Documentaire / Portugal

CESÁRIA ÉVORA, LA DIVA AUX PIEDS NUS

Cesária Évora surnommée « La Diva aux pieds nus » n’a pas toujours connu la célébrité. Ce documentaire riche d’images d’archives inédites retrace les luttes, les excès et les succès de la légendaire chanteuse capverdienne qui rencontra tardivement la gloire internationale. D’une enfance difficile à des décennies de pauvreté, rongée par l’alcool et la dépression, elle finira par faire briller sa musique à travers le monde, la consacrant reine de la Morna. Profondément engagée et généreuse, son seul rêve fut d’être une femme libre.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2022

Ana Sofia FONSECA

1h34 – Couleur – Dolby Digital 5.1

29 novembre 2023

À PROPOS DU FILM

« Cesária Evora, la diva aux pieds nus » dépeint un portrait passionnant de la  légendaire chanteuse Cesária Évora, une femme née sous le Cap-Vert colonial, ayant atteint les sommets de l’industrie musicale mais qui a toujours, plus que tout, souhaité conserver sa liberté.

 

Le film évoque les contextes politiques et sociaux de la vie de Cesária Évora ainsi que les thèmes universels de liberté, et inégalité raciale et de genre, illustré par de nombreuses vidéos d’archives jamais vues auparavant, des enregistrements originaux de chansons et des témoignages uniques de proches qui connaissaient la femme au-delà de la légende.

 

Le film a été réalisé grâce à un procédé rigoureux et exhaustif de recherches, principalement illustré d’archives totalement inédites. Les différents formats des archives audios, films et photographies (Super 8, U-Matic, Betacam, Hi8 et Mini DV) reflètent l’incroyable longévité de la carrière de Cesária Évora.

 

Au lieu de se focaliser uniquement sur les performances scéniques de la diva, la majorité des archives proviennent d’images et de vidéos personnelles, filmées par ses proches, ce qui permet au spectateur d’apprendre à connaître la diva avec ses propres mots. Elle s’y révèle être un fascinant et complexe personnage.

 

Dans tous ses moments personnels privilégiés, elle tient plus que tout à conserver la valeur la plus importante à ses yeux : son besoin absolu d’être libre. Même si son monde change autour d’elle, passant de la misère et la pauvreté à un surprenant succès international, ce besoin demeurera ancré à tout jamais.

 

La réalisatrice Ana Sofia Fonseca utilise de multiples techniques afin de révéler graduellement le caractère de la chanteuse, sa puissance féministe et cette icône africaine révolutionnaire qu’elle est devenue. Au-delà du travail de recherche minutieux d’archives, la réalisatrice construit, au fil du film, au travers de multiples entretiens, des relations avec les amis et la famille de Cesária Évora. Le film montre aussi des images du Cap-Vert aujourd’hui, son pays natal qu’elle aimait tant, capturant la poésie de la mer, de la terre et de l’air qui ont façonné la femme et l’artiste.

PARCOURS EN QUELQUES DATES DE CESÁRIA ÉVORA

27 AOÛT 1941 naissance de Cesária Évora à Mindelo sur l’île de São Vicente au Cap-Vert.

 

Fille d’un guitariste-violoniste et d’une cuisinière, Cesária fait partie d’une fratrie de sept enfants. Son père joue du violoncelle pour nourrir la famille et décède alors que « Cize » n’a que sept ans. Sa mère ne gagnant pas assez d’argent pour nourrir ses enfants, elle la confie à un orphelinat où elle restera jusqu’à l’âge de 13 ANS. Sur place, elle intègre la chorale où elle apprend le chant.

 

Dès l’âge de 16 ANS, elle chante dans des bars, sur des navires de guerre portugais et lors de soirées privées. Elle émerveille le public et gagne un peu d’argent en chantant des chansons tristes, sur l’amour, la pauvreté, la mer. Elle chante aussi dans la rue, le blues, la « sodade » – le spleen, la tristesse.

 

Puis, à un peu plus de 30 ANS, elle se tait durant environ dix ans. Déjà grande fumeuse, elle plonge alors dans l’alcool et la solitude, pour tenter de soigner les blessures de sa vie.

 

1987 le réveil est un appel du Portugal où des concerts lui sont proposés. Elle accepte et rencontre alors un homme qui sera son mentor, son manager et producteur, le Franco-Capverdien José da Silva. Son destin est tracé. José lui offre de se produire à Paris. Le succès arrive, lentement, alors qu’elle approche la cinquantaine.

