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LES OUBLIÉS DE LA BELLE ÉTOILE

Documentaire / France

En Savoie se situait le centre de redressement catholique La Belle Étoile. Dédé, Michel et Daniel y ont séjourné enfants dans les années 50 à 70, et y ont été battus, humiliés, affamés, détruits. Avec la complicité de la réalisatrice Clémence Davigo, ils se réunissent enfin pour briser le silence. Une épopée bouleversante sur le chemin de la mémoire et de la justice.

Année

2023

RÉALISATION

Clémence DAVIGO

SCENARIO

Clémence DAVIGO

AVEC

-

FICHE TECHNIQUE

1h45 - Couleur - Dolby Digital 5.1

DATE DE SORTIE

5 Février 2025

ÉVÈNEMENT

Mardi 4 : 20h00

Avant-première mardi 4 février à 20h00 avec débat animé par Christophe Postic, directeur artistique des États généraux du film documentaire de Lussas, en présence de Clémence Davigo, réalisatrice du film, de Daniel Rabiah et de Gérard Ponson, protagonistes du film.

NOTE D’INTENTION

A l’origine de ce désir de film Dans mon premier film, Enfermés mais vivants, je faisais le portrait d’un couple, Annette et Louis, qui, pendant de longues années, s’étaient aimés malgré la prison qui les séparait. Je leur ai proposé de revenir sur les lieux où Louis avait été enfermé : les anciennes prisons de Perrache, alors transformées en université. Déambulant le long des murs et travers les souvenirs, remontant le temps de l’enfermement, Annette et Louis racontaient leur lutte rageuse pour échapper intérieurement à la prison et sauvegarder leur sentiment d’être vivants. Cette volonté de tordre le cou au destin, de tracer sa voie malgré ce qu’on a voulu faire de lui, je l’ai retrouvé chez un ami de Louis, rencontré lors du tournage : il s’appelle André Boiron, mais dans le milieu tout le monde l’appelle Dédé. Comme Louis, Dédé a connu la prison. Il y a passé 35 années de sa vie pour braquages. Grand monsieur, la voix attendrissante, Dédé a une belle gueule d’acteur italien. Souriant et malicieux, il s’exprime avec un léger zozotement qui contraste avec son côté flambeur: manteau beige, chemise et chaussures de ville, il aime rouler dans de belles voitures même si ses moyens ne le permettent plus.

 

Enfant de la misère et vieux gangster à la retraite, au cours de nos discussions j’ai compris que son histoire avait une préhistoire. Qu’il avait vécu une autre forme d’enfermement avant l’expérience de la prison. Dès l’âge de 9 ans, Dédé a été placé dans le centre de redressement de la Belle toile et ce qu’il m’en a raconté m’a bouleversé. Les trois années que Dédé a passées Mercury, une petite commune située en Savoie, restent gravés dans sa mémoire comme les pires souvenirs de sa vie. Même la prison, « c’était de la rigolade ct », dit-il. Selon lui, c’est d’ailleurs ce qui a marqué le début de la fin : « à partir de ce moment-là, mon avenir était déjà tracé, c’était foutu ». Lorsqu’il raconte les terribles souvenirs de son passage la maison de correction et les sévices infligés par l’abbé Garin (le directeur du centre) et les chefs, c’est toujours avec des mots d’enfant : « J’avais des bobos derrière les genoux qui ne guérissaient jamais ». Et de conclure : « Si je compte, en plus des années de prison, celles que j’ai passées en maison de correction, et autres centres d’apprentissage, j’ai pratiquement toujours vécu enfermé. » Ce n’est que des années plus tard, alors qu’il était déjà à la retraite, que Dédé a retrouvé, via les réseaux sociaux, un groupe d’anciens pensionnaires du centre de redressement.

 

Un jour, Dédé m’a proposé de l’accompagner au repas partagé qu’organise chaque et ce groupe d’anciens pensionnaires de la Belle étoile. Quelques heures de détente pour ceux qui furent des enfants abandonnés, placés, sur les lieux mêmes où ils se sont rencontrés. J’étais à la fois émue et surprise par cette improbable réunion. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser Dédé et ses amis d’infortune se retrouver tant d’années plus tard dans cet endroit dont ils gardent d’effroyables souvenirs ? Entre paté en croute, tarte aux mirabelles maison et cubi de rosé, le repas se déroule dans une ambiance bon-enfant. Il fait beau, un groupe de bambins s’amuse au loin. Les paroles et les blagues fusent, mais je perçois quelque chose de lourd derrière cette apparente légèreté, une sorte de pudeur cachée. Ce que j’ai tout de suite perçu, c’est un fort sentiment de fraternité, de joie, de camaraderie. Et mon désir de film est né ce jour-l : j’étais glacé par cette histoire terrible, mais en profonde empathie pour ces hommes et ce besoin qui était le leur de se retrouver, inlassablement.

 

J’ai alors souhaité réaliser un film qui puisse accueillir ce que je percevais chez ces hommes : les linéaments d’une amitié, les fils d’une complicité, les liens du malheur mus en de solides attaches pour continuer à vivre. En écoutant ces hommes, aujourd’hui retraités, j’ai pu mesurer à quel point leur passage en centre de redressement durant leur enfance a eu de terribles répercussions sur toute leur existence. Chacun porte les marques de son sjour au centre de la Belle toile : mutisme, blocages, cauchemars, tentatives de suicide, isolement social, grande fragilit, problmes de sant… Ils sont plusieurs à ne jamais avoir osé en parler, ni leurs proches ni d’autres. Et lorsque certains ont tenté de le faire, on ne les a pas crus. Pour la plupart, le traumatisme est tel qu’il aura fallu attendre 60 années pour que la parole se libère. Ce n’est pas juste le temps qui passe, qui a permis ces personnes de se raconter, c’est aussi la force du collectif, le réconfort d’être ensemble : se sentir rassuré sans avoir besoin d’expliquer, de prouver ou de se justifier.

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Après des études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, qui l’amènent à s’intéresser plus particulièrement au cinéma documentaire, Clémence Davigo suit une formation en réalisation documentaire de création à l’École de Lussas au cours de laquelle elle réalise un court-métrage intitulé L’Usine. Collaboratrice régulière de Télé Millevaches, télévision locale située sur le Plateau de Millevaches, elle y travaille d’abord en tant que chargée de réalisation, puis pour la mise en place d’ateliers audiovisuels avec différents publics, notamment en milieu carcéral. Elle termine son premier film documentaire Enfermés mais vivants en 2018. En 2023, elle termine son deuxième long-métrage documentaire : Les Oubliés de la Belle Étoile. Actuellement, elle travaille sur de nouveaux projets en cours d’écriture, dont l’un d’entre eux, Soeurs a bénéficié de « L’aide au projet d’après », un dispositif mis en place par la Région Nouvelle-Aquitaine.