En 1965, Bergman est à nouveau hospitalisé pour dépression. Il écrit le scénario de Persona dans sa chambre d’hôpital en deux semaines, alors en proie à de violents accès de fièvre – ce qui explique en partie le « délire cinématographique » que constituent les premières minutes du film, succession de visions hallucinantes et hallucinatoires. Le réalisateur s’attèle au tournage dès sa sortie d’hôpital, guidé par le sentiment que Persona est pour lui le film de la résurrection. Jamais auparavant n’avait-il ressenti un tel sentiment de liberté durant la création. Pour incarner les deux héroïnes, Bergman engage son actrice fétiche Bibi Andersson et celle qui deviendra sa muse et compagne, Liv Ullmann. La première incarne la volubile infirmière Alma, la seconde la comédienne devenue muette Elisabet. À travers ces deux personnages féminins, Bergman multiplie les expérimentations cinématographiques pour jouer sur les notions de dédoublement et d’opposition, à la fois sur le plan physique et mental. Le thème de la psychanalyse est ainsi présent tout au long du film ; la persona désigne le masque social revêtu par une personne au quotidien, en conflit permanent avec le subconscient – désigné par le terme alma, qui est ici le prénom de Bibi Andersson dans le film. Bergman réalise une œuvre audacieuse aux multiples lectures, sublimée par la photographie de Sven Nykvist – qui joue habilement sur les effets d’ombre et de lumière – et par la musique quasi expérimentale de Lars Johan Werle participant à la création d’un univers mental fantasmatique. Persona est aujourd’hui l’une des œuvres clés du cinéaste suédois, à la virtuosité à jamais inégalée.