 

Surnommée la « Diva aux pieds nus » (« Diva dos pés descalços »), elle le doit à son habitude à se produire pieds nus sur scène. Ce surnom donnera son titre à son premier album qu’elle enregistre en France et sort en 1988. Naissance du label Lusafrica créé par Jose da Silva.

 

14 DÉCEMBRE 1991 première interprétation sur scène à Paris, au New Morning de Sodade, titre qu’on retrouve en 1992 dans son troisième album Miss Perfumado qui la fait exploser aux yeux du grand public à l’international. Elle vendra en France plus de 300 000 exemplaires de cet album. Sodade est une chanson très politique, qui évoque le travail forcé organisé par le pouvoir colonial portugais, obligeant des Capverdiens à travailler dans les plantations de cacao de São Tomé et Princípe, autre île africaine occupée par Lisbonne.

 

1992 elle se produit au Théâtre de la Ville à Paris lors de deux concerts qui rencontrent un énorme triomphe.

 

Se succèdent albums et concerts où, toujours, amour, « sodade », révolte, dureté et beauté des îles, sonorités africaines et cubaines, frisson, s’harmonisent par enchantement. Elle a un style unique, envoûteur, langoureux.

 

Voulant frénétiquement rattraper le temps perdu, elle se lance dans des tournées mondiales aux quatre coins du monde : Etats-Unis, Suède, Japon, Sénégal notamment.

 

1999 sortie de l’album Café Atlantico qui s’écoule à 770 000 exemplaires. Cette fois-ci, Cize choisit d’inviter des musiciens cubains et brésiliens, sans trahir le goût des mélomanes pour la tradition. Elle puise une nouvelle fois dans le répertoire de ses compositeurs fétiches qui côtoient de nouvelles grosses pointures musicales. Aux côtés de B.Leza, Manuel de Novas, Teofilo Chantre, elle propose des titres arrangés par Lazaro Dagoberto Gonzalez de l’Orquesta Aragon, et par le Brésilien Jacques Morelenbaum, ancien comparse de Caetano Veloso. C’est à la Havane à Cuba, qu’elle enregistre cet album dont les résonances profondes trouvent écho dans l’histoire de l’empire colonial portugais. Cafè Atlantico est le nom de la villa où elle reçoit sa famille et ses amis.

 

En 2000, elle reçoit la Victoire de la musique dans la catégorie Album de musique du monde de l’année pour cet album.

JUILLET 2003 Cesária est nommée Ambassadrice du Programme alimentaire mondial (PAM) à l’ONU.

 

2004 son album Voz d’amor sorti en 2003, après avoir remporté un Grammy Award ® aux Etats-Unis, décroche une nouvelle Victoire de la Musique en tant que Meilleur Album World de l’année. Au même moment, elle participe à l’album Carnets de bord de Bernard Lavilliers et partage avec lui le titre Elle Chante.

 

MARS 2008 elle est victime, lors de sa tournée australienne, d’un AVC et est contrainte de ralentir son rythme.

 

FÉVRIER 2009 elle est faite chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.

 

OCTOBRE 2009 elle sort son onzième album, Nha Sentimento (Mes sentiments).

 

MAI 2010 elle subit une opération à coeur ouvert. Une alerte sérieuse qui l’oblige à annuler une vingtaine de concerts mais ne lui fait pas pour autant arrêter la scène.

 

NOVEMBRE 2010 elle sort en France l’album de duos internationaux Cesaria Evora & … dans lequel elle interprète des duos notamment avec Cali, Bernard Lavilliers, Ismaël Lo, Salif Keïta, Caetano Veloso, Compay Segundo, Goran Bregovic et Marisa Monte.

 

27 AOÛT 2011 dernière apparition en France sur la scène du Grand Rex à Paris.

 

23 SEPTEMBRE 2011 son coeur fragile, qui a « flanché » plusieurs fois, la pousse à renoncer à son addiction, la scène. « Je regrette infiniment de devoir m’absenter pour cause de maladie, j’aurais voulu donner encore du plaisir à ceux qui m’ont suivie depuis si longtemps. La vie continue, je suis venue vers vous, j’ai fait de mon mieux, j’ai eu une carrière que beaucoup aimeraient avoir », confie-t-elle au quotidien Le Monde.

