Fiction / Belgique, Pays-Bas

Avant que les flammes ne s’éteignent

Suite à la mort de son petit frère lors d’une interpellation de police, Malika se lance dans un combat judiciaire afin qu’un procès ait lieu. Mais sa quête de vérité met en péril l’équilibre de sa famille.

ANNÉE

2023

NOTE D'INTENTION

Il y a quelques années, on m’a donné le roman de Lize Spit, Het Smelt (paru en France sous le titre Débâcle), accompagné du message suivant : « Lisez-le, je crois que vous devriez l’adapter au cinéma ». À l’époque, j’étais en plein tournage d’une série télévisée et cette proposition sortie de nulle part m’a laissée un peu abasourdie. Je n’avais aucune expérience de la mise en scène… Pourtant, c’était un rêve que je chérissais secrètement et cette suggestion a semé une petite graine en moi. J’ai lu le livre plus tard, et ce best-seller, traduit dans plus de 15 pays, m’a bouleversé. Dans cette histoire hors du commun, on suit une jeune femme, Eva, aux prises avec les fantômes du passé, qui décide de prendre le contrôle de son existence. Après plusieurs années de travail sur le scénario pour m’approprier cette histoire, je suis ravie de présenter mon film au public. J’espère que le cheminement d’Eva saura vous happer, celui de l’enfant sensible assoiffée d’amour comme celui de la jeune adulte meurtrie, qui tente de surnager dans un monde accablant, qui exige des gens résilience et réussite, et où on veut exister aux yeux des autres. La solitude infinie d’Eva me touche terriblement : son désir d’affection, d’attention et de compréhension; son état de malaise, presque glacé, qui l’empêche aussi bien de donner que de recevoir le moindre sentiment. Elle devient sa propre ennemie et, par-là, se coupe de tout son entourage. Ce film, je l’ai fait pour tous ceux qui enfouissent leurs souffrances au plus profond d’eux-mêmes, à un endroit où personne ne pourra les deviner et d’où elles les dévorent peu à peu. Un mutisme extérieur cache souvent un esprit qui hurle à s’en briser la voix. C’est nous, les autres, qui ne l’entendons pas. Ou peut-être, qui ne faisons pas l’effort d’écouter?

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Veerle Baetens, est née en 1978 à Brasschaat dans la province d’Anvers. Elle étudie le piano dans une école de musique, puis le théâtre musical au Conservatoire royal de Bruxelles. Par la suite, elle obtient plusieurs rôles dans des pièces de théâtre et lance sa carrière à la télévision pour VTM. En 2005, elle remporte le prix musical John Kraaijkamp pour son rôle dans la version théâtrale de Fifi Brindacier. En 2012, elle se lance dans la musique et devient chanteuse d’un groupe nommé Dallas qu’elle fonde avec Sandrine Collard. Dallas sort l’album Take It All en 2012. L’une des chansons figure sur la bande originale du film ALABAMA MONROE. En 2013, la France la découvre au cinéma dans le rôle d’Élise dans ALABAMA MONROE The Broken Circle Breakdown) qui remporte en 2014 le César du Meilleur Film Etranger et est nommé à l’Oscar du Meilleur Film Etranger. Son rôle dans le film de Felix Van Groeningen lui permet de se faire connaître au niveau international et de remporter le prix de la Meilleure Actrice du film narratif au Festival du Film de Tribeca et le Prix du Cinéma Européen dans la catégorie «meilleure actrice européenne». En 2016, elle reçoit le Magritte de la Meilleure Actrice pour UN DÉBUT PROMETTEUR et en 2018 pour DUELLES. En 2019, elle est la partenaire de Guillaume Canet dans le film remarqué AU NOM DE LA TERRE. En 2023, elle signe avec DÉBÂCLE son premier long métrage en tant que réalisatrice, adapté du roman écrit par Lize Spit. Elle en co-signe également le scénario. Elle a aussi joué dans des séries TV principalement diffusées aux Pays-Bas ou en Belgique. En 2008, elle remporte le prix de la Meilleure actrice aux Vlaamse Televisie Sterren pour son interprétation dans la série Sara, version flamande de la série Ugly Betty. Elle tient pendant trois ans le rôle du commissaire Hannah Maes dans la série Code 37. En 2016, elle joue dans Au-delà des murs, une mini-série fantastique réalisée par Hervé Hadmar diffusée sur Arte. Prochainement, on la retrouvera en France à l’affiche de la nouvelle Création Originale CANAL + intitulée Plaine Orientale de Pierre Leccia.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette histoire quand vous avez découvert le roman Débâcle (Het Smelt) de Lize Spit? 

