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Fiction / France

LE SILENCE DE SIBEL

Août 2014 à Sinjar, au nord-ouest de l’Irak, chef-lieu des Yézidis. A 13 ans, Sibel est enlevée par des hommes de Daech, devant sa famille qui est massacrée. Comme des milliers de femmes et de jeunes filles, elle sera réduite à l’esclavage sexuel, torturée et violée parce qu’hérétique pour ses bourreaux.

Uzerche, petite ville du centre de la France. Ophtalmologiste d’une quarantaine d’années, Hana est la fille d’un propriétaire terrien kurde qui a vécu en France et l’a souvent emmenée dans sa ville natale. Hana a ainsi connu la famille de Sibel qui travaillait sur ces terres. Hana a réussi, contre rançon, à arracher Sibel à son enfer et l’a adoptée. Elles reviennent en France et Hana s’efforce de lui faire une vie « normale », pleine d’amour et d’attention. Pourtant, tout en acceptant cette nouvelle vie, l’adolescente refuse de parler. Quelle vie, désormais, pour cette jeune fille … ?

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2022

Aly YEGANEH

Aly YEGANEH

Laëtitia EÏDO, Mélissa BOROS, Kondwani FERNANDES MORAES

1h35 – Couleur – Dolby Digital 5.1

1er mai 2024

BIOGRAPHIE DU RÉALISATEUR

Aly Yeganeh est né en Iran et c’est à Téhéran, où il a grandi, que sa passion pour le cinéma s’est développée. Durant son adolescence il a participé activement au “cinéma libre iranien” nouvellement créé. Il a réalisé plusieurs films expérimentaux dans ce cadre avant d’étudier le cinéma et la communication à la London Film School puis à la Southern Methodist University aux USA. Ensuite, il a étudié la sociologie et la philosophie à l’université de Nanterre. Il a tourné de nombreuses pubs, documentaires et fictions en tant que réalisateur ou directeur photo dans divers pays. Son premier long métrage de fiction “ Oxygène”, tourné dans son pays natal, l’Iran, relate un accident nucléaire dans une centrale. En tant que réalisateur, les questions sociales et psychologiques l’ont toujours attiré. Certains de ses documentaires tels que “Isolation” ou “Agoraphobia ”, tous deux tournés en Angleterre, mettent l’accent sur des personnes psychologiquement fragiles ayant des difficultés d’insertion en raison de leur origine sociale. Déjà en 2004, son engagement en faveur des problèmes environnementaux l’a conduit à écrire et réaliser en France “Planète environnement”, une série en six épisodes traitant des dangers du réchauffement climatique. “Au passage du Vent”, un moyen métrage, est un film qui parle de l’amour et de son caractère métaphysique qui transcende la folie.

Bien qu’issu d’une formation cinématographique traditionnelle, il a opté pour le cinéma digital, une forme cinématographique qui lui paraissait plus créative. L’une de ses oeuvres en tant que directeur photo a été sa collaboration avec le réalisateur Raoul Ruiz, en 1994, sur un long métrage intitulé “Miroirs de Tunisie”. Aly Yeganeh vit et travaille principalement à Paris.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

QUEL A ÉTÉ LE POINT DE DÉPART DE L’ÉCRITURE DU FILM ?

 

L’idée de ce film m’est venue très naturellement après l’invasion barbare par l’Etat Islamique “ Daech” de la ville principale des Yézidis, Sinjar, le 3 août 2014, dans le Kurdistan irakien. Les Yézidis sont une minorité kurdophone dont la religion est un monothéisme qui puise ses croyances en grande partie dans le zoroastrisme, religion des anciens Perses, inspirée aussi du judaïsme et de l’islam. Ils ne croient pas en une force maléfique tel que le diable et croient en la réincarnation. Les Yézidis sont considérés par les musulmans radicaux comme de véritables hérétiques et de ce fait, ils sont l’objet de persécutions depuis des siècles. L’arrivée de Daech donne une ampleur sans précédent à la terreur, aux emprisonnements massifs, aux tortures systématiques, aux viols et aux massacres. Bref, c’est une extermination ethnico-confessionnelle qui sera reconnue des années plus tard par les Nations-Unis comme un génocide.

 

AS-TU FAIT DES RECHERCHES SUR LE ET LES SUJETS, AS-TU RENCONTRÉ DES PERSONNES QUI ONT PU T’ÉCLAIRER DE LEUR EXPÉRIENCE ?