 

17 DÉCEMBRE 2011 elle s’éteint à l’âge de 70 ans sur son île natale.

 

Sa carrière d’enregistrement et de représentations se sera étendue sur cinquante-quatre années,

de 1957 à 2011 et elle aura sorti 12 albums studio entre 1988 et 2013.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Quel a été votre parcours avant de réaliser ce film ?

 

Depuis mon enfance, j’aime écouter et raconter des histoires. C’est donc tout à fait naturellement que je me suis tournée vers le journalisme. J’ai écrit pour des journaux et des magazines, puis j’ai commencé à réaliser des reportages et des programmes documentaires pour la SIC, une chaîne de télévision portugaise.

J’ai toujours voulu travailler dans le cinéma, mais parfois il faut attendre le bon moment pour vivre une grande passion. C’était mon cas. Comment ai-je su que c’était le bon moment ? Je ne le sais toujours pas. Tout ce que je sais, c’est que je ne pouvais plus m’arrêter de tourner

 

Quelle est la genèse du film ?

 

Le point de départ a été la curiosité. Je voulais en savoir plus sur Cesária Évora. Qui était cette femme qui a toujours placé sa liberté au-dessus de tout ? J’avais envie de comprendre comment une artiste noire et pauvre était passée de l’indigence à la célébrité ; à l’âge de 50 ans, tout en restant elle-même.

Trois jours après ses funérailles, en 2011, je me tenais devant ma maison sur l’île de São Vicente, qui se trouve à deux pas de la demeure de Cesária. Je pouvais voir la tristesse dans les yeux d’un peuple orphelin. Ce jour-là, je me suis dit pour la première fois qu’il faudrait faire un film sur cette femme incroyable. Mais à l’époque, j’étais encore loin d’imaginer que je réaliserai un film sur elle un jour.

 

Comment avez-vous eu accès aux archives qui nous montrent une Cesária Évora intime, chez elle, entourée de ses proches ?

 

Les recherches ont pris du temps et se sont avérées difficiles. Nous avons contacté des dizaines et des dizaines de personnes. Au début, tout le monde nous a dit qu’il n’y avait pas d’images. Après un an de prospection, nous n’avions pas de matière très intéressante, je peux le dire. Puis un jour, un musicien m’a apporté un sac en plastique contenant plus de dix films. Il ne les avait jamais vus auparavant et m’a dit : “C’est pour toi, mais fais attention, je ne sais pas ce qu’ils contiennent ». C’était une journée mémorable !

Ensuite, nous avons commencé à trouver de nouvelles archives à droite, à gauche. Un jour, le manager de Cesária m’a dit qu’il possédait à l’époque une caméra, mais il ne savait pas ce qu’il avait fait des images. Plus d’un an après, il a retrouvé un sac en plastique avec des bandes. Nous étions en pleine pandémie et j’ai dû attendre d’avoir un vol Mindelo-Lisbonne pour les découvrir. Quelle angoisse ! Mais cela valait la peine d’attendre car les vidéos étaient incroyables.

Mon film se compose d’images et de sons provenant de diverses sources, presque toutes issues d’archives privées. Grâce à ce film, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles qui nous ont beaucoup aidés et nous ont fait confiance, en nous donnant accès à leurs souvenirs mais aussi à leurs archives. Je ne peux que les remercier.

 

Pourquoi avez-vous choisi de ne garder que les voix de vos intervenants, plutôt que de les montrer à l’image ?

 

Je n’ai pas filmé les intervenants pour diverses raisons. Dès le départ, nous voulions que le film soit centré sur Cesária et que les spectateurs soient avec elle, qu’ils rentrent dans sa maison, se tiennent dans les coulisses. Les personnes qui apparaissent dans le film sont importantes : elles aident à contextualiser une époque et une réalité. Elles partagent des informations pertinentes sur Cesária qui contribuent à dresser son portrait. Elles ont joué un rôle important à des moments précis de sa vie. Il est donc logique de les voir à cette époque-là et non pas aujourd’hui. C’est pourquoi, elles apparaissent souvent dans des images d’archives.

D’autre part, je pense qu’avoir des intervenants face caméra ruinerait l’intimité que je souhaite  installer entre le public et l’univers de Cesária.

