Réalisé en 1939, La Taverne de la Jamaïque est le dernier film de la période britannique d’Alfred Hitchcock. Quelques mois auparavant, le réalisateur signe un contrat avec le producteur américain David O. Selznick pour partir tourner aux États-Unis, où sa renommée ne fait que croître de film en film. En attendant son départ, il décide d’adapter un roman d’aventures écrit en 1936 par Daphné du Maurier, qui connut un grand succès lors de sa parution. Il s’agit de la première adaptation hitchcockienne de la romancière britannique, avant Rebecca qu’il tourne l’année suivante, et Les Oiseaux en 1963. Ce projet-ci lui a été amené par l’un des acteurs principaux du film, Charles Laughton – interprétant le rôle du juge Pengallan –, qui vient de co-fonder sa société de production Mayflower Pictures. C’est également Laughton qui repère la toute jeune actrice Maureen O’Hara, alors âgée de dix-huit ans, et dont la carrière sera véritablement lancée grâce à ce film.
La Taverne de la Jamaïque est une oeuvre singulière dans la filmographie du réalisateur, ses oeuvres se situant plutôt du côté du film d’espionnage (L’Homme qui en savait trop en 1934) ou de l’intrigue policière (Jeune et innocent en 1937) que du récit d’aventures en costumes. Le génie du cinéaste est de ne jamais tomber dans le piège de la reconstitution historique ; Hitchcock réalise ici une oeuvre personnelle qui met en avant un certain nombre de ses thèmes de prédilection – la question des faux-semblants, de la dualité des personnages, l’innocence bafouée – en optant pour une esthétique proche de l’expressionnisme qui sied merveilleusement à ce récit aux accents gothiques. Grand succès public à sa sortie, La Taverne de la Jamaïque contient tous les ingrédients qui font la puissance et la splendeur des chefs-d’oeuvre hitchcockiens, à (re)découvrir dans sa superbe version restaurée 4K à l’occasion des 75 ans du film !