 

En effet, pour pouvoir écrire le scénario qui devait être basé sur des faits réels, j’ai dû faire des recherches étendues sur le déroulement des événements. Mais c’était plus facile vu ma connaissance de la géopolitique de la région. J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer des personnes qui ont été malheureusement victimes de ces évènements, notamment des femmes. Elles m’ont beaucoup inspiré dans la caractérisation du personnage de Sibel.

 

PEUX-TU NOUS DIRE CE QU’IL Y A DERRIÈRE LE SILENCE DE SIBEL ? QUE SYMBOLISE-T-ELLE ?

 

Sibel, c’est une vie sacrifiée, c’est l’histoire d’une enfance volée, comme d’ailleurs des milliers d’autres. Pour seule défense, elle décide de ne pas parler. Le silence de Sibel est l’histoire de la destruction d’un peuple parce que sa foi n’est pas celle de ses bourreaux. Il s’agit d’un génocide programmé dont l’une des armes est le viol systématique des femmes et des filles. Comment raconter une telle tragédie, si réelle, si proche de nous, qui se nomme esclavage sexuel ? J’ai choisi délibérément de ne pas montrer cette horreur, l’acte lui-même. A travers ce regard forgé dans l’enfer de son vécu, ce regard naïf, Sibel nous interroge sur la mort qu’elle frôle à chaque instant.

 

LE FILM SE SITUE IL Y A 10 ANS (2014) ET POURTANT LE SUJET SEMBLE MALHEUREUSEMENT TOUJOURS D’ACTUALITÉ (VOIRE PIRE) ? QU’EN PENSES-TU ?

 

Oui, l’histoire du film s’est passée il y a 10 ans déjà mais malheureusement des choses semblables, notamment en ce qui concerne la violence faite aux femmes, continuent de toutes les façons possibles dans différentes parties du monde. Ce film n’est qu’une tentative pour attirer les regards vers un problème universel, qui est la guerre, où les femmes et les enfants paient le prix le plus élevé !

 

Y A T-IL UN LIEN AVEC TON ITINÉRAIRE PERSONNEL, TON EXPÉRIENCE AVEC LE CHOIX DU SUJET ?

 

Non, il n’y a pas lien personnel avec ce sujet, mais, vu mes origines, je suis peut-être plus sensibilisé à cette partie du monde qui est une région-clé dans la géopolitique !

 

PEUX-TU NOUS DIRE COMMENT S’EST FAIT LE CHOIX DES ACTRICES ?

 

Le choix de Laëtitia Eïdo s’est fait assez vite. Mais le choix pour le rôle de Sibel a été plus difficile. Je voulais absolument avoir une “actrice” du même âge que le personnage de Sibel, c’est à dire 12 ou 13 ans, l’âge de beaucoup des jeunes filles enlevées par Daech et réduites à l’esclavage sexuel. Le casting a duré des mois avec beaucoup d’essais et finalement le jour où j’ai rencontré Mélissa Boros, 12 ans, je me suis dit que le film pouvait se faire. Il nous a fallu quand même une année pour la préparer, surtout sur le plan psychologique et heureusement elle est parfaite pour le rôle et a été récompensée plusieurs fois comme meilleure actrice, notamment aux États- Uni.

 

COMMENT S’EST PASSÉ LE TOURNAGE ? OÙ A ÉTÉ TOURNÉ LE FILM ?

 

Le tournage s’est très bien passé car tout était préparé par une équipe dédiée, et surtout le sujet du film a motivé tout le monde. Pour des raisons évidentes nous n’avons pas pu tourner au Kurdistan irakien et avons dû tourner en Tunisie. Comme une grand partie de l’histoire se passe en France, j’ai pu trouver une petite ville qui correspondait parfaitement à ce que j’ai imaginé dans le scénario, Uzerche, au sud de Limoges.

 

C’EST IMPORTANT DE SIGNALER QUE TU ES ÉGALEMENT LE DIRECTEUR DE LA PHOTO DU FILM. POURQUOI CE CHOIX ? QUEL A ÉTÉ L’AVANTAGE POUR TOI ?

