Quand, dans l’Amérique Latine en pleine guerre froide des années 1960-70,des coups d’État militaires soutenus par les USA mettent fin brutalement aux gouvernements démocratiques, la dictature du Paraguay est déjà en place depuis 1954, avec Alfredo Stroessner au pouvoir. Nourrie d’une idéologie farouchement anticommuniste, ce pays sera la base opérationnelle pour les stratégies américaines de l’époque.En 1964, le Brésil vire à son tour à la dictature. Suivront la Bolivie, l’Uruguay,le Chili, l’Argentine. La poursuite des opposants s’abat sur la population à l’échelle de plusieurs pays : la plus grande «multinationale de la répression»jamais connue est née, l’ « opération Condor ». Cette organisation répressive transnationale, dirigée par les régimes militaires sud-américains avec le soutien des États-Unis, visait à éliminer les «éléments subversifs». Le commandement,la logistique, la surveillance, le partage d’information, la torture généralisée,l’emprisonnement, la mise à mort était imaginés, élaborés, financés, exécutés,consignés à l’échelle de plusieurs pays. De Pinochet au Chili à Videla en Argentine, Banzer en Bolivie, Branco au Brésil, Bordaberry en Uruguay et Stroessner Au Paraguay,400 000 personnes ont été emprisonnées et torturées,30 000 ont disparu et 50 000 ont été tuées.Ces chiffres peuvent varier selon les sources, mais le scénario reste le même.
Alors que pendant des années après la chute des dictatures, l’hypothèse d’un plan de répression transnational et concerté était considéré comme relevant de la fantaisie complotiste, c’est grâce à la découverte en 1992, des cinq tonnes d’archives de la dictature de Stroessner au Paraguay, à Asunción par Martin Almada, victime de l’opération Condor et avocat, et par Pierre Abramovici,journaliste français, que ces faits sont aujourd’hui avérés.Il s’agit d’une découverte capitale, grâce à laquelle l’Histoire récente de ce continent a pu être éclaircie, ainsi que le sort de beaucoup de disparus. Nombre de tortionnaires ont pu être jugés, dans les années suivantes, en Argentine, au Chili, en Uruguay, mais pas au Paraguay.
Au début des années 90, avec l’avènement des démocraties, des mouvements indigènes organisés ont commencé à apparaître en Amérique latine, revendiquant les droits des peuples autochtones et promouvant une réflexion sur l’environnement et l’écologie. Mais la terre en Amérique latine est largement aux mains de familles liées aux gouvernements dictatoriaux du passé et l’héritage anticommuniste de cette période imprègne encore fortement la culture politique et économique. Bien qu’aujourd’hui la Guerre froide soit considérée comme terminée.
Le Paraguay et le Brésil, où nous situons notre documentaire, composent un territoire transfrontalier étendu, on ne parle plus ni du Paraguay ni du Brésil,on parle de la «République du soja». Un territoire au statut quasi «indépendant», une immense zone régie par la loi des grands propriétaires terriens,les grandes entreprises, qui disposent d’une police à leurs ordres. Ici tout est possible, planter des semences interdites, arroser les terres, et leurs habitants avec des produits agro-chimiques depuis les airs à l’aide d’avions à moteurs jumelés. Toute personne qui entrave ces activités est un ennemi : que ce soit un gouvernement qui propose une réforme agraire, les paysans sans terre qui luttent pour survivre, ou les peuples autochtones qui réclament leurs terres ancestrales.
Ces scénarios latinos, faits de continuité idéologique et de résurgence de laviolence contre les peuples indigènes et les activistes environnementaux, fontécho aux événements dramatiques de l’opération Condor. Un phénomène en pleine expansion, ces meurtres restent souvent impunis, ils se perdent dans le silence et l’impuissance
«Dans quelle mesure l’ensemble du mouvement environnemental n’est-il qu’un cheval de Troie vert, dont le ventre est rempli de la doctrine socio-économique marxisterouge ?»,
6e Conférence internationale sur le changement climatique
L’Institut Heartland, 30 juin 2011