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Au Pérou, à Taïwan et au Sri Lanka, des groupes de jeunes adultes partagent leurs expériences, leurs rêves et finissent par se rencontrer en abolissant toute frontière. Le réel et le merveilleux se superposent dans ce documentaire tourné en 360 degrés et monté avec un casque de réalité virtuelle. Un dispositif inédit qui nous plonge dans un voyage immersif et suspendu où les images se métamorphosent sous nos yeux.
2023
Eduardo WILLIAMS
Eduardo WILLIAMS
Meera NADARASA, Sharika NAVAMANI, Livia SILVANO
2h01 – Couleur – Dolby Digital 5.1
3 Juillet 2024
Le film est filmé dans beaucoup de pays, pourquoi cette dynamique, cette envie de géographie presque sans limite ?
Dans mes propres expériences de voyage pour montrer mes films et faire du cinéma, j’ai toujours partagé, confronté mes idées avec des personnes de différents pays, et qui sont aussi dans des contextes sociaux différents. Ainsi, mes idées liminaires sont reprises, transformées par chaque personne agissant dans chaque lieu et dans les différentes situations proposées tant par eux que par moi. L’une des principales différences avec le film précédent est que dans celui-ci, je ne suis pas le seul à voyager d’un endroit à l’autre, mais les acteurs de chaque lieu vont d’un pays à l’autre et vivent à leur manière l’échange de cultures et de langues proposé par le film. Au fur et à mesure où le film avance, il est de moins en moins évident de distinguer dans quel pays nous nous trouvons. C’est pour moi une des manières pour que le film puisse provoquer une certaine confusion, un certain état proche du rêve en essayant d’accéder à différents modes d’observation. C’est aussi pour moi une manière de se poser des questions, d’accéder à des idées, à un état qui ne seraient pas accessibles dans un pays où l’on sait toujours où l’on est et où l’on va.
On sent que le film réfléchit beaucoup à ce qu’est le voyage, ce qu’il provoque ?
L’idée de pouvoir voyager, se déplacer à travers le monde n’est pas vécue, ni même possible de la même façon en fonction d’où l’on habite. Pour certains, c’est une chose normale dans cette société mondialisée, pour d’autres c’est rare, pour d’autres c’est une illusion et pour d’autres c’est carrément impossible. En raison de leur situation économique ou de choix politiques faits par les États, il est presque impossible pour ces jeunes gens d’avoir accès à une quelconque éducation ou de se déplacer dans le monde, même s’ils ont l’argent pour le faire. Le film aborde cette question dans sa possibilité même et dans son histoire, tout en partageant une illusion de fluidité et de liberté de mouvement, de partage. L’un des principaux paradoxes qui construit le film se situe autour de l’illusion de ce que nous aimerions être, de ce que nous voudrions être et la réalité de ce que nous sommes. Il n’est pas toujours facile de séparer ces deux éléments, car souvent ce qui est surréaliste pour les uns est un endroit normal et quotidien pour les autres. Ou de la même façon, ce qui semble être une situation très embarrassante pour certains est une situation normale pour d’autres. Un son qui n’est absolument pas reconnaissable pour l’un est plein d’informations et totalement normal pour l’autre etc. Je cherche donc à mettre en tension une certaine relativité, qui correspond à des agencements sociaux, géographiques et non à une réalité immanente.
On a l’impression que ce film est une sorte d’exutoire pour les personnages ?
Ce qui est partagé par presque tous les gens que j’ai rencontrés, partout où je suis allé, c’est cette impossibilité de pouvoir choisir ce que l’on fait de son temps Nous savons que nous sommes presque tous obligés de passer le plus clair de notre vie à essayer de gagner de l’argent et la plupart des gens ne peuvent pas choisir le travail qui occupe leur temps. Les personnes que j’ai rencontrées me disent toutes qu’elles aimeraient essayer de consacrer leur temps à une chose qui leur tiendrait vraiment à cœur, mais ils ne le peuvent pas parce qu’ils sont pris dans des contingences matérielles et qu’ils essaient tous de gagner de l’argent pour vivre voire juste survivre. Cela se produit dans des contextes sociaux et culturels très différents, plus ou moins privilégiés, et ça semble être le même lot pour tout le monde. Ce qui, en revanche, est loin d’être évident, c’est comment se sortir de cette injonction. Lorsqu’il n’y a pas de possibilité concrète, ce qui est le cas ici, la fantaisie et l’imagination peuvent être un bon moyen de sortir du commun et de l’attendu. Je crois que le cinéma peut proposer au spectateur de nouvelles façons d’observer, de faire partie d’un groupe de personnes qui veulent aller vers l’inattendu et qui pourraient collaborer pour trouver de nouvelles réponses un jour.
