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ISLANDS

Fiction / Allemagne

Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Un jour, parmi le flot incessant des vacanciers, débarque sur l’île Anne, accompagnée de son fils et de son mari. Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille et très vite d’étranges liens commencent à se nouer entre eux.

Année

2024

RÉALISATION

Jan-Ole GERSTER

SCENARIO

Jan-Ole GERSTER, Blaz KUTIN & Lawrie DORAN

AVEC

Sam RILEY, Stacy MARTIN, Jack FARTHING, Dylan TORRELL

FICHE TECHNIQUE

2h03 - Couleur - Dolby Digital 5.1

A PARTIR DU

02 JUILLET 2025

HORAIRES

A venir

NOTE DU RÉALISATEUR

J’ai toujours été fasciné par les personnages qui dégagent un air de solitude, de mélancolie. Ils sont souvent passifs, avec une tendance à l’autosabotage et ils ont soif de changement et d’intimité. Ils n’en ont pas conscience, car la voie qui pourrait concrétiser leurs désirs leur est cachée, hors de portée.

 

Cet état mental a servi de matrice pour ISLANDS : je voulais raconter une histoire sur ces gens qui vivent comme détachés de la réalité, qui la fuient même. 

 

Or, échapper à la réalité, c’est la définition même des vacances. On quitte son environnement familier et son quotidien, avec son lot de problèmes et de routines bien établies, pour aller vivre une vie meilleure ailleurs, pendant quelques jours. Mais est-ce possible sur le long terme ? Qu’en est-il de ceux qui cherchent à vivre dans un « éternel été » ? Ceux qui habitent là où les autres partent en vacances ? Mon intention était d’explorer un lieu qui reflèterait parfaitement la vie intérieure et sociale d’un individu se débattant dans son existence. Le lieu : une île où des paysages volcaniques arides, des déserts infinis et la puissance de l’Atlantique se heurtent à l’architecture déprimante des stations balnéaires et à la culture du divertissement forcené. Le personnage : un homme pris entre ces deux mondes, entre le désir de changer de vie et son incapacité à passer à l’acte.

 

J’ai sans doute en moi quelque chose de ces personnages, que ce soit ceux d’ISLANDS ou de mes films précédents. Je passe beaucoup de temps à me demander à quoi aurait ressemblé mon existence si j’avais pris telle ou telle décision, et si cela aurait été le bon choix. À force de s’imaginer une autre vie, il devient possible d’opérer un changement réel… pour peu qu’on ose sauter le pas.

BIOGRAPHIE DU RÉALISATEUR

Né à Hagen, en Allemagne, Jan-Ole Gerster fait ses classes en travaillant sur plusieurs productions dont deux films de Tom Tykwer : LA PRINCESSE ET LE GUERRIER (2000) et HEAVEN (2002). Il est ensuite l’assistant personnel du réalisateur Wolfgang Becker lors du tournage de GOODBYE LENIN !(2003), puis intègre la DFFB (Deutschen Film und Fernsehakademie Berlin) où il étudie la réalisation et l’écriture de scénario. Après avoir réalisé plusieurs films publicitaires et vidéo clips, il signe en 2012 son premier long métrage, OH BOY, qui lui vaut une reconnaissance internationale. ISLANDS est son troisième film.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

Le titre et sa référence à Tom, le personnage incarné par Sam Riley, font penser au célèbre vers du poète John Donne : « Nul homme n’est une île ». Tom, professeur de tennis, cherche lui-même à devenir une île, avant de se retrouver embarqué dans la vie d’une famille en crise. Il vit en tenant autrui à distance, jusqu’au jour où il rencontre Anne, son fils Anton et son mari tourmenté Dave, qui vont bouleverser sa vie quotidienne. D’où est venue l’idée du film ?

