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Octobre 1958, en pleine guerre froide, des scientifiques yougoslaves sont gravement irradiés dans le cadre d’une mission tenue secrète. Ils sont soupçonnés de travailler à la fabrication d’une bombe nucléaire. Rapatriés en France, ils sont pris en charge par le professeur Mathé à l’Institut Curie. Une course contre la montre s’engage alors pour les sauver…
2023
Dragan BJELOGRLIĆ
Vuk RŠUMOVIĆ, Ognjen SVILIČIĆ, Dragan BJELOGRLIĆ
Alexis MANENTI, Radivoje BUKVIC, Lionel ABELANSKI
2h00 – Couleur – Dolby Digital 5.1
5 juin 2024
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés réorganisent l’Europe et décident du sort de l’Allemagne vaincue, divisée en quatre zones d’occupation. Cette période voit s’opposer deux superpuissances : d’un côté, les États-Unis avec le bloc de l’Ouest et de l’autre l’URSS, le bloc soviétique à l’Est. Ces deux « blocs », possédant chacun de puissants alliés, ne s’affrontent jamais directement. La guerre froide est marquée par une course aux armements, où l’arme nucléaire devient un outil de dissuasion. Pendant la guerre froide, la Yougoslavie a occupé une position singulière en tant que nation socialiste non-alignée entre les blocs communiste et capitaliste. Avant 1948, elle entretenait des liens étroits avec l’Union soviétique. Toutefois, après le refus du dirigeant yougoslave, de se soumettre à Staline, la Yougoslavie a été éjectée du bloc soviétique. Cette rupture a engendré une politique étrangère non-alignée, où la Yougoslavie cherchait à maintenir son indépendance tout en évitant de s’aligner explicitement sur l’un ou l’autre camp de la guerre froide.
Le 15 octobre 1958, au laboratoire de physique nucléaire de l’institut des sciences nucléaires de Vinča, en Serbie, est survenu un accident atomique sur un réacteur nucléaire causant l’irradiation mortelle de cinq scientifiques. Transférés à l’hôpital Curie de Paris, ils ont été pris en charge par le Docteur Henri Jammet et le Docteur Georges Mathé. En 1959, ce dernier a réalisé ses premières greffes de mœlle osseuse sur les physiciens yougoslaves, marquant le début d’une carrière dévouée à la recherche médicale en immunologie et en hématologie-oncologie.
Cette histoire est méconnue en Occident, est-elle connue en Serbie ?
C’est une chose très intéressante, en Serbie, les gens connaissent ces événements, mais ne connaissent pas la réalité entière de l’histoire. Il y a une sorte de mystère qui l’entoure, car cela s’est passé au plus fort de la guerre froide. À cette époque, il n’y avait que cinq instituts nucléaires dans le monde. Le fait qu’ils aient passé le Rideau de fer pour venir à l’Ouest se faire soigner, que des docteurs aient essayé de les aider, je crois – mais je n’ai pas de preuves – qu’il y a eu une sorte d’arrangement entre deux services secrets qui ont fait que les informations soient sorties au compte-goutte, de manière superficielle. Je me souviens de cet événement, je savais qu’il s’était passé quelque chose au centre de Vinča, mais on ne savait pas exactement quoi. Nous n’avons également pas eu connaissance des événements à Paris, cette énorme solidarité montrée par là-bas. Les Français.es ne connaissent pas cet épisode non plus, ils ne savent pas que c’est à cette occasion qu’il y a eu les premières transplantations de mœlle osseuse. Je pense que c’est à cause des circonstances qui entourent ces premières transplantations que le Professeur Mathé n’a pas reçu le Prix Nobel pour cette découverte. C’est ce qui m’a inspiré, cette aventure humaine qui ressemble à un conte de fée, combiné au fait que cela est resté confidentiel. Même de nos jours, en Serbie, on ne trouve pas de publications sur le projet secret d’armes nucléaires. Il y a quelques éléments dans des entretiens que des membres du centre ont pu donner après la Chute du mur, mais les documents n’ont toujours pas été déclassifiés. Ce qui est aussi étrange, c’est qu’ils ne sont pas allés en Russie se faire soigner, mais en France… Je ne pouvais pas l’expliquer dans le film, le Professeur qui a construit le centre de Vinča a refusé de travailler sur le projet d’armes nucléaires. Il a été mis de côté et ils l’ont remplacé. Mais c’était un très bon ami du professeur Jammet qui était le directeur de l’hôpital français, c’est lui qui a organisé le transfert. C’était un hôpital expérimental qui accueillait des patients en stade terminal de maladies pour lesquelles il n’existait pas de traitement. Le professeur Mathé y faisait des recherches sur la guérison des radiations et c’est ainsi que les choses se sont enclenchées. Mathé a décidé de faire les transplantations sur les patient∙es, car il n’y avait plus rien à perdre. Mais la question des donneurs et donneuses est d’un autre calibre moral. De nos jours, on ne peut pas imaginer qu’une telle chose puisse se passer ainsi, rien que sur le plan légal. Vous ne pouvez pas signer que vous allez risquer votre vie pour sauver de parfait∙es inconnu∙es au péril de votre vie. Un de mes amis m’a dit, « si je ne savais pas que ce sont de vrais événements, je penserais que ce que tu montres est un conte de fée ! »
À quel point l’histoire est fictionnalisée ?
Tous les faits et les noms des personnages sont dans le film, mais l’intrigue est de la fiction, les relations entre les personnages et tout ce qu’entourent les faits. Tous mes films, comme la série que j’ai réalisée, sont une combinaison de faits et de fiction.
