Fiction / Malaisie, Taiwan, Singapour, France, Allemagne, Pays-Bas, Indonésie et Quatar

TIGER STRIPES

Zaffan, 12 ans, vit dans une petite communauté rurale en Malaisie. En pleine puberté, elle réalise que son corps se transforme à une vitesse inquiétante.  Ses amies se détournent d’elle alors que l’école semble sous l’emprise de forces mystérieuses.  Comme un tigre harcelé et délogé de son habitat, Zaffan décide de révéler sa vraie nature, sa fureur, sa rage et sa beauté.

ANNÉE
RÉALISATION
SCENARIO
AVEC
FICHE TECHNIQUE
DATE DE SORTIE

2023

Amanda NELL EU

Amanda NELL EU

Zafreen ZAIRIZAL, Deena EZRAL, Piqa…

1h34 – Couleur – Dolby Digital 5.1

13 mars 2024

BIOGRAPHIE DE LA RÉALISATRICE

Amanda est titulaire d’un master de réalisation de la London Film School et a participé au programme Berlinale Talents et à la Locarno Filmmakers Academy. Son court-métrage Lagi Senang Jaga Sekandang Lembu (It’s easier to raise Cattle) a été sélectionné à la Mostra de Venise, avant de circuler dans des festivals internationaux où il a reçu de nombreuses récompenses, dont une mention spéciale au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand. Son court-métrage suivant, Vinegar Baths, a été primé dans plusieurs festivals et a décroché le prix du Meilleur film au festival de courts-métrages Scream Asia Horror. Tiger Stripes est son premier long-métrage.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Quel a été le point de départ de Tiger Stripes ?

 

L’idée du film est née de mon sens de l’humour tordu. Je réfléchissais à la façon dont j’avais vécu la puberté à l’adolescence, et le traumatisme que ça avait été. J’étais mal dans ma peau, je détestais mon corps et j’étais terrifiée par tous ces bouleversements. À cela s’ajoutaient les commentaires désagréables des gens qui jugeaient mon corps comme si c’était un sujet de conversation public. Je voulais raconter cette horreur du corps d’une fille qui découvre tous ces changements chez elle. On entend toujours dire que les adolescentes sont de vrais démons, des folles soumises à leurs émotions, et ça m’amusait d’écrire un personnage qui se transforme réellement en monstre. Du style : « Vous voulez que je vous montre ce que c’est, un vrai monstre ? » Par-là, mon intention était aussi de questionner l’idée même de monstre, et la définition du beau et du monstrueux. Dans Tiger Stripes, j’ai à cœur de célébrer le monstre, parce que c’était comme ça que je me percevais en grandissant.

 

Comment avez-vous écrit le rôle principal, Zaffan ?

 

Au début, Zaffan était très proche de moi, des expériences que j’avais vécues et observées dans mon adolescence. Puis le personnage a commencé à changer au moment du casting, au fil des entretiens avec de jeunes filles. Mon adolescence est loin derrière moi, mais les épreuves que j’ai traversées à l’époque n’ont pas disparu et parlent toujours aux jeunes filles d’aujourd’hui. C’est comme ça qu’on a fait évoluer le personnage. Puis la rencontre avec Zafreen Zairizal, qui interprète Zaffan, a été essentielle. Zafreen est une jeune fille au courage et à la détermination incroyables. Elle est taquine, impertinente au possible, et j’ai vu le feu qui brûlait en elle pendant le casting et qui correspondait parfaitement au rôle. C’est cette énergie qui a permis de transposer un personnage de papier sur le grand écran.

 

Comment s’est déroulé le casting ?