La dernière raison tient à l’importance de sa voix. C’est sa voix qui lui a ouvert le monde, sa voix qui a façonné son destin. Nous avons donc pensé que ce devrait être une sorte de « film vocal ». Les voix de ceux qui étaient les plus proches de Cesária s’unissent pour révéler son histoire.

 

Ce mélange de voix produit une sorte de partition…

 

Je l’espère.

 

Avez-vous cherché à donner une structure musicale à votre film avec ces quelques plans qui se répètent ?

 

Je voulais installer une « atmosphère » et créer une narration esthétique, spécifique à certains moments et à certains sujets. Ces plans créent une ambiance particulière et, à cet égard, on peut peut-être parler d’une structure musicale.

 

Vous utilisez beaucoup de plans de coupe de paysages capverdiens. Pourquoi ce choix ?

 

Je crois qu’il est nécessaire de comprendre l’environnement d’une personne pour la connaître. En ce qui concerne Cesária, il s’agit du Cap-Vert et plus particulièrement, de l’île de São Vicente et plus encore, de la ville de Mindelo. On ne parle pas seulement du sol sur lequel elle a marché mais de l’air qu’elle a respiré. Elle est cette mer bleue, ces montagnes arides, ce vent. On retrouve Mindelo dans sa personnalité, sa manière d’être, son humour…

 

Comment avez-vous conçu votre narration qui dépasse la success story classique ?

 

Cesária ne se résume pas à une histoire de succès. Elle représente bien plus que cela. Dès le départ, le film était censé parler de l’artiste, mais surtout de la femme, car sa voix est le reflet de sa vie.

 

Souhaitiez-vous raconter le caractère de Cesária Évora aussi à travers le passé colonial de son pays d’origine ?

 

Mon objectif était de faire le portrait de Cesária mais je ne pouvais pas y arriver, sans la connecter à ses racines. Comme je l’ai dit auparavant, elle était cette terre. Elle est “la diva aux pieds nus” pour une raison qui dépasse le marketing. Ou plutôt : le marketing n’a fait qu’accentuer la réalité. Cesária a grandi à l’époque coloniale. Comme la majorité de la population noire et pauvre, elle marchait pieds nus. Cesária appartenait à la frange la plus défavorisée et marginalisée de la société. Comme elle n’avait pas de chaussures, elle n’avait pas accès aux beaux quartiers et à la place principale de la ville. Un vécu comme celui-là façonne une personnalité. Je suis sûre qu’il existe mille façons de raconter une histoire, mais je ne peux pas aborder la trajectoire d’une personne, sans tenir compte du contexte, de l’époque et de l’espace dans lesquels elle a grandi et évolué.

 

Quand elle était en tournée, Cesária Évora cherchait à rencontrer des Capverdiens. D’où vient, d’après vous, ce besoin viscéral ?

 

Cesária n’a jamais été dépassée par le succès. Elle est toujours restée fidèle à elle-même et a préservé sa liberté. Être avec les Capverdiens, parler le créole, manger les plats typiques de son pays comptaient vraiment pour elle. Elle a parcouru le monde sans jamais vraiment quitter São Vicente.

 

De l’alcoolisme à la dépression, vous n’occultez pas la face sombre de Cesária Évora mais vous ne dramatisez pas non plus ces aspects. Pourquoi ce choix ?

 

Parce que ces aspects sont importants pour comprendre Cesária, mais ils ne la définissent pas. Cesária représente tellement plus.

 

L’épisode de son enfermement volontaire de dix années s’achève grâce à la musique. Etait-elle une manière de sortir de sa prison intérieure ?

 

Chanter était bien plus important pour elle qu’il n’y paraît. Je crois aussi qu’elle a quitté la maison cette nuit-là parce qu’elle l’avait décidé. Cesária faisait toujours ce qu’elle voulait, quand elle le voulait.

 

Si le mot n’est pas prononcé dans le film, pourrait-on toutefois la qualifier de féministe ?

 

Cesária était une femme très intelligente. Elle savait à peine écrire et ne connaissait pas des expressions comme « l’émancipation des femmes » ou « l’égalité des sexes », mais elle vivait ces combats au quotidien.

Elle ne faisait pas de discours, elle agissait. C’était à travers sa manière de vivre qu’elle défendait les droits des femmes.

 

Son affection pour le jeune Piroc est évoqué de manière pudique, tout comme l’homosexualité de ce dernier….