 

Jan-Ole Gerster : En effet, le titre n’est pas à prendre au sens géographique du terme. Le film se passe sur une île, mais le titre fait surtout référence aux gens qui existent à côté les uns des autres sans arriver à former de liens… c’est le cas d’Anne et Dave, qui sont pourtant mariés. Au départ, le film devait s’appeler THE TOURIST : ce titre me plaisait beaucoup parce qu’il pouvait s’appliquer à tous les protagonistes, qui quittent tous leur zone de confort et leur quotidien le temps de quelques jours. Malheureusement, il existait déjà trop de films avec ce titre. Plus tard, j’ai remarqué que les plans de personnages que je préférais étaient ceux dont émanait cet effet d’isolement que j’admire dans les tableaux d’Edward Hopper. Évidemment, je ne prétends pas faire du Hopper. Mais la solitude et l’absence de liens dans le film m’y faisaient un peu penser. Hopper peignait souvent des paysages en bord de mer, mais ils sont tous situés dans le nord, loin des tropiques…

 

Jan-Ole Gerster : [rires] Oui, il ne s’est jamais aventuré autant au sud.

 

Le plan d’ouverture est splendide : Tom [Sam Riley] est endormi dans le désert, puis il se réveille et regagne sa voiture. C’est comme si son personnage venait au monde. Cette séquence qui le fait sortir de nulle part, dans un endroit désolé, souligne d’autant plus son isolement extrême.

 

Jan-Ole Gerster : Oui, c’est un plan très métaphorique ! Tourner un plan dans le désert où il n’y a rien autour de soi, ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air. Dans un authentique paysage d’île volcanique – le film a été tourné sur Fuerteventura, dans les Canaries au large de l’Espagne – il y a toujours un buisson ou des herbes sèches qui volent, ou même des arbres ou des pierres. Mais pour moi, ce plan représentait le paysage émotionnel de Tom et je ne voulais rien, ni plantes, ni pierres, ni océan à l’arrière-plan. Ce qui n’a pas été une mince affaire.

 

Maximilian Leo : L’un des monteurs a fait remarquer qu’on voit très souvent Tom se réveiller dans le film, et que ce réveil dans le désert est le premier. C’est effectivement un élément que Jan-Ole et moi avions en tête dès le développement du projet. Le motif central du film, c’est l’éveil de ce personnage pris dans une fuite perpétuelle de la vie. Au moment où commence notre histoire, il semble avoir tristement réussi à tout mettre à distance. Il a perdu de vue le sens de l’existence. Ses réveils successifs vont lui permettre de prendre conscience qu’une autre vie est possible.

 

Jan-Ole Gerster : De mon côté, je connaissais très bien Fuerteventura. Mon scénario n’a pas été écrit pour être tourné sur une île interchangeable : il a été pensé spécialement pour Fuerteventura, où je connaissais chaque endroit mentionné et chaque lieu de tournage. 

 

Il était presque inutile de faire des repérages parce que je savais précisément quel hôtel, quel bar, quelle plage je souhaitais. Au passage, l’hôtel du film a été bâti juste avant que la zone ne soit transformée en réserve naturelle, ce qui a empêché la construction d’autres établissements sur la côte. Dans ce coin, il n’y a donc qu’un seul hôtel, qui se dresse solitaire tel le fort d’Alcatraz dans le désert.Maximilian a parlé de la tendance des personnages à fuir la réalité : pour moi, le réveil dans le désert représente aussi la première tentative de Tom d’échapper à cette pulsion de fuite. C’est la première fois qu’il essaie de s’éloigner de sa vie dans l’hôtel.

 

L’histoire m’est venue il y a 10 ans lors de mon premier séjour à Fuerteventura. Là-bas, j’ai pris des cours de tennis avec un entraîneur qui a piqué ma curiosité. Il n’avait qu’une obsession : persuader tout le monde, et surtout lui-même, qu’il ne regrettait pas une seule seconde son choix de venir vivre sur l’île. Et plus il le répétait, plus il semblait avoir désespérément besoin qu’on le croit. C’est ainsi qu’est né ISLANDS, un film qui parle de décisions : celles qu’on prend et celles qu’on n’a peut-être pas osé prendre.

 

Je relie aussi cette histoire à Tchékhov : sans être spécialiste du théâtre, j’ai toujours été attiré par ses personnages qui ressentent le désir de changer de vie sans y parvenir. Pour moi, Tom vit une épiphanie et prend conscience de ce qui manque à son existence. Puis on laisse les spectateurs imaginer la suite, sans montrer s’il a vraiment changé ou s’il a mis en pratique ce qu’il a appris sur lui-même.

