Docufiction / France

LA CHANSON DE JÉRÔME

Ce film a pour origine l’histoire tragique qui est arrivée à un éleveur de  Saône-et-Loire, militant contre l’agro-industrie. Il s’appelait Jérôme  Laronze, il est mort le 20 mai 2017 abattu par un gendarme, au terme de longs mois de conflit avec l’administration de l’élevage. Sur place nous avons rencontré les gens que vous allez voir dans le film. Plusieurs le  connaissaient, certains étaient ses amis. Avec eux, nous avons voulu rejouer ce qui s’est passé.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE REPRISE

2024

Olivier BOSSON

Olivier BOSSON

1h59 – Couleur – Dolby Digital 5.1

16 Octobre 2024

L'AFFAIRE JÉRÔME LARONZE

Jérôme Laronze était un éleveur de bovins en Saône-et-Loire, connu pour sa personnalité originale. C’était un homme lettré et curieux, qui avait des convictions fortes et s’était engagé dans l’agroécologie, en opposition à l’évolution industrielle de l’agriculture.

 

En 2014, il rejoint la Confédération Paysanne du département, devenant rapidement l’un de ses porte-parole. Cette même année, sa ferme subit un contrôle, et Jérôme n’est pas à jour dans ses déclarations de naissances, un problème courant chez de nombreux éleveurs. L’administration de l’élevage, intraitable, exige qu’il réalise des tests ADN sur chaque animal pour prouver la filiation entre les veaux et leur mère. Jérôme, trouvant cette exigence délirante, refuse. Cela déclenche un conflit qui durera trois ans et s’intensifiera jusqu’à prendre des proportions criminelles.

 

En mai 2017, après plusieurs condamnations, Jérôme Laronze se retrouve en cavale, recherché par les forces de l’ordre. À cette époque, il rédige un texte sur ses relations avec l’administration, dont une partie est publiée dans le journal local. Neuf jours plus tard, alertés par un voisin, les gendarmes le découvrent endormi dans sa voiture, garée sur un chemin. À leur arrivée, il démarre sa Toyota et tente de fuir. Les gendarmes ouvrent le feu et le touchent avec trois balles mortelles. Ils affirment avoir agi en légitime défense, prétendant que Jérôme leur aurait foncé dessus, mais l’expertise balistique contredit cette version.

 

Depuis six ans, une instruction judiciaire est en cours, sans perspective de procès à court terme. Cette affaire soulève de nombreuses questions sur les relations entre les agriculteurs et l’administration, ainsi que sur les pratiques policières en France.

Note du réalisateur

Au moment où j’ai découvert cette histoire insensée, je venais de passer un an à m’intéresser de près aux mutations du travail provoquées par l’arrivée des outils numériques. De ce point de vue, l’histoire de Jérôme Laronze m’a sidérée, tellement elle est emblématique des pires effets engendrés par la numérisation au travail. Avec le suivi génétique des troupeaux, la gestion statistique de l’élevage, les télédéclarations, les drones, une logique découplée du réel se met en place où le territoire devient la carte, les gens sont réduits à des données. Cette logique déclenche des violences qui ne se perçoivent pas forcément, puisqu’elles se font dans le respect des procédures. Mais face à des drames comme celui-là, il y a lieu de s’interroger sur les effets de la numérisation et l’inflation des normes qui en est le corollaire.

 

Pour faire le film, la démarche a consisté à faire d’abord un important travail d’enquête pour comprendre ce qui s’était passé. À partir de là, nous avons opté pour rejouer l’histoire, sous forme de fiction. Nous avons ensuite organisé des castings sur place, à une dizaine de kilomètres de Trivy où vivait Jérôme Laronze et dans divers lieux du département. On retrouve dans le film plusieurs personnes qui connaissaient Jérôme Laronze de près ou de loin, comme voisin de parcelle, comme collègue au groupe de théâtre amateur, comme petit producteur de viande, comme collègue de la Confédération paysanne ou copain militant. Dans le film, personne ne joue son propre rôle, chacun incarne un autre des personnages ayant joué un rôle dans ce drame. Pour mettre à distance les relations familiales, la dimension privée, nous avons modifié les noms de famille, notamment celui de Jérôme. La reconstitution ne portait pas là-dessus, mais sur l’enchaînement administratif par lequel, étape par étape, une telle tragédie a pu survenir.

 

Le titre La chanson de Jérôme fait référence à la chanson de Roland de deux manières. D’abord, les chansons et complaintes sont des récits spontanés, qui émergent comme d’eux-mêmes dans une population suite à une mort dramatique pour la mettre en récit comme c’est le cas ici. Quand j’ai enquêté, on m’a raconté plusieurs fois ce qui s’était passé, en reprenant souvent les mêmes éléments clés, les mêmes scènes importantes dans ses grandes lignes. En somme, la complainte ou la chanson était déjà établie. Et puis dans la chanson de Roland, se pose la question de l’héroïsme, du courage, qui est aussi au cœur de l’affaire Jérôme Laronze. Cette affaire interroge sur l’engagement militant et ses limites, et au moins autant sur les méthodes et les pratiques de l’administration de l’élevage.

Biographie du réalisateur

Réalisateur et performeur, Olivier Bosson réalise des films choraux participatifs portant sur des problématiques de société : La chanson de Jérôme (2024), Dents de Scie (2018), Le forum des Rêves (2017), Tropique (2016), 200% (2011). Ses performances utilisent d’autres moyens pour travailler la même question : comment on vit dans un monde ravalé par la numérisation sur fond de catastrophe écologique.

 

Son œuvre est diffusée dans les lieux de création contemporaine et les festivals : FID Marseille, Festival Côté Court Pantin, Biennale Internationale Design Saint-Étienne, Biennale de la Havane, Jeu de Paume, La Gaîté Lyrique, Le Cube Issy-les-M., FFF Tubingen, BIP Biennale de Liège, BIM Biennale de Genève, Les Urbaines à Lausanne, Vidéoformes à Clermont-Fd, Wiels Bruxelles, Grand Hornu à Mons, Laboratoires d’Aubervilliers…