 

La relation entre Cesária et Piroc était fondée sur une profonde amitié, ou comme Piroc l’a décrit lui-même, une relation « mère-fils ». Piroc était initialement l’ami de sa fille. Ensuite, Cesária et lui sont devenus amis et confidents. Cesária accueillait tout le monde chez elle, mais plus joyeusement encore, ceux qui étaient les plus discriminés.

 

Vous ouvrez le film sur ses pieds. En quoi métaphorisent-ils ce qu’elle était ?

 

Je crois que pour connaître l’artiste, il faut connaître la femme. Cesária avait une voix exceptionnelle, nourrie par tout ce qu’elle avait vécu. Cette voix raconte la douleur et la joie, la vie difficile au Cap vert et l’émigration.

Les pieds de Cesária Evora sont devenus sa marque de fabrique. Elle était authentique. Bien qu’elle soit devenue une diva, elle n’a jamais cessé d’être une femme aux pieds nus. Et cette authenticité, cette liberté, cette fidélité à ce qu’elle était, sont surprenantes et envoûtantes.

 

Votre film s’achève sur une voix qui s’éteint. Pourquoi, sans elle, Cesária Évora ne pouvait plus vivre ?

 

Tout simplement parce que le chant était sa vie.

 

Est-ce que votre film a été projeté au Cap-Vert et en présence des membres de sa famille ?

 

Oui ! C’était incroyable de projeter le film au Cap-Vert ! En décembre 2022, nous avons eu trois projections à São Vicente, une à Santo Antão et trois à Santiago. La réaction des gens est quelque chose que l’on n’oublie pas. À São Vicente, il y a eu trois projections en plein air, chacune avec une capacité de plus de 600 places et elles étaient toutes complètes. La famille de Cesária avait déjà vu le film, Elle a eu l’occasion de le voir pour la première fois à Lisbonne, lorsqu’il a été présenté au Festival IndieLisboa. J’avoue que j’appréhendais un peu. Je suis allée au cinéma, en me demandant : « Qu’est-ce qu’ils vont penser ? » Je me suis calmée quand, deux minutes après le début du film, j’ai entendu ses petits-enfants rire énormément.

 

Votre film a été sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde. Quelles ont été les réactions du public ? Vient-il vous remercier pour le vibrant hommage que vous rendez à Cesária Évora ? Danse-t-il ou chante-t-il dans la salle ?

 

J’ai eu en effet la chance de présenter le film dans différents pays et la réaction du public dépend toujours de la relation qu’il entretient à Cesária. Au Portugal, au Cap-Vert, à Bruxelles ou à Cracovie, les salles étaient pleines de personnes qui avaient des souvenirs d’elle. Mais il m’est également arrivé de présenter le film dans des salles bondées où personne ne connaissait Cesária. Ce sont les projections les plus difficiles et, d’un autre côté, les plus signifiantes car c’est encore plus incroyable de voir le public passer du rire aux larmes.

J’ai vu beaucoup de personnes chanter, mais aucune n’a encore dansé. Ce serait merveilleux ! Je suis curieuse de voir la réaction du public en France. Cesária avait une tendresse particulière pour la France et pour les Français. Elle disait toujours que c’était la France qui avait fait son succès.

 

Propos recueillis par Sandrine Marques en juillet 2023

À PROPOS DE LA RÉALISATRICE

Ana Sofia Fonseca est une conteuse d’histoires innée.

 

Née au Portugal, elle vit entre son pays d’origine et le Cap-Vert où elle a une maison à deux pas de celle de Cesária.

 

Durant 20 ans, elle fut journaliste aussi bien en presse audiovisuelle qu’en presse écrite, années durant lesquelles elle reçut de nombreuses récompenses grâce notamment à son travail sur plus de 20 documentaires réalisés pour la télévision et publia six livres dont un roman.

 

Ana Sofia s’est toujours consacrée à raconter des histoires captivantes avec un attrait tout particulier pour la thématique des droits de l’homme et plus spécifiquement des histoires à propos des droits des femmes et des questions raciales.

 

En 2011 elle a aussi monté sa société de production basée à Lisbonne, Carrossel Produções. Elle travaille à raconter des histoires dans différentes langues et dans différents formats, avec une attention toute particulière sur des séries documentaires. Depuis 2018, elle développe des longs métrages.

