Combien ont sacrifié leur vie par amour ?
Avec LE CHOIX DU PIANISTE, j’ai à la fois choisi de travailler sur mes connaissances de la Musique et de l’Histoire mais aussi à travers le filtre de mes personnages sur des interrogations qui m’obsèdent et pour lesquelles je n’ai toujours pas de réponse.
Ces personnages, François, Annette et Rachel viennent tous les trois de milieux très différents pourtant la Musique liera leurs destins à jamais. J’aimerais que le spectateur soit au plus près d’eux. Eux, qui ne répondent à aucune loi politique ni pouvoir religieux, car seul leur Art fait loi. François, ira même jusqu’à trahir ses convictions et sa patrie en utilisant son unique arme: le piano, et jouera pour l’Ennemi afin de protéger Rachel de la déportation. Le scénario s’étend sur trois décennies, sûrement les plus douloureuses du XX ème siècle, et les protagonistes traverseront à la fois des périodes charnières de leur vie intime (adolescence, passage à l’âge adulte, découverte de l’amour, rencontre avec la mort…) et des événements sociaux bouleversants (Grande Dépression, Guerre, Occupation, Collaboration, Libération, Stigmatisation…). Pour personnifier cette époque sombre de notre Histoire, il nous fallait donc trouver des comédiens à tonalités multiples capables de déployer un registre de jeu le plus large possible, vivant des moments de bonheur absolu comme de désarroi dévastateur.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la musique a été profondément affectée par l’occupation allemande et les circonstances de l’époque. La vie culturelle, en France notamment, a été soumise à un certain nombre de restrictions et de censures imposées par les autorités allemandes, mais malgré cela, certains compositeurs et musiciens ont continué à créer en jouant ou en organisant des concerts clandestins. La musique de cette période reflète souvent un mélange de résistance,de désir de préserver la culture française et de la complexité émotionnelle associée à la guerre.
Les musiciens juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ont fait face à des défis extraordinaires en raison des politiques antisémites des nazis et des régimes alliés à l’Axe. Les persécutions ont touché la communauté musicale juive de différentes manières, mais de nombreux musiciens ont continué à jouer un rôle significatif malgré les difficultés. Beaucoup de musiciens juifs ont été contraints de quitter leur pays d’origine pour échapper aux persécutions. Certains ont été exclus de l’orchestre de l’Opéra d’État de Berlin.
Dans notre film,les autorités nazies demanderont à François, notre pianiste, de remplacer l’un d’eux, ce qu’il acceptera pour sauver la femme qu’il aime, Rachel. D’autres ont été déportés dans des camps de concentration et beaucoup mouraient même avant d’y arriver. Après la guerre, de nombreux musiciens juifs qui avaient survécu ont contribué à la reconstruction de la vie musicale en Europe et dans le monde.Certains ont joué un rôle clé dans la fondation de nouvelles institutions et dans la transmission de leur héritage musical. Pour revenir sur le destin de nos deux héroïnes, Rachel et Annette, elles ont peu de points communs, des parcours très différents et incarnent deux romantismes distincts. Rachel est dans la retenue quand Annette est dans l’explosion des sentiments. Cependant, ce sont toutes les deux des femmes indépendantes, très loin du modèle alors très répandu de la « femme au foyer», animées par leur passion, leur résistance, leur ténacité, leur détermination et l’Amour. Rachel se battra pour faire naître le pianiste, puis Annette se battra pour le ressusciter.
Ce sont des femmes modernes pour leur époque, qui sont dans l’action et qui prennent des risques par conviction. Rachel s’engagera au Parti Communiste pour apporter la musique aux plus défavorisés jusqu’à ce que l’injustice de la guerre la rattrape et Annette aura l’audace de mentir à tous, pour réhabiliter l’homme qu’elle aime en passant outre la morale. Pour le rôle du pianiste,nous avons cherché avec Nelly Kafsky, la productrice, un jeune comédien pouvant à la fois être crédible dans un rôle de musicien et répondre aux contraintes de jeu inhérentes à ce personnage ambigu.Interpréter ce rôle requiert l’aptitude à mettre en exergue l’ambivalence présente en chaque être humain,si impalpable et difficile saisir sans caricature, et susciter chez le spectateur deux émotions quasi antagonistes, la détestation et la compassion. Après des essais très convaincants et prometteurs,nous avons choisi Oscar Lesage Ce formidable jeune comédien et musicien franco-britannique a un grand avenir devant lui. Il possède un talent hors du commun, fruit de sa passion pour le métier d’acteur qu’il cultive depuis son plus jeune âge. Sa prestance et son humanité innées m’ont séduit. Rachel est incarnée par Pia Lagrange, exceptionnelle comédienne de théâtre qui a réussi à transmettre l’étrangeté de ce personnage, sa fragilité, sa force et ses contradictions. Quant à la jeune et pétillante Zoé Adjani, elle apportera une touche de fantaisie et de révolte, propre à son âge et à son temps. Dès ma première entrevue avec elle, j’ai tout de suite remarqué la similitude de tempérament entre le sien et celui d’Annette.
J’ai réalisé LE CHOIX DU PIANISTE pour plusieurs raisons profondément personnelles et artistiques.Tout d’abord,ce film représente une opportunité de rendre hommage à la résilience humaine, en particulier pendant une période aussi sombre que la Seconde Guerre Mondiale. À travers les personnages de François, Rachel et Annette,je souhaitais explorer la manière dont la musique pouvait servir de refuge et d’inspiration, même dans les moments les plus désespérés.
En mettant en lumière leurs histoires complexes et leurs choix difficiles, je voulais offrir une représentation authentique de personnes confrontées à des défis extraordinaires, tout en suscitant une réflexion sur l’importance de se souvenir de notre histoire collective. En fin de compte, ce film est bien plus qu’une simple histoire à raconter; mais une expérience cinématographique immersive et enrichissante, capable d’inspirer, d’émouvoir et d’espérer éduquer longtemps après le générique de fin.
Jacques Otmezguine