 

Ce qui m’a frappé, c’était la solitude incommensurable d’une petite fille qui cherche l’approbation et la reconnaissance d’autrui. Plus tard, c’est cette femme esseulée, complètement isolée du monde, qui lutte contre le manque d’assurance et de confiance en elle, des sentiments qui ne me sont pas étrangers. C’est ce versant du récit qui m’a attrapée. J’ai aussi pensé que le bloc de glace qu’elle trimballe avec elle amenait beaucoup de suspense. J’ai immédiatement senti qu’il y avait un film à en tirer. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour adapter le livre au cinéma? Le changement majeur, c’est qu’on a fait d’Eva, adolescente et adulte, quelqu’un de beaucoup plus actif que dans le livre. Dans le passé, elle prend davantage l’initiative pour s’intégrer au groupe de copains; dans le présent, c’est elle qui fait advenir les choses, notamment quand elle retourne dans sa ville natale. Dans le livre, Eva est une protagoniste plus passive. Son histoire est racontée en monologue intérieur, or je ne voulais pas de voix off. Dans le roman, les personnages sont plus froids; dans le film, je souhaitais que les spectateurs s’attachent à eux malgré tout. Il fallait opérer des transformations sans perdre l’atmosphère du livre – par exemple, nous ne sommes pas allés jusqu’à faire d’Eva une héroïne. Par ailleurs, dans le livre, trois récits temporels s’entremêlent sur plus de 430 pages; à l’écran, nous avons resserré l’intrigue sur deux temporalités.

 

Lize Spit, l’autrice du livre, a-t-elle été impliquée dans l’écriture du film? 

 

J’ai échangé plusieurs fois avec elle et elle a lu 2-3 versions du scénario. Elle a aussi vu un premier montage du film et fait des remarques intéressantes. Mon coscénariste, Maarten Loix, m’a énormément aidé, surtout pour la fin : il en avait une vision très claire, alors que moi, je me sentais un peu coincée. Maarten et moi étions en parfaite harmonie. Quand un passage me laissait insatisfaite, il ne cessait de revenir sur les changements que je proposais et sur leur impact sur le déroulement de l’histoire. Il est à la fois très intelligent et très sensible.

 

Quel a été le défi principal dans cette double temporalité? 

 

On doit amener le public à croire qu’Eva enfant est la même personne qu’Eva adulte. On a orienté le montage de façon à que le personnage conserve l’affection du public. À l’écriture, on alternait sans cesse entre passé et présent; c’est au montage qu’on a constaté qu’il valait mieux rester plus longtemps avec notre protagoniste dans chaque époque. En tant que spectateur, on peine davantage à s’attacher à Eva adulte parce qu’elle s’est coupée des autres : elle est mal à l’aise, elle ne sourit pas, on a du mal à s’identifier à elle.

 

Comment avez-vous choisi vos actrices Rosa Marchant (Eva jeune) et Charlotte De Bruyne (Eva adulte)? Comment avez-vous su qu’elles pourraient incarner le même personnage, bien qu’elles ne se ressemblent pas à l’identique?

 

J’ai d’abord embauché les jeunes acteurs, parce qu’il est beaucoup plus difficile de trouver un enfant qui soit bon comédien. Pour Eva adulte, il me fallait une excellente actrice. Un jour, j’ai vu une photo de Charlotte. J’ai réuni Charlotte et Rosa et je leur ai demandé de refléter les gestes de l’autre et de discuter entre elles. Ce n’était pas une audition, je les ai simplement mises l’une en face de l’autre. À les voir, j’ai senti que ça allait marcher. Comme on a filmé les séquences de l’enfance en premier, Charlotte a pu regarder les scènes de Rosa et s’inspirer de sa manière d’être. Elle a repris ses tics pour en jouer dans sa propre prestation : le résultat est impressionnant.