 

« Cesária Evora, la diva aux pieds nus » est son second long métrage documentaire à sortir en salles, après « A whole life of September « (SETEMBRO A VIDA INTEIRA) en 2018 (inédit en France).

 

Elle travaille actuellement sur un nouveau film, une histoire très humaine, actuelle et introspective qui nous plonge au coeur de la guerre coloniale, qu’elle tournera au Portugal et au Mozambique.

LISTE ARTISTIQUE ET LISTE TECHNIQUE

Liste artistique

 

CESÁRIA ÉVORA surnommée La Diva aux pieds nus, Cize ou bien encore Reine de la Morna.

 

JANETE ÉVORA petite-fille de Cesária, née en 1991, année où la carrière de sa grand-mère décolle. Elle lui a inspiré la chanson Esperança Irisada, déclarant son amour à celle-ci. Janete est la fierté de la famille car elle fut la première à décrocher un diplôme universitaire. Actuellement, elle est nutritionniste.

 

JOSÉ DA SILVA manager de Cesária et plus proche ami. Alors qu’il n’est qu’un cheminot français gagnant le salaire minimum, Silva bouleverse sa vie pour parier sur la carrière d’Évora. Cette décision va changer à tout jamais la vie de chacun d’eux. Lorsque leur partenariat débute, Cesária, vit avec Silva et sa famille à Paris et se produit lors de petites performances pour la communauté africaine de la capitale. Ses débuts, fort humbles, la conduisent bientôt vers une célébrité mondiale.

 

BOUZIANE DAOUDI sociologue de formation, il fut longtemps journaliste spécialiste des musiques du monde au quotidien Libération et a beaucoup écrit sur Cesária. Il est auteur de nombreux articles de fond et de critiques artistiques et a aussi publié des essais principalement sur le raï.

 

PIROC cuisinier, majordome et confident de Cesária, intendant de sa maison au Cap-Vert.

 

ROSA DELGADO amie des années d’orphelinat de Cesária.

 

MANUELA FONSECA amie d’enfance et membre de l’élite du Cap-Vert. Joana, la mère de Cesária était la cuisinière de la famille Fonseca qui acceptait que leur fille joue uniquement avec Cesária dans le jardin de leur maison.

 

Avec les témoignages également de :

Fernando Andrade, Jorge Araujo, Jacques Erwan, Eduardo Evora, Seu Jorge ,Manecas Matos, Marisa Monte, Miroca Paris, Bonnie Raitt, Compay Segundo, Jaqueline Sena

 

Liste technique

 

Réalisatrice : Ana Sofia Fonseca
Directeur de la photographie :  Vasco Viana
Ingénieur du son : David Medina
Monteuse : Cláudia Rita Oliveira
Recherches d’archives : Ana Sofia Fonseca, Rosa Teixeira da Silva
Musique originale : Jose M. Afonso
Productrices : Ana Sofia Fonseca, Irina Calado
Productrice exécutive : Ana Sofia Fonseca
Producteurs associés : Agostinho Ribeiro, Ricardo Freitas
Coproducteur : Até Ao Fim Do Mundo
Distribution France : Epicentre Films

CE QU'EN DIT LA PRESSE

ROLLING STONE

Morna, coladeira, saudade, peu importe le nom que l’on a bien voulu accoler aux styles et aux sons qui ont accompagné ou fait sa trajectoire : c’est sa vie que chantait Cesária Évora, de la même façon que chanter était sa vie. C’est au demeurant cette authenticité qui transpire du documentaire. Marcher sur des œufs, même pieds nus, n’était que rarement au programme…

 

LA CROIX

Diva du Cap-Vert et première artiste africaine au rayonnement mondial avec Miriam Makeba, Cesaria Evora impressionne par son humanité dans ce film attachant et bien documenté.

 

LES INROCKUPTIBLES

Via un dispositif formel original, s’impose ici l’accomplissement d’une femme noire dont le tardif succès ne put lui faire oublier la précarité et un pesant patriarcat blanc.

 

LIBÉRATION

Sans renouveler le genre balisé de la biographie filmique, dont Cesária Evora fut déjà plusieurs fois le sujet, Ana Sofia Fonseca, élevée dans la diaspora du Portugal, parvient à livrer un documentaire à la tonalité intimiste mais à la portée universelle : le destin tout sauf banal d’une voix à laquelle l’industrie du disque refusa un temps ses faveurs, au motif que son image ne collait avec les canons […].