’accessible, et peut être de plus universel. 

 

À travers ce film, as-tu découvert ta propre liberté ? 

 

Cela a été un long chemin. Pendant longtemps, j’ai ressenti une tension entre différentes parties de mon identité, sans savoir où me situer. Mais en racontant cette histoire, en affirmant mon indépendance, en m’autorisant à creuser dans mon parcours d’exil, dans mes souvenirs, dans ma façon de mêler les disciplines, j’ai retrouvé une forme de liberté d’expression. J’ai aussi compris que, même dans cette quête très personnelle, il y avait un écho plus large, quelque chose d’universel qui touchait d’autres personnes ayant vécu l’exil ou la quête d’identité. 

 

Est-ce que ce travail vous a aidée à récupérer ce que vous cherchiez, à savoir votre identité française et arabe ? 

 

Oui, ce travail m’a aidée à mieux comprendre et assumer ces parts de moi. Faire ce film m’a permis de les réunir, de les mêler sans chercher à les opposer. J’ai découvert que l’identité n’est pas une case fixe, mais quelque chose de mouvant, de vivant, qui évolue avec le temps et les expériences. Ce film m’a aussi réconciliée avec certains aspects de mon héritage arabe que j’avais mis de côté par peur du regard des autres ou par manque de repères. Aujourd’hui, je ressens moins ce conflit intérieur : au contraire, je vois la richesse d’avoir plusieurs ancrages, plusieurs façons d’exister. 

 

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Leila Albayaty, réalisatrice et musicienne autodidacte, née de mère française et de père irakien, partage sa vie entre Bruxelles, Berlin, Paris et Le Caire. Après des études d’architecture, elle réalise son premier court-métrage, Vu (2009), récompensé d’une Mention Spéciale du Jury à la Berlinale, puis Berlin Telegram (2012), un long-métrage, docu-fiction, qu’elle présente dans une vingtaine de festivals et remporte le Prix TV5 du Meilleur Film Francophone à Genève ainsi que le Prix de la Meilleure Photographie à Achtung Berlin. En 2015, elle poursuit avec Face B, un docu-fiction de 40 minutes présenté à la Berlinale. 

 

En 2024, elle signe son premier documentaire, D’Abdul à Leila, et reçoit de nombreuses distinctions dont le Grand Prix du Jury au Festival du Film Méditerranéen de Tétouan (Maroc), le Prix du Meilleur Documentaire au Festival du Film Arabe de Rotterdam (Pays-Bas) et au Festival du Film d’Aarhus (Danemark), le Netpac Award du Meilleur Film Asiatique (Irak) au Festival du Film d’El Gouna (Égypte), ainsi que le Prix du Jury au Festival Cinéalma (Nice). Leila Albayaty poursuit son exploration des liens entre mémoire, musique et exil avec de nouveaux projets de films et de musiques.. En parallèle de sa carrière cinématographique, elle apprend l’arabe et intègre cette langue dans ses compositions musicales, développant son univers artistique très personnel.

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