 

Comment avez-vous préparé Rosa pour son premier tournage? 

 

Rosa est inscrite dans une école Steiner, où s’exerce une pédagogie beaucoup plus libre et créative. Quand elle s’est présentée aux auditions, on a tout de suite compris qu’elle était très intelligente. À l’entendre parler, on la croyait immédiatement. C’est une enfant adorable et gentille. On s’est aussi vite aperçu qu’elle avait une sacrée imagination! Elle sait ne pas se faire remarquer, mais dès qu’elle se met dans la peau du personnage, on ne voit plus qu’elle. On a fait de nombreux ateliers de préparation avec les jeunes acteurs, avec beaucoup de discussions. Je voulais qu’on apprenne tous à se connaître et à se faire confiance, pour créer un environnement de travail sûr.

 

Le film soulève des sujets particulièrement sensibles. Avez-vous collaboré avec des spécialistes de la santé mentale pendant la production?

 

Nous avons fait appel à une psychologue spécialisée dans les traumatismes. Au tout début de la production, elle a eu une discussion avec les enfants, ainsi qu’avec leurs parents. Elle a assisté au tournage des scènes les plus dures. Moi, spontanément, quand on bouclait une scène difficile, j’avais envie de faire un câlin à l’enfant et de le plaindre du fond du cœur. J’ai appris qu’il valait mieux les faire sortir du plateau et les laisser jouer à Tetris, ou même faire quelque chose qui n’avait rien à voir. Étant actrice moi-même, je sais qu’un acteur adulte veut pouvoir compter sur son réalisateur ou sa réalisatrice, et sentir qu’il/elle se préoccupe de notre bien-être. On doit se sentir en sécurité et faire confiance au metteur ou à la metteuse en scène pour se permettre certaines choses et s’abandonner au rôle.

 

Quel a été le plus grand défi dans la production de ce film? La préparation, le tournage, le montage? 

 

Je suis arrivée sur le tournage très préparée – j’ai notamment reçu l’aide d’une coach de renom, Judith Weston, spécialisée dans la direction d’acteurs. Je savais ce que je voulais et ce que je faisais, les enfants étaient au taquet, et tout a parfaitement roulé sur le plateau. Le plus difficile a sans doute été la préproduction : à ce moment-là, on a l’impression d’être la seule à tout avoir dans la tête et il faut mobiliser ses collaborateurs pour leur faire comprendre notre vision. Quant à la postproduction, c’était l’étape la plus mystérieuse à mes yeux d’actrice, car le seul processus qui m’était familier jusque-là était la postsynchronisation en studio.

 

Comment avez-vous créé un langage visuel qui mette en valeur le récit? 

 

Notre directeur de la photographie, l’incroyable Frederic Van Zandycke, m’a proposé l’exemple de BLUE VALENTINE – un film qui reste proche des personnages sans nécessairement montrer la totalité de ce qu’ils voient. On n’explique pas où ils sont, c’est laissé à l’imagination du spectateur. À l’écran, Eva jeune est d’abord filmée en plan large au début. Puis, petit à petit, c’est comme si elle était bloquée dans le cadre. Il y a aussi les échanges entre Eva et sa mère, qui ne sont jamais filmées ensemble, afin de montrer la distance qui les sépare. Dans les scènes d’Eva adulte, on est très proche d’elle au départ, parce qu’elle est coincée dans sa petite bulle. On a souvent laissé la caméra tourner longtemps, avec des prises sans interruption, pour aider les acteurs à jouer et saisir une forme de réalité. Concernant l’étalonnage, on voulait une impression très forte d’été, pour ne pas rendre l’atmosphère générale encore plus pesante. L’image reste gaie. Nos inspirations visuelles étaient LES GOONIES, ou bien STAND BY ME. On cherchait ce type de teintes, avec un peu de grain dans l’image. Dans les séquences hivernales, qui sont forcément plus froides, il fallait éviter le ton sur ton. Eva est souvent habillée en bleu, adulte comme enfant, alors on a fait attention à ça. Le bleu apporte du froid dans les scènes d’hiver, car il fait plus sombre. Mais on ne souhaitait pas non plus une ambiance d’un blanc froid et glacé.

