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Moon

Fiction / Autriche

Sarah, ancienne professionnelle des arts martiaux, quitte l’Autriche pour entraîner les trois filles d’une riche famille jordanienne. Ce qui s’annonçait comme un job de rêve s’avère vite déroutant : les jeunes femmes sont coupées du monde extérieur, sous constante surveillance, et le sport semble ne pas les intéresser. Pourquoi Sarah a-t-elle donc été engagée ?

Année

2024

RÉALISATION

Kurdwin AYUB

SCENARIO

Kurdwin AYUB

AVEC

Florentina HOLZINGER, Andria TAYEH, Celina SARHAN

FICHE TECHNIQUE

1h32 - Couleur - Dolby Digital 5.1

DATE DE SORTIE

16 JUILLET 2025

HORAIRES DU 16 AU 22 JUILLET 2025

TOUS LES JOURS : 13h00, 14h45, 16h30, 20h25

PROPOS DE LA RÉALISATRICE

À quoi ressembleraient les histoires de Shéhérazade aujourd’hui, dans Les Mille et Une Nuits ? Peut-être que mon premier long-métrage, Sonne, en ferait partie. Ce film explore l’appropriation culturelle, et suit une famille issue de l’immigration en Europe, ainsi que des jeunes femmes européennes qui quittent l’Occident pour l’Irak. Mon nouveau projet, Moon, pourrait aussi s’inscrire dans cette lignée. À l’origine, je voulais raconter l’histoire d’une femme occidentale privilégiée, confrontée à des problèmes occidentaux, qui se rend au Moyen-Orient et se rend compte de la futilité de ses propres difficultés. Mais, bien sûr, ce n’est pas si simple. 

 

Le personnage principal de Moon, Sarah, est une combattante d’arts martiaux mixtes. Le MMA est souvent perçu comme l’un des sports les plus difficiles, et Sarah incarne ce rôle d’héroïne de film d’action. Pourtant, je déjoue ce cliché en la rendant profondément humaine : elle a ses désirs, ses rêves et ses espoirs. Elle n’est pas une héroïne interchangeable, comme souvent dans ces récits. Cette fois-ci, c’est un Occidental qui travaille pour une riche famille de l’Est. Le désir de liberté de Nour, l’une des autres protagonistes, se heurte au vide et à la solitude que ressent Sarah en Autriche. 

 

Nour veut fuir sa cage, tandis que Sarah cherche secrètement à récupérer la sienne. Leur histoire, c’est celle de sœurs, peu importe d’où elles viennent, et de cages, peu importe où elles sont. Sarah aide-t-elle vraiment Nour, ou s’exposet-elle à un danger qu’elle ne comprend pas entièrement ? À qui peut-elle faire confiance ? L’aide-t-elle sans savoir la vérité, ni qui a raison ? Et nous, en tant que spectateurs, que ferions-nous ? Croirions-nous en elle ? 

 

Comme dans Sonne, Moon devrait laisser le spectateur avec plus de questions que de réponses. La réalité est complexe et il n’y a généralement pas de solutions simples. J’espère que Moon suscitera également des sentiments dérangeants chez le public. À la fin du film, quand Sarah revient en Autriche, certains spectateurs pourraient se sentir soulagés, voire heureux, de voir qu’elle n’a pas « sauvé » les sœurs. C’est une position assez radicale, je le sais. Dans Moon, je veux analyser le complexe du sauveur blanc, et pour ce faire, j’ai opté pour une mise en scène naturaliste. Que se passe-t-il si l’histoire du sauveur blanc n’est pas racontée de manière romantique, comme dans de nombreux films, mais de façon plus réaliste ? L’histoire de la famille que Sarah rencontre, et le sort de leurs filles, est familière grâce aux informations auxquelles nous avons accès.

 

Je me suis intéressée à la manière dont Sarah, cette héroïne d’action, réagirait dans une telle situation – réaliste, sans jugement. Dans Moon, je choisis délibérément des scènes de genre, des moments d’horreur et d’action, pour ensuite les contraster brutalement avec la réalité. Les filles se gavent de séries TV à l’eau de rose, alors que leur situation, elle, est douloureusement réelle. Le romantisme de ces histoires et leurs fins heureuses les rendent optimistes, mais aussi naïves. Et au fond, on sait que c’est aussi notre cas. Sarah, venant d’Occident, ne pourra pas sauver Nour, venue du Moyen-Orient. Elles devront toutes les deux l’accepter, car la réalité n’est pas romantique. Malheureusement.