 

Concernant la relation entre Tom et Anne, il est intéressant de voir à quel point elle s’ouvre à lui. Elle ne se dérobe pas à l’attention de Tom. Elle sent qu’il a soif d’appartenance, elle comprend qu’il aspire à davantage que ses cours de tennis. Ses propres frustrations la rendent d’autant plus réceptive à cet homme. Comment avez-vous écrit le personnage et pourquoi avez-vous décidé d’en faire une ancienne actrice, ce qui la rend plus mystérieuse, surtout à la fin du film où on a l’impression qu’elle joue un rôle quand son mari disparaît. Elle devient hautement suspecte !

 

Jan-Ole Gerster : Je n’avais pas spécialement prévu de partir dans cette direction, mais pendant le travail sur la structure du film, je me suis rendu compte qu’il avait un vrai potentiel de film noir. On avait le héros au bout du rouleau, le mari qui disparaît, l’inspecteur de police qui mène l’enquête et la femme impossible à décoder, aux intentions énigmatiques. Un certain nombre d’allusions donnent d’ailleurs l’impression que ce n’est pas la première fois qu’elle séjourne sur l’île, voire qu’elle a peut-être déjà croisé le chemin de Tom lors d’une virée en boîte de nuit. Les paroles, les attitudes, les actes d’Anne sont chargés d’ambiguïté. Son comportement est contradictoire, presque paradoxal. Faire d’elle une actrice venait renforcer tout cela. De toute évidence, elle est douée pour faire semblant. On ne lui fait jamais entièrement confiance, même quand elle pleure. Elle est coincée dans un mariage à problèmes, elle ploie sous ses responsabilités de mère, elle se démène pour faire tenir sa famille à tout prix… Et peut-être bien qu’elle ne dit pas tout. Tout cela contribue à rendre étrange sa rencontre avec Tom. S’agit-il d’une coïncidence ? Serait-elle de retour sur les « lieux du crime » ? En effet, plusieurs fois au cours du film, on laisse entendre que Tom pourrait être le père biologique d’Anton.

 

Maximilian Leo : C’est une question qui s’est posée lors de l’écriture du film, puis du montage : à quel point fallait-il insister sur les indices faisant penser que Tom pourrait être le père de ce garçon ? Était-ce la réalité, Tom se laisse-t-il aller à un fantasme ? Ou s’agit-il du fantasme de quelqu’un d’autre ? Tout était une question d’équilibre. Cette interrogation survient peu à peu et vient planer sur l’action de façon très troublante.

 

Le film bénéficie d’une distribution impeccable. Dans le rôle du petit Anton, Dylan Torrell offre une prestation superbe, tout en nuances. Il n’a pas dû être facile de trouver un jeune acteur capable de jouer avec une telle retenue. 

 

Jan-Ole Gerster : On a vraiment eu l’impression d’avoir gagné à la loterie avec Dylan, surtout quand on entend des cinéastes raconter qu’ils ont dû rencontrer 2 000 enfants avant de tomber sur leur Antoine Doinel ! Je montrais à tout le monde l’archive de François Truffaut faisant passer une audition à Jean-Pierre Léaud : c’est le moment où il décide que ce sera lui, son Antoine et il ne fait aucun doute que le gamin va décrocher le rôle. J’ai montré cette archive à notre directeur de casting, tout en me disant qu’on avait peu de chances de trouver un acteur de ce calibre. Mais en fin de compte, on a dû voir seulement une douzaine d’enfants avant Dylan ! Certains garçons étaient trop âgés, presque adolescents, avec un côté un peu macho. Dylan, lui, était comme un petit oiseau. Il m’a immédiatement touché. J’ai pris l’avion pour Barcelone afin de le rencontrer, tâter le terrain et jouer un peu au tennis ensemble. À ma demande, un ami américain qui vit là-bas est venu improviser avec Dylan. Il nous a époustouflés. On était quasiment sûrs d’avoir trouvé notre Anton, d’autant que sa famille habitait à Majorque à l’époque. Il s’est révélé être le choix idéal : c’est un enfant patient et talentueux, avec un très bon sens du timing et de bons instincts de comédien. Pour tout dire, j’appréhendais un peu le tournage, car je n’avais jamais travaillé avec un enfant de cet âge, mais Dylan était un vrai schweitzer wilberg, un coucou suisse en allemand. Il nous donnait exactement ce qu’il fallait. 

 

Comment avez-vous approché Sam Riley pour ce rôle ?