 

Quelles réflexions espérez-vous susciter chez le public avec ce film? 

 

Je voulais faire un film sur les gens fragiles, qui ont tendance à tout absorber et avec lesquels le monde est souvent sans merci. Beaucoup de films parlent de résilience, du fait de rester fort. Ce film-là, je l’ai fait pour tous ceux qui enfouissent leurs souffrances au plus profond d’eux-mêmes, à un endroit où personne ne pourra les deviner et d’où elles les dévorent peu à peu. Dans la vie réelle, on connaît tous des gens qui sont peu à l’aise en société, ou bien réservés, déprimés, d’un abord difficile. On leur dira de faire un effort, de sortir de leur coquille, mais ce n’est pas si simple pour tout le monde. Il arrive que les choses ne soient pas ce qu’elles paraissent. Personnellement, n’ayant pas subi de traumatisme, il m’est plus facile de parler de certains sujets. Mais pour certains individus, le traumatisme est si profondément enfoui qu’il leur est impossible de le révéler au grand jour : pour eux, ce serait trop menaçant. Alors j’espère que ce film saura amener les gens à faire preuve d’empathie.

LISTE TECHNIQUE

Réalisation : Veerle Baetens
Scénario : Veerle Baetens et  Maarten Loix
Adapté du roman « Débâcle » de Lize Spit (Actes Sud)
Direction de la photographie : Frederic Van Zandycke
Montage : Thomas Pooters
Décors : Robbe Nuyttens
Son : Geert Vlegels, Pedro Van Der Eecken
Costumes : Manu Verschueren
Musique Originale : Bjorn Eriksson
Production : Savage Film – Prpl – Versus Production
Producteur : Bart Van Langendonck
Co-Production : Ellen Havenith & Jacques-Henri Bronckart
Distribution France : Jour2fête
Ventes Internationales : The Party Film Sales

LISTE ARTISTIQUE

Eva Enfant : Rosa Marchant
Eva Adulte :  Charlotte De Bruyne
Tess : Amber Metdepenningen
Laurens : Matthijs Meertens
Tim : Anthony Vyt
Papa Jo : Sebastien Dewaele

CE QU'EN DIT LA PRESSE

LA SEPTIÈME OBSESSION

Cri désespéré, « Débâcle » est un film d’une puissance inouïe. Un geste contre le silence et qui appelle les femmes au refus d’être là uniquement pour ne pas faire défaut.

 

LA VOIX DU NORD

Un film maîtrisé, porté par deux formidables comédiennes, dont on sort sonné.

 

LES FICHES DU CINÉMA

La double temporalité du récit, l’angoisse lente et le crescendo, la représentation de la violence sans concession ni complaisance : rien n’est laissé au hasard dans le premier film de Veerle Baetens, qui, passées les maladresses d’usage, démontre une force indéniable.

 

LIBÉRATION

Le terrain est glissant, mais le film ne se dérobe que rarement. Toujours juste et inspiré dans sa représentation de la préadolescence, qui joue beaucoup sur les atmosphères familières, le geste anodin, et doit beaucoup en ce sens à la fantastique Rosa Marchant, dans le rôle de la jeune Eva.

 

OUEST FRANCE

Un film coup de poing qui évite tout voyeurisme.

 

aVoir-aLire.com

L’exploration indicible du drame de l’enfance trouve ici une réalisatrice à suivre : Veerle Baetens y observe avec une attention rare le glissement progressif de l’innocence vers la culpabilité. Un film important, bouleversant.

 

LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ

A la manière de son compatriote Lukas Dhont (Girl, Close), Veerle Baetens filme la vie perdue d’une jeune fille sans complaisance, sans voyeurisme.

 

LE MONDE

En simplifiant la trame du roman, la réalisatrice Veerle Baetens livre un premier film âpre, où l’éveil des sens n’a plus rien de charmant.

 

PREMIÈRE

Veerle Baetens filme toujours à bonne distance et avec des choix de cadre pertinents la violence morale et physique ici distillée, ne détournant jamais hypocritement le regard.