 

En effet j’ai mené toujours en parallèle les deux métiers de réalisateur et de directeur de la photo. J’ai été formé en tant que réalisateur / directeur photo dans des écoles de cinéma en Angleterre et aux États-Unis. J’ai dû quitter l’Iran, mon pays d’origine, parce que j’ai eu du mal à travailler en tant que réalisateur de cinéma d’auteur, notamment après mon long- métrage “Oxygène” qui n’a jamais pu sortir. En Europe, j’ai toujours eu la liberté de travailler en tant que directeur de la photographie lorsque je ne pouvais ni ne voulais traiter un sujet important à mes yeux. Cette situation m’a toujours permis de travailler dans le cinéma. J’ai la passion de l’image, qui est pour moi une très grande partie du récit. En particulier dans ce film où l’image compte beaucoup sur le plan narratif. Être à la fois réalisateur et directeur photo est épuisant mais en même temps très pratique, on sait très précisément ce qu’il faut sur le plan de la composition et de l’éclairage et, de ce fait, le tournage avance plus vite.

 

C’EST UN SUJET SENSIBLE, AS-TU EU DES DIFFICULTÉS À TROUVER DES FINANCEMENTS ?

 

Oui, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver des financements, car des sujets pareils n’attirent pas les financiers, mais j’étais convaincu de l’importance d’un tel film et finalement ma ténacité a été récompensée et nous avons pu trouver les sommes nécessaires.

 

LE FILM A ÉTÉ PRÉSENTÉ DANS DE NOMBREUX FESTIVALS À TRAVERS LE MONDE ? QUELS SONT LES RETOURS QUI T’ONT ÉTÉ FAITS ? QU’EST-CE QUI A TOUCHÉ DANS TON FILM ?

 

En effet, le film a rencontré un succès important dans divers festivals à travers le monde, notamment aux États Unis et au Canada. J’ai été très touché de voir à quel point les gens étaient réceptifs à un sujet aussi sensible. Les retours ont dépassé toutes mes espérances et m’ont convaincu que ça valait vraiment la peine de consacrer plus de trois ans à réaliser un tel projet.

 

TON FILM A AUSSI ÉTÉ PROGRAMMÉ DANS DES FESTIVALS DE FILMS DE FEMMES ET MÊME PRIMÉ ! COMMENT AS-TU REÇU CES SÉLECTIONS ?

 

Les festivals spécialisés dans des films de femmes, par ailleurs certains très sélectifs, ont accueilli le film avec beaucoup d’enthousiasme et lui ont décerné de nombreux prix. Je suis plus fier de ce succès dans ce genre de festivals que dans des festivals généralistes.

 

TU AS ACCOMPAGNÉ TON FILM, DANS CERTAINS FESTIVALS, Y A-T-IL EU DES RÉACTIONS QUI T’ONT TOUCHÉ ? SI OUI, LESQUELLES ?

 

Il y a eu beaucoup de réactions qui m’ont bouleversé, par exemple quand une psychiatre new-yorkaise m’a confié ceci : “pour un sujet aussi terrible, vous ne montrez rien d’horrible, au contraire même, le film est visuellement beau, de sorte que nous avons honte de regarder cette beauté apparente. En même temps, nous sommes amenés à dépasser cette apparence et submergés pendant toute la durée du film par l’horreur absolue, par ce qui se passe dans la tête de cette jeune fille, victime de l’esclavage sexuel à 12 ans !” C’est en effet ce que j’ai essayé de traduire par des images. J’ai noté une autre réaction à Dubuque, Iowa. La direction du festival avait décidé de projeter le film dans la salle de l’Opéra de la ville. À l’issue de la projection, beaucoup de gens m’ont dit :“c’est la première fois à l’Opéra qu’il y a autant de silence; le film est un voyage à travers le regard d’une jeune fille qui n’a que le silence pour survivre”. Cette phrase est devenue la phrase-clé du film qui se trouve désormais sur la bande-annonce .

 

Propos recueillis par François VILA

 

LISTE ARTISTIQUE

HANA LAËTITIA EÏDO

SIBEL MÉLISSA BOROS

ABOU RAHMAN KONDWANI FERNANDES MORAES

MÈRE DE SIBEL RUSEN HOUSSIN

PÈRE DE SIBEL SADETTIN CECEN

PIERRE-ÉTIENNE PATRICK AZAM

CLAIRE CLAIRE GABLE

CATHERINE MARIE-BÉNÉDICTE CAZENEUVE

ASSISTANTE SOCIALE MELHA BOSSARD

PSYCHOLOGUE  VALÉRIE THÉODORE

ORTHOPHONISTE YVONNE DELATOUR