 

C’était pendant la pandémie et, en raison du confinement, il était très difficile de faire ce qui était prévu au départ, à savoir organiser de grandes auditions dans les écoles. À la place, ma directrice de casting a publié des annonces en ligne et contacté des jeunes filles repérées sur TikTok et Instagram. Elle a réussi à sélectionner environ 200 filles et, chaque fois que la situation sanitaire s’assouplissait un peu, on se dépêchait de les auditionner. Une fois notre liste réduite à une trentaine de candidates, on a mis en place des ateliers avec un coach en jeu d’acteur. Dans le cadre des ateliers — un vrai luxe, étant donné le report de la production en raison de la pandémie — on a abordé les thèmes du film, le harcèlement scolaire, l’image corporelle, la confiance en soi… Il y avait aussi des cours de théâtre pour montrer aux filles comment s’ouvrir et partager. Zafreen se démarquait largement des autres, c’était une vraie star. Les autres actrices principales, Deena Ezral et Piqa, brillaient aussi à leur manière. Il y avait une alchimie extraordinaire entre elles pendant l’atelier.

 

Qu’avez-vous appris sur les jeunes filles d’aujourd’hui pendant le casting ?

 

Que pas grand-chose n’a changé ! Les jeunes sont toujours aussi durs. Ils peuvent vous aimer et vous rejeter du jour au lendemain, simplement parce qu’un petit quelque chose est différent. Mais j’ai aussi remarqué, notamment au cours des ateliers, le soutien qui peut se développer entre les adolescentes. C’était merveilleux de voir une telle camaraderie et une telle affection entre elles. Elles avaient instauré un cadre de confiance, de sécurité et d’ouverture dont je suis sincèrement reconnaissante. C’était une expérience incroyable qui m’a donné espoir en l’avenir  : je ne doute pas qu’elles deviendront des personnes exceptionnelles.

 

Pourquoi s’attacher à dépeindre la méchanceté qui existe parfois entre les filles ?

 

Lolita malgré moi (2004) fait partie de mes films préférés, et j’adore ce type de relations ! J’ai grandi avec deux sœurs aînées et j’ai fait ma scolarité dans un établissement pour filles, donc la violence des relations féminines, ça n’a rien d’abstrait pour moi. D’ailleurs, ça ne concerne pas seulement les adolescentes, mais aussi les femmes adultes. Je suis passionnée par les interactions entre meilleures amies, entre haine féroce et amour fou. C’est la relation la plus complexe qui soit.

 

Comment décririez-vous la relation entre Zaffan et Farrah ?

 

En théorie, ce sont les meilleures amies du monde : elles passent tout leur temps ensemble, elles s’adorent, mais ça n’empêche pas une certaine jalousie entre elles. Farrah perçoit en Zaffan quelque chose à détruire, à mater, et comme elle ne sait pas comment en parler, elle la critique. Chez certains ados, l’agressivité est le seul recours parce qu’ils ne peuvent pas s’exprimer librement. Farrah ne quitte jamais Zaffan des yeux, elle cherche sans cesse à la rabaisser. Quant à Zaffan, elle déborde de confiance en elle, c’est une rebelle qui ne se laisse pas faire ni atteindre par les choses. Mais un jour, sa vie change du tout au tout et Farrah va profiter de ce moment de faiblesse pour l’attaquer.

 

Il s’agit des premières apparitions à l’écran de Zafreen et Deena. Comment les avez-vous aidées à bâtir la relation entre leurs personnages ?

 

C’était la toute première fois que Zafreen et Deena jouaient la comédie et, déjà pendant les ateliers, j’avais noté qu’elles avaient d’excellents réflexes. C’était formidable de les voir devenir amies pendant la production. Il me paraissait essentiel que ces deux jeunes filles se soutiennent en dehors du plateau, pour qu’elles puissent bien dissocier la réalité de la fiction lorsqu’elles jouaient leurs personnages. Nous avons longuement parlé de leurs rôles et des techniques pour mieux les interpréter. Tout ça s’est passé pendant la préproduction  : quand est arrivé le moment de tourner, on s’est surtout beaucoup amusées.

 

Quel est le rôle des adultes ?

 

Je voulais des adultes stéréotypés, presque cartoonesques, en particulier les enseignants et tous ceux qui interviennent dans le cadre scolaire. Quand j’étais ado, on ne voyait pas nos professeurs comme des êtres humains  : c’étaient des personnages, pas des mères ou des parents. Pour nous, ils n’avaient pas de vie en dehors de l’école. Je voulais rendre compte de cette perception des enseignants et les montrer comme des figures d’autorité qui pèsent lourdement sur les filles. En ce qui concerne les parents, ils sont plus humains, mais ça reste des parents de contes de fées : un père qui n’est pas vraiment là, une mère qui passe son temps à houspiller Zaffan sans se soucier de la comprendre. Il y a beaucoup d’amour, mais les problèmes de communication sont à la source du conflit. La mère de Zaffan peine à voir sa fille telle qu’elle est, d’où la friction entre elles.