Vous créez des ambiances différentes dans votre film, il y a du film noir, du film d’espionnage, du film d’histoire, et en même temps quelque chose de très clinique qui finit sur un film humaniste. Quels sont les enjeux d’un tel projet en termes de décor, de découpage, de montage et aussi de flashbacks ?
C’était très difficile, particulièrement à l’écriture et au montage. Le tournage a été un plaisir, mais combiner tous ces niveaux narratifs, mixer tous ces genres, pouvoir délivrer un message puissant sans être pathétique ou sentimental, cela a été un énorme défi. La monteuse du film, Milena Predić, m’a beaucoup aidé à faire les connexions entre ces différents niveaux et mener toutes ces routes secondaires vers la route principale du film. Ce film est le plus compliqué que j’ai fait.
Il y a aussi un travail de caméra assez conventionnel qui contribue à la cohérence visuelle du récit. Comment l’avez-vous conçu avec le directeur de la photographie?
On a décidé d’utiliser un objectif anamorphique (comprimant l’image horizontalement, N.D.A.) qui permettait de créer une atmosphère qui rappelle la fin des années 50, retrouver une lumière des films de l’époque. C’était l’idée de base. La seconde idée était de ne pas être trop agressif avec les mouvements de caméra.
L’espace sonore créé est très sensoriel également…
Le son de l’hôpital vide, des réacteurs, on a essayé de trouver des effets sonores qui nous aident à ressentir ce qu’il se passe. Généralement, j’aime faire des films qui touchent les gens, mais je ne veux pas qu’ils écoutent un message, je veux qu’ils l’éprouvent. C’était le plus grand défi et le son aide à cette compréhension sensitive.
Les deux personnages principaux, qui se soucient de ce qu’ils appellent professeur, ont un lien qu’il faut chercher au plus profond de leur personnalité et qui est d’autant plus fort. On le ressent à travers l’alchimie des deux acteurs principaux qui transportent cette alchimie : comment les avez-vous choisis ?
Le fait que ces deux personnages principaux soient deux scientifiques alter ego est un thème central dans le film. Quand j’ai vu Alexis Manenti dans Les Misérables (Ladj Ly, 2019), j’ai appris qu’il avait des origines serbes par sa mère, qu’il connaissait mon langage, cela a été ma première décision – le prendre pour le rôle du professeur Mathé. Le fait qu’il connaisse ma langue était déterminant, on pouvait se parler directement et se comprendre, discuter du scénario ensemble. De son côté, Radivoje Bukvić qui joue le professeur Popović parle très bien français. C’était pour moi intéressant que les deux puissent communiquer, parler ensemble avant le tournage. J’ai fait de nombreux essais des deux séparément, puis les ai mis ensemble pour voir si cela fonctionnait, quelle sorte d’alchimie il y avait entre eux, et effectivement, elle était très forte. Cet aspect est important, car ce sont des alter ego : Mathé fait des recherches pour guérir les gens en phase terminale, il veut rendre le monde meilleur, le professeur Popović fait des recherches sur les armes nucléaires, ce qui est une potentielle destruction du monde. Mais comme le professeur Mathé le dit : si Popović n’avait pas fait ses essais ratés en Yougoslavie, peut-être qu’il n’aurait pas trouvé ce moyen de guérison. C’est la réaction en chaîne de la vie.
Les personnages de votre film sont confrontés à des dilemmes moraux, mais c’est comme si l’histoire penchait vers le bien avec cette découverte de la greffe de mœlle osseuse. Ce n’est pas nouveau que la frontière entre le bien et le mal soit très mince, comment avez-vous abordé cet aspect ?
J’ai décidé de faire des films quand j’approchais la cinquantaine. À cette époque, j’ai commencé à perdre la foi en l’humanité. J’ai pris la décision de rechercher, en passant à la réalisation, ce qui est bon dans l’être humain. J’ai décidé de croire que le bien existait et que j’allais le montrer dans mes films, quelle que soit la réalité brutale dans laquelle on vit. Dans ce film, j’ai exploré comment la formule de la mort peut devenir la formule de la vie.
Réalisateur : Dragan Bjelogrlić
Scénario : Vuk Ršumović, Ognjen Sviličić, Dragan Bjelogrlić
Basé sur le roman : Vinča Case du prof, Goran Milašinovićm
Producteurs : Dragan Bjelogrlić, Dragan Šolak
Coproducteurs : Miroslav Mogorović, Aleš Pavlin, Andrej Štritof,
Tomi Salkovski, Djordje Vojvodić
Producteur exécutif : Goran Bjelogrlić
Producteur délégué : Nataša Višić
Producteur associé : Branko Neškov
Conception de la production : Jelena Sopić, Jovana Cvetković
Cinématographie : Ivan Kostić
Montage : Milena Predić
Récupération du son : Igor Popovski
Conception sonore : Ivan Neškov
Montage son : Ivan Neškov
Mixage du son : Branko Neškov
Compositeur : Aleksandar Ranđelović
Créateurs de costumes : Marina Vukasović Medenica
Coiffure/Maquillage : Goran Ignjatovski
Effets visuels : Nebojsa Rogić, Ivan Čolić
Production : Cobra film
Avec le soutien de :
Eurimages
Film Centar Serbia
Ministère de la culture de la république de Serbie
Centre du film slovène Macédoine du Nord
Agence du film Centre du film du Monténégro
Creative Europe Media