Et pourquoi ces pays plutôt que d’autres ?
Les tournages au Sri Lanka, au Pérou et à Taïwan suivent, comme dans The Human Surge, mon envie de créer des liens entre des personnes de pays que l’on ne voit habituellement pas connectés entre eux. Le film ne dit jamais au spectateur dans quel pays on est, afin d’éviter tout a priori. Nous sommes donc projetés dans chaque situation, apprenant de ce que nous voyons et de ce que nous écoutons à chaque instant. J’essaie aussi de restituer quelque chose de l’expérience que j’ai eue dans chaque pays. Depuis que je suis jeune, je parcours le monde de manière virtuelle, en étant devant mon ordinateur à voyager sur internet, aussi beaucoup des idées pour mes films viennent de cette façon de vivre, d’expérimenter la vie. En voyageant dans différents endroits du monde et en apprenant des habitants par l’expérience du corps, par ce que chaque personne que je rencontre me dit de sa vie et de son contexte, j’essaie d’apporter au film une façon différente de faire l’expérience de ce qui nous entoure. Ainsi, il y a une combinaison particulière qui s’opère entre des expérience physiques et virtuelles qui renvoie forcément à l’une des nombreuses réalités dans lesquelles nous vivons.
Pourquoi le choix de tourner en VR ?
Dans mes films, j’ai toujours été intéressé par l’utilisation de nouveaux outils, ou des outils détournés de leur usage premier, en espérant que cela apporterait des façons différentes d’exprimer des idées et en espérant que cela permettrait de penser différemment. J’ai utilisé des caméras de cinéma, de toutes petites caméras vidéo, de grosses caméras professionnelles, bref j’ai essayé plein de choses différentes. Ici, nous avons utilisé pendant toute la durée du tournage une caméra à 360°. Cette caméra possède 8 objectifs disposés en cercle couvrant une vision à 360 degrés. Le type d’image que produit cette caméra peut fait penser à des cartes virtuelles, une façon pour de nombreuses personnes de voyager à travers le monde aujourd’hui. Cette camera rappelle aussi les caméras automatiques et leurs systèmes électriques automatisées où l’on a affaire à des mouvements électriques non organiques. À cela s’ajoute le fait que l’on peut sentir les pas de la personne qui tient la caméra, le spectateur peut alors imaginer que c’est un humain qui la tient, ou un robot humanoïde voire même un extraterrestre, car il est difficile de décrire le type de mouvements et de regard qu’elle produit. En somme je trouve que c’est une caméra qui permet de figurer les questions actuelles de représentation, de renouveler les formes pour renouveler les regards.
Et comment s’est passé le montage et le retravail de l’image ?
Cette caméra est conçue pour la réalité virtuelle, mais je l’ai utilisée pour un film destiné à être projeté au cinéma. La principale différence – très importante – avec les autres caméras c’est que le cadrage du film ne doit pas être décidé pendant la prise de vue donc au moment du tournage, mais au moment du montage. J’enregistrais les mouvements de ce que je filmais tout en regardant les images filmées en direct dans le casque de réalité virtuelle. Cela me permettait de choisir le cadre par l’intermédiaire de mon corps, de ces mouvements . Je crois que changer la façon et le moment où nous pensons et décidons du cadre d’un film ouvre de nombreuses perspectives sur la manière d’observer au cinéma. Le fait de décider du cadre par le mouvement de ma tête et de mon corps apporte également une nouvelle façon de voir les choses, une nouvelle combinaison entre le virtuel et le corps. Cela renvoie à un vieux fantasme, celui de pouvoir faire un film en enregistrant ce que nos yeux voient de façon instantané, et un fantasme lui plus récent, de pouvoir revisiter une prise de vue, d’en avoir tous les environs à disposition. Ainsi dans les rushes, nous pouvions voir ce qui se passait autour de l’élément principal de la scène, nous pouvions voir comment la scène fictive était entourée par la vie quotidienne des gens qui passent à côté d’elle et observent. En filmant via le casque, j’ai ainsi pu avoir un contrôle assez inédit sur comment le cadre évoluait pendant la durée du film.
Eduardo Williams est né en 1987 à Buenos Aires. Après des études à la Universitad del Cine et au Fresnoy, il réalise plusieurs courts-métrages, avant de réalisé son premier long-métrage The Human Surge qui remporte le Pardo d’oro dans la catégorie «Cineasti del presente» au 69e Festival du film de Locarno. The Human Surge 3, également en compétition à Locarno en 2023 est son second long-métrage.
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