 

En parlant de contes de fées, quelles sont vos sources d’inspiration pour la métamorphose de Zaffan ?

 

J’ai puisé dans le folklore d’Asie du Sud-Est, notamment pour l’aspect de Zaffan à la fin du film. C’est une variation sur la figure du « Harimau jadian », un tigre-garou issu du folklore de la région de Nusantara, très populaire en Indonésie et, naturellement, présent aussi en Malaisie. C’est un tigre qui se transforme en être humain pour essayer de s’intégrer à notre société. Dans Tiger Stripes, ma démarche est à l’opposé : il s’agit de rompre avec la société et ses normes pour vivre une existence libre et sauvage, en se reconnectant aux beautés de la nature environnante. Tiger Stripes est aussi un hommage aux vieux films d’horreur malais, particulièrement dans la conception des monstres, ainsi qu’une ode aux maquillages d’effets spéciaux. Il y a beaucoup de références au cinéma d’horreur des années 80, notamment House (1977). Du côté des contes de fées, je m’inspire du Vilain Petit Canard, surtout pour la relation mère-fille. Zaffan est un vilain petit canard qui se transforme en quelque chose que personne ne comprend.

 

Pourquoi teniez-vous à incorporer des vidéos tournées au téléphone portable  ? S’agit-il d’images filmées par les filles elles-mêmes ?

 

Oui, toutes les vidéos ont été faites par les filles. Jimmy Gimferrer, mon chef-opérateur, n’est pas une adolescente et n’a pas forcément le même regard sur les choses Ces vidéos représentent le regard des personnages et celui des jeunes filles d’aujourd’hui. Ça n’a plus rien à voir avec l’époque d’avant les réseaux sociaux et les portables avec appareil photo, où on examinait nos corps dans le miroir. Tout ça se passait dans un cadre privé. De nos jours, c’est devenu public : on poste des images de soi, qui montrent comment on change, comment on grandit. Pour les jeunes filles actuelles, c’est une facette essentielle de l’expérience de la puberté

 

Pourriez-vous nous parler des choix esthétiques de Tiger Stripes ?

 

À mes yeux, l’important était de retranscrire l’énergie des personnages et des actrices elles-mêmes. Je voulais aussi filmer les couleurs de la Malaisie. Dans notre pays, les écoles débordent de couleurs et on laisse la végétation s’épanouir sans contraintes. Certaines scènes ont aussi une atmosphère éthérée et fantastique, pour faire sentir au public qu’il s’agit d’un conte de fées, l’histoire d’une jeune fille qui habite dans un monde lointain. Le lieu de l’action n’a ni nom, ni cadre géopolitique déterminé. On sait que ça se passe en Malaisie et c’est tout. Les contes de fées et les récits populaires me plaisent parce qu’ils ne s’arrêtent pas à une région spécifique. Ils sont transmis oralement et perdurent à travers les générations, car peu importe l’époque, on peut s’y identifier. C’est quelque chose que j’adore dans les histoires, et c’est pour ça que je voulais créer un sentiment d’intemporalité dans Tiger Stripes. D’un côté, les ados ont des portables dans le film, mais de l’autre, elles sont obsédées par les autocollants, alors que c’est un truc des années 90 ! C’était une façon de rendre l’histoire encore plus universelle.