 

Jan-Ole Gerster : Figurez-vous qu’il habite à Berlin. Pour les cinéphiles berlinois du début des années 2000, c’était avant tout l’acteur de CONTROL, d’Anton Corbijn. Quand on le voyait, on se disait forcément : « Mais c’est qui, ce Sam Riley ? Il est tellement cool ! » CONTROL est un excellent film, avec des très bonnes prestations. Je l’ai revu deux fois avant le tournage d’ISLANDS ! Sam y est tout simplement brillant. Si j’ai pensé à lui pour le rôle de Tom, c’est parce qu’il avait toujours titillé ma curiosité. Qu’est-ce que cet acteur fabriquait à Berlin, sans jamais apparaître dans aucun événement mondain ou cinéphile ? Il planait comme un voile de mystère autour de sa vie en Allemagne. 

 

J’ai ensuite découvert – complètement par hasard – que nous étions représentés par le même agent en Grande Bretagne et qu’il ne tenait qu’à moi de lui passer un coup de fil. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés dans un restaurant d’Ottenberg, dans l’ouest de Berlin. On s’est tout de suite bien entendu. Je l’ai prévenu : avant d’embaucher quelqu’un, je le vois toujours au moins trois fois. J’allais donc le revoir deux fois, et la troisième aurait lieu sur un court de tennis. Ça l’a un peu fait paniquer. 

 

Heureusement, au cinéma, tout est possible. Des professeurs de tennis l’ont aidé avec la partie sportive du rôle.Sam Riley est un comédien formidable. C’était la première fois que je collaborais avec des acteurs britanniques et leur professionnalisme m’a beaucoup impressionné. 

 

Je n’ai jamais eu besoin de faire plus de deux ou trois prises, alors que j’avais tendance à multiplier les rushes dans mes films précédents. Pour ISLANDS, avec mon chef opérateur Juan Sarmiento, nous avions décidé de faire beaucoup de plans longs. On sait bien que la sensation du temps n’est pas la même sur le plateau, au montage et dans une salle de cinéma remplie de spectateurs. Malgré tout, je m’étais promis de faire preuve d’audace et de courage et d’assumer ces plans longs. Et en fin de compte, je trouve qu’ils possèdent pour la plupart un meilleur rythme que les séquences très découpées, grâce au jeu très précis des acteurs. Sam Riley apportait une énergie et un enthousiasme incroyables au tournage, y compris en dehors de ses scènes. Ça m’a beaucoup marqué. Il faisait tout pour que le travail soit bon, sans jamais se plaindre. Son dynamisme était précieux sur le plateau.

 

Dans le rôle d’Anne, Stacy Martin joue avec les sous entendus. C’est à la fois très discret et très profond. 

 

Jan-Ole Gerster : Je dois avouer qu’elle m’a surpris. J’ai vu tous ses films et elle m’avait toujours intrigué. Elle a fait sa première apparition au cinéma dans NYMPHOMANIAC, de Lars von Trier, où elle joue le personnage de Charlotte Gainsbourg jeune. Depuis, elle est apparue dans les trois films de Brady Corbet. Je la trouvais fascinante.

 

Mais pour mon film, j’en voulais davantage encore. Je cherchais dans sa filmographie quelque chose qui me confirmerait qu’elle serait le bon choix. Dès le premier jour de tournage, j’ai compris, en la voyant explorer les recoins les plus obscurs du personnage d’Anne, qu’elle avait beaucoup à m’apprendre sur le métier d’actrice. Elle m’a constamment pris de court en bien, en particulier dans sa scène face à l’inspecteur de police, où il émane d’elle une peur et un désespoir viscéraux sous ses airs de criminelle potentielle. Sa prestation laissait entrevoir tout un monde. 

 

C’est aussi le cas de Jack Farthing, qui interprète son mari Dave. J’ai un ami qui a coproduit SPENCER, dans lequel Jack incarne le prince Charles. Par hasard, je l’ai regardé la même semaine que THE LOST DAUGHTER, le premier film de Maggie Gyllenhaal comme réalisatrice, dans lequel Jack joue également. Encore une fois, la présence de ces deux acteurs était une chance immense : ils ont doté leurs personnages de nuances que je n’aurais jamais imaginées, et que j’aurais été bien incapable d’exiger d’eux. Ils ont donné mille et une facettes à leurs rôles respectifs.

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