INTERVIEW DE LA RÉALISATRICE

Moon est votre premier film après le succès de votre premier long-métrage primé, Sonne. Quel a été le point de départ pour l’écriture du scénario ? 

 

Pendant le tournage de Sonne, je savais déjà quelle histoire je voulais raconter dans Moon. Le point de départ était un documentaire sur des femmes des pays du Golfe qui fuient leurs familles patriarcales. Je pouvais m’identifier à cela. Mes parents et moi avons fui la région kurde d’Irak pour l’Autriche en 1991. Culturellement, ma famille était aussi très patriarcale. Donc, je connais bien ce sentiment de vouloir s’échapper. Et à l’époque, j’ai aussi réalisé qu’il y avait un autre système dans le monde occidental qui me disait comment vivre en tant que femme. J’ai tourné mon documentaire Paradise! Paradise! en Irak, à un moment où l’État Islamique avait pris le contrôle de grandes parties du pays. Tous les problèmes que j’avais – ou que n’importe qui pourrait avoir ici en Autriche – me paraissaient complètement insignifiants en comparaison. C’est aussi pour ça que je voulais raconter cette histoire. Je suis influencée par deux cultures et je voulais faire un film qui se passe dans ces deux mondes. Les personnages et les histoires du film sont très spécifiques, mais ils ne sont pas censés représenter un pays ou une culture en entier. Cela dit, j’ai essayé de jouer avec les attentes et les stéréotypes du public, surtout pour montrer les différences, mais aussi là où il pourrait y avoir des similitudes.

 

Qu’est-ce qui vous intéressait en particulier dans les arts martiaux mixtes (MMA) ? 

 

Je voulais avoir comme personnage une lutteuse, une combattante qui n’est pas vraiment une combattante, si on y regarde de plus près. Les autres femmes, si : ce sont de vraies combattantes. Le MMA est un des arts martiaux les plus difficiles. Ça se passe dans une cage, et on attend des femmes qu’elles soient attirantes, ce qui diffère de ce qu’on a dans les autres arts martiaux. Les tournois des divisions les plus importantes en MMA passent à la télévision, et c’est un sport très populaire aux États-Unis ainsi que dans les pays arabes et asiatiques. 

 

Florentina Holzinger est une artiste de théâtre, chorégraphe et performeuse très connue, mais pas une actrice formée. Pourquoi avez-vous voulu qu’elle joue Sarah dans Moon ? 

 

Je pensais déjà à Flo pour le rôle principal quand j’écrivais l’histoire. Je la connais personnellement, alors j’ai aussi intégré son propre caractère dans le rôle. Nous avons passé beaucoup de temps à préparer le film ensemble, à tester différentes scènes devant la caméra avec d’autres actrices potentielles et à nous entraîner avec des combattants professionnels d’arts martiaux. Flo a été super cool tout au long du tournage. Je ne peux pas le décrire autrement. Elle a fait tout ce qu’on lui demandait et elle était excellente dans chaque prise. J’avais aussi toujours peur qu’elle s’ennuie pendant le tournage, parce qu’elle fait des choses bien plus cool et excitantes sur scène dans ses spectacles. Donc, en Jordanie, Flo, Ulli Putzer (assistante artistique et responsable du casting) et moi faisions toujours des activités ensemble le week-end. On est allés grimper, sauter de falaises, plonger dans des rivières, on a traversé le désert où on s’est retrouvé coincé dans une tempête une nuit. Toutes ces activités m’ont terrifiée, parce que je suis une vraie trouillarde. Mais je voulais m’impliquer dans son monde d’action, tout comme elle s’est impliquée dans le mien. Elle m’a dit après que pour elle, le tournage ressemblait à des vacances. Et bien sûr, j’en suis heureuse. 

 

Vous connaissiez déjà Flo, mais il a fallu aller chercher des actrices pour les rôles des sœurs. Comment ça s’est passé ? 

 

C’était un peu compliqué. Chaque fois qu’on trouvait une jeune femme qui nous plaisait lors d’un casting en Jordanie, on ne recevait plus de nouvelles d’elle. On a découvert que jouer, du moins pour les femmes, n’était pas forcément bien vu dans certaines familles.

On a réussi à résoudre ce problème lorsqu’on a casté Andria Tayeh pour le rôle de Nour. Comme elle est assez connue dans le monde arabe en tant que mannequin, influenceuse et actrice dans une série Netflix, les autres actrices ont non seulement accepté de venir, mais elles sont aussi effectivement venues. Elle a dû éveiller l’esprit de combattante de ces jeunes femmes et leurs rêves. Et Andria était incroyable. Le message du film était important pour elle dès le départ. Tous les acteurs jordaniens connaissaient le scénario et comprenaient immédiatement qu’il s’agissait d’émancipation féminine et d’autonomisation. C’était très important pour moi. Comme les dialogues étaient largement improvisés, il fallait qu’on se fasse totalement confiance.Chacun a donné un peu de lui-même, à travers sa personnalité et ses histoires. 