LISTE TECHNIQUE

Réalisatrice : Amanda Nell Eu
Scénariste : Amanda Nell Eu
Directeur de la photographie : Jimmy Gimferrer
Montage : Carlo Francisco Manatad
Cheffe costumière : Sharon Chin
Son : Lim Ting Li
Musique : Gabber Modus Operandi
Production : Foo Fei Ling (Ghost Grrrl Pictures), Patrick Mao Huang (Flash Forward Entertainment), Fran Borgia (Akanga Film Asia), Juliette Lepoutre, Pierre Menahem (Still Moving), Jonas Weydemann(Weydemann Bros.), Ellen Havenith (PRPL) & Yulia Evina Bhara (Kawan Kawan Media)
Ventes internationales : Films Boutique

LISTE ARTISTIQUE

Zafreen Zairizal : Zaffan
Deena Ezral : Farah
Piqa : Mariam
Shaheisy Sam : Docteur Rahim
Jun Lojong : Munah
Khairunazwan Rodzy : Azman
Fatimah Abu Bakar : Guru Besa

CE QU'EN DIT LA PRESSE

BANDE À PART

Insolent en diable, ce premier long-métrage venu de Malaisie réjouit. Il raconte avec malice, et amour du cinéma de genre, la mutation adolescente et la féminité triomphante. Et révèle une jeune cinéaste qui n’a peur de rien : Amanda Nell Eu.

 

CINEMATEASER

Si Amanda Nell Eu trébuche sur certains des faux pas traditionnels des premiers films (quelques scènes apparaissent redondantes ou étirées inutilement), ils sont finalement peu de choses face à tout ce qu’elle accomplit.

 

L’HUMANITÉ

Une pimpante fable expressionniste sur la découverte de la féminité.

 

L’OBS

De la sauvagerie à la beauté, les sensations contradictoires sont au cœur de ce projet porté par de jeunes débutantes au naturel confondant.

 

LE JOURNAL DU DIMANCHE

Coup de cœur pour ce film fantastique qui convoque les grands récits de métamorphose contemporains […].

 

LE MONDE

Emaillé de scènes captées au téléphone portable – par les jeunes actrices elles-mêmes –, le film rend compte, dans une liberté sidérante, de l’expérience adolescente contemporaine où il ne s’agit plus seulement de s’ausculter devant son miroir mais à travers l’image renvoyée par les réseaux sociaux.

 

LE PARISIEN

Si le film file la métaphore en permanence, il le fait ayant recours à des incursions spectaculaires dans le cinéma fantastique, voire d’horreur, via des effets spéciaux d’une simplicité aussi étonnante que rafraîchissante, au long d’un récit d’émancipation résolument féministe…

 

LES ÉCHOS

Un coup d’essai percutant.

 

LES FICHES DU CINÉMA

Sous l’épouvante, un joli conte autour de la puberté.

 

LES INROCKUPTIBLES

Avec une force de frappe étonnante, « Tiger Stripes » finit par retourner les stigmates de la saleté (sang, poils, transpiration…) pour en célébrer chaque métastase moite comme les armes nouvelles d’une sauvagerie impolie et salutaire.

 

LIBÉRATION

Ce récit à demi-fantastique – mais bien ancré dans l’expérience la plus ordinaire et impure d’un corps soudain nubile – traite intelligemment de thèmes de l’adolescence : l’insolence et la puberté, la révolte et la monstruosité, l’horreur intime du corps qui mute.

 

TÉLÉRAMA

Bigarré comme le pelage du tigre, voilà un film qui mêle les couleurs et les sensations, en s’adressant à la fois aux adultes et aux jeunes.

 

LA SEPTIÈME OBSESSION

TIGER STRIPES rugit dès lors d’une gutturalité libératrice dont l’écho fait un bien fou. Ici, le rose est rosse. Et c’est tant mieux.

 

PREMIÈRE

Porté par une jeune comédienne fougueuse, Tiger stripes dépeint une douleur purement féminine et nous sert un cocktail chargé en coming of age fantastique qui n’est pas sans rappeler le Règne Animal. Mais ici, la mise en scène proche de son sujet (la jeunesse en crise d’ado) et raillant les figures d’autorité dépeint avec précision l’éveil brutal de l’adolescence.

 

aVoir-aLire.com

Aussi original que créatif, ce drôle d’ovni du cinéma malaisien donne un coup de griffe bien mérité à une société archaïque qui peine à voir les jeunes filles sortir de la prépuberté autrement que comme des animaux sauvages dont il faudrait se défaire.