 

Le film se concentre sur des sœurs. Qu’est-ce qui comptait le plus pour vous, en développant leur relation ? 

 

Eh bien j’ai une sœur. Pour moi, avoir une sœur est la meilleure chose au monde. Je pense que si quelque chose devait arriver à ma sœur, je ferais n’importe quoi pour elle. Je voulais faire un film sur des sœurs, mais aussi sur des sœurs qui n’ont pas forcément des liens de sang. On peut se trouver une sœur dans un autre pays, trouver un terrain commun et s’entraider, d’où qu’on vienne. L’idée était que le film parlerait de solidarité entre femmes. 

 

Y a-t-il une raison particulière au fait que vous ayez situé le film en Jordanie ? 

 

À vrai dire, je voulais tourner le film en Irak, mais c’était trop délicat pour moi de ramener la troupe et l’équipe là-bas. Ensuite, j’ai enquêté sur la partie kurde de la Jordanie, à côté, et je me suis rendu compte que c’était similaire à l’Irak. C’est plus libéral et ouvert, mais il y a encore beaucoup de sexisme, comme dans tous les autres pays arabes. Quand on parle de sexisme en Europe, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi dans d’autres pays. Ce problème m’accompagne depuis le début de ma carrière. En Jordanie, il y a aussi eu l’affaire d’une femme appartenant à la famille royale qui a fui le pays. La deuxième femme du roi de Dubaï a également fui le pays. Ce genre d’histoires est très populaire dans la région. On les relate comme des histoires de feuilleton télévisé, comme une des télénovelas que les sœurs regardent dans le film. 

 

Comment étaient les conditions de tournage en Jordanie ? 

 

La Jordanie, c’est formidable. Beaucoup de films hollywoodiens sont tournés là bas. En gros, tous ceux qui parlent de terrorisme ou de guerre ou qui se passent dans le désert sont tournés en Jordanie.

Et comme beaucoup de productions hollywoodiennes vont là, les prix sont très élevés. Beaucoup de mes collaborateurs ont travaillé sur Dune 2 juste avant Moon. Je trouvais ça assez drôle. En tout cas, j’ai appris à aimer la Jordanie et j’ai rencontré là-bas quelques jeunes réalisatrices aussi. Quand elles m’ont parlé de leur jeunesse, ça m’a rappelé la mienne. Ça m’a fait penser à cette scène de Madagascar 2 où Marty la zèbre voit d’autres zèbres pour la première fois de sa vie. Quand j’étais jeune, il n’y avait que ma famille autour de moi. Mais ces réalisatrices sont comme moi, toutes kurdes. Comme nous ne tournions pas pour Hollywood, bien sûr, mais dans un style naturaliste et documentaire, il a été plus difficile de trouver des acteurs. Je voulais des actrices locales, qui parleraient de manière similaire et seraient crédibles comme sœurs… 

 

Où avez-vous tourné exactement ? 

 

Nous avons tourné dans une vraie villa. C’est, pour tout vous dire, un lieu fait pour accueillir des mariages, mais il avait été un peu négligé quand nous l’avons trouvé. Nous en avons rénové certaines parties pour le tournage. 

 

Les téléphones portables étaient déjà un motif important dans votre film précédent. Qu’est-ce qui vous fascine à ce point dans cet appareil ? 

 

Nous l’avons toujours avec nous, il fait partie de nous. Parfois, on a l’impression que c’est la chose la plus importante au monde. Le portable m’intéresse comme élément du dispositif narratif. J’aime aussi l’esthétique des vidéos sur portable et j’aime bien les utiliser. 

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche esthétique pour ce film ? 

 

Par rapport à Sonne, cette fois, je voulais créer des images plus calmes et composées. J’ai aussi utilisé les vidéos de portable plus discrètement. Les vidéos qui apparaissent dans le film devaient avoir un look différent selon le personnage qui les réalise. En même temps, les vidéos se réfèrent aussi à cette princesse qui a fui son pays, et qui a également communiqué à travers des vidéos enregistrées sur téléphone portable. 

 

Après Sonne et Moon, je suppose que votre prochain film s’appellera Stern (Étoiles) ? 

 

Exactement. Et il est déjà en préparation !

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